Dans le sud du Maroc, c'est un groupe de chanteuses et danseuses qu'on retrouve souvent dans des évènements familiaux. Baptêmes, mariages où encore fête de circoncision, les Houariates sont un symbole de joie, de féminité, et un hymne à la vie et l'attachement à la culture marocaine. Qui sont ces femmes? Hespress Fr les a rencontrées pour le savoir. Elles sont cinq et habitent toutes dans la Kasbah de Marrakech. Pour elles, être Houaria, c'est bien plus que des origines: c'est un héritage et surtout une relève. Leur musique traditionnelle est inspirée des tribus d'origine de I'Houara, région située entre Taraoudant et Tiznit, et celles des Hammadas dans la région de Daraâ. Aïcha, ou "Lalla Aïcha" comme on l'appelle, est leader du groupe, la "Raïssa". C'est la chanteuse principale, celle qui gère les autres femmes du groupe. Alors que les quatre autres membres s'habillent de caftans bleu ciel, Lalla elle, fait l'exception. Chez les Houariate, la Raïssa doit être mise en valeur, raison pour laquelle elle porte souvent un caftan doré ou argenté. "Je suis la plus âgée, mais aussi celle qui a beaucoup d'expérience, et c'est pourquoi je les guide comme une grande soeur", nous explique Aïcha avec fierté. En les regardant chanter, les Houariate semblent être des femmes fortes et surtout épanouies. C'est en tout cas l'impression qu'elles donnent à travers leur attitude et leur confiance en elles-mêmes. Ce groupe de femmes déborde d'audace, comme on le remarque à travers leurs paroles riches en insinuations érotiques qu'elle chantent avec des voix cassées. Leurs chansons sont une composition de mots qui marquent à jamais les esprits surtout qu'elles évoquent des sujets tabous comme le désir, la sensualité, sans rester loin de la pudeur. La souffrance fait également partie des sujets que chantent les Houariates, non seulement celle de la rude vie de leur région, mais également celle qu'elle vivent dans une ville comme Marrakech. En utilisant Derbouka, Tâarija et Bendir, ou ce qu'on appelle Tara, elle évoquent aussi des sujets inspirés de faits sociaux marocains comme les nuits de noces, la sorcellerie et l'alcool. "Nous nous adaptons aux évènements. Nous chantons dans des baptêmes, des fêtes de mariage, et même dans des nuits de noces, mais ça se fait entre femmes, c'est pourquoi nous nous permettons de divertir nos clients par nos paroles un peu osées", nous confie Fatima, danseuse du groupe. Cheveux noirs et tressés, tombant aux reins, yeux tirés derrière un khôl, Fatma est la danseuse principale du groupe. Chicha dans la main, elle ne semble rien craindre, encore moins le regard de la société. » En tant que chanteuses et danseuses, nous sommes souvent associée au plaisir, à l'alcool, au sexe et nous ne pouvons malheureusement pas changer cette perception de cet art. Nous savons et connaissons notre valeur, c'est déjà bien » nous explique la jeune femme. "Un jour j'irais au Hajj, après je ne chanterai plus" Aucune des membres du groupe ne se souvient d'une date précise de sa fondation. Ces femmes ont grandi dans des familles où chanter le Houari est un devoir. "Nos parents ont tout fait pour qu'on puisse prendre la relève et chanter. On a grandi avec, c'est venu naturellement", explique Aïcha. "D'ailleurs, je suis sûre qu'un jour ma fille chantera à son tour, peut-être quand je ne serai plus là." ajoute-t-elle souriante. Bien qu'elles ne se produisent que dans des évènements heureux, ces femmes ont une vie quotidienne qui ne reflète pas ce qu'elles gagnent. Assises dans une salle, après la fin d'un de leur show privés, elles fument une chicha, discutent, et racontent des blagues. Leurs regards cachent quelque chose de dur. "Heureusement qu'on a appris cet art, sans musique, je ne sais pas ce que j'aurais pu devenir surtout après la mort de mon mari", nous confie Aïcha. "Ma fille s'est mariée, mais mon fils vit toujours avec moi, il est chômeur, et sa situation me fait de la peine. Je ne travaille pas que pour moi, mais pour lui aussi" ajoute-t-elle tristement. De son côté, Fouzia, 40 ans, est la plus jeune du groupe. Veuve, elle travaille pour nourrir ses enfants, payer son loyer, sans oublier de faire des économies, et ce pour une raison qui lui tient à coeur. "J'économise mon argent, pour faire le pèlerinage, c'est mon plus grand rêve", confie-t-elle. "Un jour j'irais au Hajj, après je ne chanterai plus".