Dans le cadre de la promotion du film « Noura rêve » de Hind Boujemaa, l'actrice tunisienne, Hend Sabri, fait son « come-back » au Festival International du film de Marrakech (FIFM). Habituée de cet événement cinématographique de stature mondiale, Hend Sabri, très suivie au Maroc notamment pour ses prestations « très convaincantes » dans plusieurs films et séries en Tunisie mais surtout en Egypte, a bien voulu se prêter au jeu des questions-réponses au micro de Hespress Fr. La Tunisienne, qui a su se positionner en Egypte, et se forger une place bien à elle, parmi les plus grands, commence par préciser que ce 18è FIFM marque sa troisième participation. « J'ai assisté à la naissance du festival du moment où je faisais partie des membres du jury en 2005 je pense et c'était la 2e édition du festival je pense, et j'ai vu le public du FIFM plus nombreux et en même temps plus jeune », relève-t-elle. Et d'ajouter: « Lors de la diffusion de « Noura rêve », j'ai vu des jeunes dans la salle, filles et garçons, des étudiants, on a parlé un peu, et cela m'a beaucoup plu. C'est ça qui change une société et la pousse à aller de l'avant, quand la jeunesse est exposée à l'art, et c'est ce qui est en train de se passer dans cette belle ville ». Hespress Fr: A travers les films et les séries dans lesquels vous avez joué, vous avez toujours traité les différentes problématiques auxquelles sont confrontées les femmes dans les sociétés arabes (marginalisation, harcèlement …). D'ailleurs dans votre dernier film « Noura rêve » vous avez incarné le personnage d'une femme ayant vécu une relation adultère. Selon vous, au 21e siècle, est-ce que la femme est plus libre ? Hend Sabri: Non ! Justement, c'est pour ça que j'ai voulu faire un film comme « Noura rêve ». Parce que j'estime qu'on est devenu passifs, surtout la femme tunisienne, elle possède des droits reconnus dans la région et au niveau international. C'est comme si ces droits étaient devenus automatiques et qu'il n'était plus la peine d'en parler. Au contraire, il y a même des hommes en Tunisie aujourd'hui qui nous disent : »Que voulez-vous de plus ». Mais il y a une grande différence entre les lois consignées dans les constitutions et les lois de la rue et de la société qui sont moins clémentes et plus cruelles pour la femme et c'est ce qui s'accentue aujourd'hui et non le contraire. Je vois que notre société est devenue plus cruelle avec la femme, et non le contraire. Il se peut que les lois soient devenues meilleures, pas uniquement en Tunisie même au Maroc, je sais qu'il y a plusieurs commissions qui travaillent pour changer les statuts personnels au Maroc, et qu'il y a plusieurs femmes militantes dans ce domaine. Mais la société tunisienne, que je connais un peu plus que la société marocaine, est une société qui juge de plus en plus la femme, est de plus en plus cruelle sur la femme peut-être à cause des droits qu'elle a pu acquérir. Donc on doit être conscient de ça, parce que si on s'endort sur nos oreillers ça va être un problème… Photo: Khadija Khettou Et vous, vous essayez de traiter ça dans vos films et séries ? J'essaie, mais je ne suis pas une militante. Toutefois, c'est toujours mieux pour moi quand il y a un message. Et même si c'est une comédie. « Aayza Atguawiz » (Je veux me marier), c'est une comédie. Il n'y a pas plus comique que cela. Mais c'est une série qui a abordé une question de fond qui était socialement très importante, à savoir cette obsession du mariage pour les filles, pour les mères, pour les pères et le mariage en tant que fin en soi. Et moi j'ai voulu en rire pour que les filles rient avec moi et dédramatisent la question du mariage ou le retard du mariage. Au début de votre carrière, le public vous a vue dans des scènes assez « osées ». Ce n'est plus le cas aujourd'hui. C'est un choix? Oui et pour deux raisons. Une publique et une privée. La raison privée, c'est que je n'aime pas forcément choquer les gens. Ce n'est pas mon but. Je ne fais pas ça pour le buzz. Je crois en la liberté de l'art mais pas tout le monde y croit. Et je ne veux pas être la seule à le revendiquer. Quand tu es seule à parler de certaines choses, à les condamner ou à revendiquer la liberté dans l'art, tu te sens très seule. Et tu te fais attaquer et ta famille aussi. Il faut être très fort pour ne pas devenir fragile par rapport à ça. La raison publique, c'est que je trouve que ça n'avance pas. Pas le schmilblick forcément. C'est-à-dire qu'on a un public qui est quand même assez conservateur. Ce sont aussi nos familles. Donc par respect. Le respect pour leur capacité d'écoute. Je préfère les tenir par la main et leur faire goûter un message qui peut être plus subversif qu'une séquence, qu'une scène. Ces personnes vont continuer à écouter parce qu'il n'y a pas la scène qui les dérange. Leur parler, plutôt que de leur faire quitter la salle au bout de cinq minutes et perdre un interlocuteur.