C'est une grande histoire d'amour (ou d'amertume) qui lie les chauffeurs de taxis rouges de la métropole aux passagers. Si vous posez la question à l'un comme à l'autre, chacun à quelque chose à reprocher. Rencontre avec ces deux acteurs Casablancais qui liés par un réel « je t'aime moi non plus ». Hamid. F, 42 ans, célibataire, est chauffeur de taxi rouge depuis déjà 10 ans. Très « énervé » et « stressé« , il a habité pendant 15 ans en Espagne avant de décider de revenir à la mère-patrie et se convertir en taximan. « Je n'en pouvais plus de rester seul en Espagne loin de ma mère, surtout après le décès de mon père. C'est là où je me suis dit pourquoi ne pas passer le permis. Et c'est là où tout à commencé dans cette ville noire« , nous raconte-t-il. Pour notre interlocuteur, cela fait plus de deux ans qu'il hésite entre quitter le domaine, vu les nombreux problèmes qu'il connait, et y rester. « On a beaucoup de charges et il ne nous reste rien pour nous. D'un côté, on doit payer 250 à 300 dhs par jour au propriétaire du taxi plus le plein de carburant dont les prix ne cessent d'augmenter, sans compter les cas de panne ou d'accident dont tu dois assumer les frais. Et la cerise sur le gâteau, tu te retrouves avec des clients ingrats, qui veulent être transportés seuls à bord sans se soucier que tu as des charges à payer…« , nous confie Hamid. F. Plusieurs problèmes qui gangrènent le quotidien de cette catégorie de professionnels du transport, notamment le tarif imposé par les propriétaires des taxis qui ont augmenté, ces dernières années, le tarif journalier qui est passé de 150 dhs à 300 dhs. Interrogé sur le rôle des syndicats pour la régulation du secteur, en concertation avec les autorités concernées, Hamid. F nous indique que « c'est l'anarchie totale« . « De quelles autorités vous parlez ? Quand on a observé une grève de 15 jours, et que le ministre de l'équipement du transport et de la logistique, Aziz Rabah, a enfin décidé de nous parler, il nous a promis beaucoup de choses. Mais au final, quand on a repris le travail, il nous a dit qu'il ne peut rien faire puisqu'il y a beaucoup de contraintes, notamment les prix du carburant où il ne peut pas intervenir, et les tarifs imposés par les propriétaires des taxis puisque de leur côté chacun impose un prix. Du coup, c'est la loi du plus fort qui règne« , explique à Hespress Fr Hamid. F. Devant ce « chaos » que connait le secteur , les chauffeurs de taxi de Casablanca font comme bon leur semble. Alors que le tarif d'un trajet normal est de 8 dirhams, ou 8,50 dirhams (ça dépend du chauffeur), si vous lui donnez, par exemple, 10 dirhams et que le compteur est à 8 dhs, vaut mieux descendre, car la monnaie n'est jamais rendue. Interrogé sur ce point, Hamid. F nous répond le plus simplement du monde que « le citoyen doit aider le pauvre chauffeur ». « Si un citoyen prend un taxi rouge, c'est qu'il est sûrement aisé et qu'il peut se permettre le prix d'un taxi rouge. De plus, qu'est-ce que 2 dirhams ou même 5 dirhams de plus. Ce n'est rien ! S'il n'avait pas les moyens, il allait prendre un taxi blanc ou le bus« , justifie-t-il. Casse-tête quotidien pour les passagers L'autre face de l'histoire est à aller chercher du côté des passagers! Devant les gares de la métropole (Casa-port- Oasis -Casa-voyageurs), les chauffeurs de taxi sont rois. C'est à eux que revient le dernier mot, et ce sont eux qui décident de la destination, voire même du prix à payer pour le trajet. Questionné sur ce point, notre interlocuteur nous a donné une dizaine de justificatifs, dont nous citerions que quelques-uns. « A Casablanca, il y a des artères qu'on ne peut pas atteindre lors des heures de pointe, et si on y va, c'est parti pour la matinée. C'est pour cela, que devant les gares, chaque chauffeur opte pour la destination de son choix, surtout les destinations fréquemment demandées par les passagers comme Maârif, Bourgogne, 2 mars et autres, du coup on préfère rassembler 3 passagers qui vont dans la même direction. D'un côté le chauffeur a un seul trajet à faire, et de l'autre on gagne un peu plus en prenant 3 passagers d'un seul coup qui vont au même endroit« , argumente Hamid. F. Autant de « manœuvres » et d' »arnaques » que les Casablancais ne supportent plus. Pour ces derniers, les chauffeurs de taxi « volent » les passagers, sans oublier « qu'il faut que tu sois sur leur trajectoire pour qu'ils acceptent de te transporter« , témoigne Jalila. C à Hespress Fr. » C'est juste un casse-tête quotidien pour moi de prendre un taxi rouge. J'habite Boulevard Al Qods et je travaille au centre-ville. Il m'arrive d'attendre plus de 30 min pour trouver un taxi. Des fois je me retrouve, sans le vouloir, à supplier le chauffeur de me transporter voire même négocier avec lui un prix qui lui convient sachant qu'il est dans l'obligation, selon la loi, de me transporter moyennant le tarif au compteur. Et le pire, c'est que ces chauffeurs nous prennent pour des riches, alors que si c'était le cas, j'aurai acheté ma propre voiture« , nous explique cette Casablancaise de 29 ans. Un jour, raconte Jalila. C, après une attente de plus d'une heure, elle est allée demandé l'aide d'un policier qui a rétorqué « qu'il ne pouvait pas intervenir car sa fonction se limitait à gérer la circulation et non lui arrêter un taxi« . Il s'est contenté de lui conseiller de porter plainte si un un chauffeur refusait de la transporter à la destination demandée. « Le policier m'a même proposé de porter plainte contre le taximan qui a refusé de me transporter. Une procédure qui me prendra toute une journée et qu'au final ne résoudra pas mon problème. Et quand je lui ai dit que les autorités devaient faire quelque chose face à ce chaos, il m'a répondu que c'était de notre faute (les passagers) que les chauffeurs agissaient de la sorte, puisque c'est à nous de monter sans leur laisser le temps de nous demander notre destination. Mais ce qu'il ignore, c'est qu'il y a des chauffeurs qui verrouillent les portières et ne les déverrouillent qu'une fois le deal conclu« , s'est-elle indigné. Un bras de fer de longue date entre les chauffeurs de taxis rouges et les clients casablancais, qui, chacun de son côté a une centaine d'arguments à faire valoir pour expliquer son animosité envers l'autre, au su et au vu des autorités qui n'agissent pas pour autant pour remettre un peu d'ordre dans ce secteur devenu un véritable plaie dans la métropole. Que dit la loi? Et pourtant, les textes sont clairs: Les chauffeurs peuvent se voir confisquer le permis en cas de litige avec un client. Ainsi, en cas de refus de transporter un client, le chauffeur écope d'un mois de retrait de permis. Seule exception: le chauffeur a le droit de refuser de prendre un client si ce dernier est en état d'ivresse. D'autre part, c'est le client qui choisit l'itinéraire. Le taximan ne peut en aucun cas imposer un itinéraire au client, au risque de se voir retirer le permis pendant trois mois. En revanche, si le chauffeur transporte plusieurs personnes vers des itinéraires différents, il peut désormais choisir le chemin à condition toutefois d'avoir obtenu l'approbation des clients.