Au lendemain de la recomposition du gouvernement El Otmani à l'issue d'un Conseil des ministres présidé par le roi, les observateurs de la scène politique marocaine s'interrogent sur la capacité de cette nouvelle équipe à surmonter les défis liés à la gestion des affaires publiques. Réduction des membres (en termes de nombre de ministres, c'est le plus petit gouvernement de l'histoire du Maroc), fusion de départements à priori complémentaires, élaboration d'un nouveau modèle de développement pour le pays, rectification des lacunes décriées durant la première moitié du quinquennat exécutif… Le politologue et président du Centre Atlas pour l'analyse des indicateurs politiques institutionnels, Mohamed Bouden, livre pour Hespress FR une analyse de la situation. Jamais un gouvernement marocain n'aura été aussi réduit en termes de nombre de ses ministres. Vous approuvez ? C'est en effet le cas. Ceci répond à des normes internationales dans la composition des gouvernements, et c'est ce qui fait dans les grandes démocraties européennes par exemple. De plus que si l'on raisonne en terme de pôles, il y a eu un assemblement de plusieurs secteurs dans des pôles gouvernementaux pour l'appariement entre les partisans et les « sans-étiquettes politiques », ce qui veut dire que nous sommes devant un gouvernement d'unité nationale, un gouvernement de compétences. Le choix démocratique est immuable et constitutionnel. Le gouvernement découle d'une majorité parlementaire mais l'intérêt suprême de la nation suppose la présence de compétences non issues des partis politiques. Encore une fois, c'est l'intérêt de la nation qui prime. En plus de cela, il y a une diversité de par l'appartenance sociale, les générations, les backgrounds scientifiques, académiques et professionnels et bien évidemment les appartenances politiques. Quelle place pour ce gouvernement dans l'élaboration d'un nouveau modèle de développement appelé par le roi qui a notamment annoncé lors de son discours du Trône qu'une commission royale sera créée à cette fin ? En fait, les deux récents du discours du Roi, ceux du 29 juillet et du 20 août, ont déterminé le cap à prendre. Nous pouvons dire qu'il s'agit d'un tableau de bord de ce que je désigne comme le « Groupement national », comprenant tous les acteurs constitutionnels, institutionnels, politiques, syndicaux et de la société civile. Pour cette commission qui sera nommée par le Roi pour élaborer un nouveau modèle de développement, nous savons que les grandes orientations du pays font l'objet d'un débat national. Nous sommes passés par la Moudawana (Code du statut personnel marocain), l'Equité et réconciliation, la Constitution, la Régionalisation avancée etc. Tous ces points d'envergure avaient nécessite la création de commissions royales chargées de rassembler les points de vue, avec des missions déterminées dans le temps et dans l'espace. Ces commissions ne remplacent pas le gouvernement, et vice versa. Et celle qui sera vouée à l'élaboration d'un nouveau modèle de développement recueillera l'avis de tous les acteurs concernés. Il s'agira d'abord de mettre en place un agenda national pour le développement, puis d'organiser les besoins, les priorités et les moyens. Lorsque cette construction sera achevée, le nouveau modèle sera porté au Roi qui le transmettra au gouvernement pour exécution. Le gouvernement n'est pas le seul concerné puisque d'autres institutions sont concernées par le modèle global pour le pays. Une nouvelle législature s'est ouverte dans la même semaine de la recomposition de l'exécutif. Quels sont selon vous les chantiers législatifs sur lesquelles la majorité gouvernementale s'attellera ? La rentrée parlementaire est imprégnée d'un caractère spécial. Il y a un discours royal au Parlement qui traite le contexte actuel dans lequel se trouve le pays. Pour ce qui est des lois et des textes réglementaires à promulguer, je pense que le Maroc dispose d'un important arsenal législatif qui de plus, est évolutif. Mais je pense que le défi majeur est social. Il faut présenter des solutions pratiques, palpables sur le terrain. C'est certain que l'on constatera également des efforts pour la promulgation d'un ensemble de projets de loi prévus lors de cette quatrième session parlementaire de la dixième mandature législative. Je cite notamment la Projet de loi organique sur le droit de grève. C'est très important car il touche à la paix sociale. Il y a également les Projets de loi modifiant et complétant le Code pénal, le Code de procédure pénale, le Partenariat public-privé (PPP), l'éthique au niveau parlementaire, etc. C'est un ensemble de sujet qui caractérisent la phase par laquelle nous passons. Mais l'action devra découler sur la présentation de réponses claires sur le défis social qui est le principal déterminant de la marche que prend le Maroc actuellement.