Une manifestation a lieu ce jeudi à San Sebastiàn au Pays basque espagnol, pour protester contre les excès de l'activité touristique. D'autres pays européens victimes de la surfréquentation commencent à réagir. La saison est bien aux orages. Alors que l'été décline doucement, une marche anti-tourisme est prévue ce jeudi 17 août à San Sebastiàn en Espagne, à l'occasion d'une grande fête culturelle basque. L'objectif: faire prendre conscience des dangers d'un tourisme de masse qui dérègle l'économie locale et dénature souvent les lieux et les identités. La région est en effet de plus en plus visitée, comme le reste du pays, et les habitants ressentent amèrement les conséquences du tourisme sur leur vie. Le pays a enregistré un nombre record de 75,6 millions de touristes l'année dernière, et en 2017, le chiffre devrait dépasser 80 millions. Le secteur touristique emploie maintenant 13% de la population en Espagne, et 20% en Catalogne. Reste que le tourisme, autrefois vu comme une opportunité pour sortir du marasme économique, est maintenant largement perçu comme une menace. À Barcelone, le nombre de visiteurs a explosé, passant de 1,7 million en 1990 à 9 millions l'année dernière. Conséquence directe de cette fréquentation, il suffit de louer son appartement 12 nuits par mois à des touristes pour obtenir une rentabilité supérieure à une location classique: les propriétaires ne se privent pas et l'offre tend à se raréfier pour les autochtones. Dans la cité comtale, les mouvements d'extrême gauche récupèrent cette exaspération et font monter la tension avec des slogans paradoxaux tels que «tourists go home, refugees welcome» («touristes, retournez chez vous, les réfugiés sont bienvenus»). Symbole des divisions, les activistes s'attaquent principalement aux Espagnols qui profitent économiquement de l'activité touristique. En juillet, quatre militants du mouvement Arran, lié à un parti indépendantiste, ont arrêté un bus de touristes en pleine visite pour en crever les pneus et le taguer. Le groupuscule Endavant, collectif «socialiste de libération nationale», a aussi récemment publié une vidéo tournée de nuit, dans laquelle ses militants taguent les murs de la ville puis crèvent des pneus de vélos à louer et dégradent des devantures de magasins dédiés au tourisme: Aturem les rodes del capital ! Defensem els barris.#AutoDefensa #ProuBarricidi No és #turismofòbia, és lluita de classes. pic.twitter.com/S9VZpQckGq — Endavant Ciutat Vella (@endavantcv) August 4, 2017 Outre les perturbations sur l'économie, les comportements des touristes laissent également à désirer, entre incivilités, sentiment de toute-puissance face aux autochtones et pratiques dangereuses au nom de la fête. Sur toute la Costa Brava et dans les Baléares, les hospitalisations se sont multipliées ces dernières années après des «balconings», ces sauts que tentent les touristes depuis les balcons des hôtels, directement vers les piscines. Pour tenter de calmer les esprits, le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy y est allé de son commentaire: «Ce qu'on ne peut pas faire à monsieur le touriste, qui heureusement vient ici, génère d'énormes revenus et permet à de nombreux Espagnols de travailler, c'est le recevoir à coups de pied. Cela me semble une aberration», a-t-il déclaré, lundi 7 août, lors d'une visite à Majorque où il s'est entretenu avec le roi Felipe VI. Autour de la Méditerranée, d'autres villes accusent le coup. En Italie, plus de 2000 vénitiens ont manifesté le mois dernier contre les dégâts causés par les 27 millions de touristes annuels arpentant la Cité des Doges. La population du centre historique de Venise est passée de 175.000 dans les années 1950 à 55.000 aujourd'hui. Les loyers ont considérablement augmenté dans une ville qui propose de nombreux appartements aux touristes: environ un tiers des logements ont été reconvertis en «bed and breakfast». Des manifestations ont également eu lieu à Rome récemment. En Croatie, les pouvoirs publics sont passés à l'action pour juguler un tourisme qui a explosé en quelques années. En janvier, la municipalité de Dubrovnik – mise à l'honneur, entre autres, par la série Game of Thrones – a annoncé qu'elle limiterait à 8000 le nombre de touristes dans le centre historique, comme le souhaitait l'Unesco. Un chiffre encore ramené à 4000 par le maire élu en juin. À peine plus d'un millier d'habitants peuple le centre historique, composé de ruelles fréquemment bondées. Sur l'île de Hvar, la mairie dressera désormais des amendes pour les personnes en état d'ébriété sur la voie publique, afin de calmer les esprits souvent échauffés des touristes. En France, la plupart des sites sont préparés et déjà habitués à un flux touristique important. Cependant, certaines villes connaissent un nouveau souffle, comme Bordeaux qui enregistre déjà 6 millions de visiteurs depuis le début de l'année. Sur place, certains habitants ne cachent pas leur crainte devant les déferlements de touristes et la capacité de la ville à y faire face dans les années qui viennent. Pour l'instant, les seules mesures prises dans l'Hexagone pour réguler les nouvelles formes d'hébergement visent les particuliers: les amendes pour location irrégulière de logements sur Airbnb ont d'ailleurs explosé à Paris.