Le cliché de « Il bambino coi libri », littéralement « l'enfant aux livres » a ému l'Italie. Cette photo qui a fait le tour des médias du pays met en scène Rayane, 11 ans, d'origine marocaine. Une photo prise le 14 juillet dernier, date à laquelle il est délogé avec sa famille et des centaines d'autres migrants par des officiers de police armés. Il sort alors du bâtiment avec pour seuls effets personnels des bouquins et des manuels scolaires. C'est à Primavalle, au nord-ouest de Rome, que près de 340 personnes ont été expulsées par les autorités accompagnées d'hélicoptères d'un bâtiment détérioré où elles vivaient toutes. Cette ancienne école de Via Cardinal Capranica abritait plusieurs familles d'Italiens, de Marocains, de Roumains, d'Ethiopiens, d'Algériens et de Tunisiens depuis 2003, dont une trentaine de mineurs. Cette opération d'expulsion intervient dans le cadre d'une décision du ministre de l'Intérieur italien. Pris par surprise, les occupants n'ont pas eu d'autres choix que de ne rien prendre laissant ainsi vêtements, papiers, documents et quelques objets de valeurs, explique le média italien La Repubblica. Les livres, son bien le plus précieux Sauf que Rayane ne l'a pas vu du même œil et a réussi à sauver quelques bouquins tous en mauvais état et vieux. Sur place, il a confié à des journalistes que ces livres lui tenaient à cœur. Rayane est scolarisé dans un petit collège à proximité du quartier où il résidait et est très sérieux à l'école, précise la même source. Issu d'une famille très pauvre, son père tient un stand au grand marché aux puces du dimanche, dans la ville de Porta Portese. Sa mère quta à elle, fait quelques heures de ménages pour arrondir les fins de mois. Grâce à ce cliché, s'est organisée une mobilisation massive à travers les réseaux sociaux qui a abouti à un appel aux dons et un financement participatif via la plateforme Gofundme. Les dons dépassent actuellement les 9.000 euros. Une enveloppe collectée afin de permettre à Rayane ainsi qu'aux autres enfants expulsés de pouvoir continuer à aller à l'école et d'acheter des manuels scolaires voire pourvoir leur offrir des bourses d'études. « Il est l'un des enfants déplacés de #Primavalle. Comme vous le faites toujours lorsque vous devez quitter une maison soudainement et rapidement, vous pensez à sauver les choses les plus précieuses. Pas des jeux, pas des vêtements, mais des livres. Sous sa pile de livres, il y a une enveloppe blanche, peut-être la fiche d'un rapport ou un document important qui ne devrait pas être ruiné » relate l'écrivain et journaliste italien Roberto Saviano, sur sa page Facebook. « Ce qui est arrivé à cet enfant est le miroir de l'Italie d'aujourd'hui, qui déteste la culture, s'en prend aux plus faibles et détruit tout espoir d'amélioration sociale (...) Rayane, comme tous les enfants étrangers ou roms, a le droit d'étudier, un droit que l'Italie de Salvini veut annuler » écrit-on sur la page de la plateforme. Pour l'heure, plus de 200 personnes ont mis la main à la poche. Une course contre la montre avant la rentrée « Rayane veut étudier, il a promis à son professeur de mathématiques d'obtenir son diplôme », fustige à la presse italienne Fabrizio Tonello, professeur de de sciences politiques à l'Université de Padoue et un des initiateurs de l'action. Ainis, les dons récoltés seront gérés par l'association Famiglie Accoglienti (Famille d'accueil) à Bologne, une ONG italienne qui compte plusieurs familles volontaires pour l'accueil d'enfants migrants. « En tant que familles accueillant des jeunes migrants, nous avons lancé cette campagne de soutien pour lui permettre de poursuivre ses études immédiatement, aujourd'hui mais aussi demain au collège, au lycée, à l'université », a fait savoir le professeur Tonello, également membre de l'association à La Repubblica. Rayane et ses camarades ont été accueillis dans différents logements insalubres à plusieurs dizaines de kilomètres de leur ancien domicile. Le nouveau quartier du jeune Marocain se situe à près de 40 kilomètres de Primavalle et donc de son établissement. « Nous allons l'inscrire dans une autre école », souligne sa mère, Fatima, aux médias. La famille s'est ainsi installée, il y a quelques jours dans un studio d'une pièce sans cuisine. « Nous devons nous dépêcher, nous voulons que Rayane puisse retourner à l'école en septembre avec tous ses livres et un toit sur la tête. Quand l'Etat cesse de se soucier des plus faibles et oublie les droits fondamentaux, alors la société civile doit intervenir » conclut le professeur Tonello.