Douze ans après la promulgation de la Moudawana qui est venue encadrer la polygamie, ce phénomène social controversé continue de prendre de l'essor dans la société marocaine. Pas moins de 952 mariages polygames ont été contractés en 2015, font savoir les statistiques communiquées par le ministère de la justice, relayées par nos confrères de La Vieéco. Chaque année, un millier de femmes deviennent seconde épouse d'une union polygame. Les chiffres le confirment. En 2015, 952 mariages polygames ont été contractés sur un total de 301 746 mariages, contre 868 sur 312 495 unions en 2014. Des chiffres officiels loin de traduire la réalité. Selon les adouls, "Les données du ministère ne tiennent pas compte des mariages contractés dans le cadre de l'article 16 du Code de la famille de 2004 (reconnaissance des mariages établis sans acte) qui permet de contourner la loi et d'éviter la procédure normale prévue dans l'article 42 du même code", fait savoir la même source, ajoutant que "Le nombre de mariages polygames est beaucoup plus important que celui révélé par les statistiques ministérielles". La publication met en avant à cet égard le nombre de dossiers présentés au tribunal de la famille de Casablanca. Celui-ci peut atteindre quatre à cinq dossiers toutes les semaines. Et globalement, chaque mois, douze demandes sont acceptées. Le cadre juridique marocain régulant la polygamie demeure lacunaire. Selon l'article 42 du code de la famille, "la demande doit indiquer les motifs objectifs exceptionnels justifiant la polygamie et doit être assortie d'une déclaration sur la situation matérielle du demandeur". Le mari polygame doit avoir l'aval de la première épouse, et en cas de refus, elle peut demander le divorce. Devant l'accroissement du taux de divorce, notamment le chiqaq, la procédure a été modifiée. Aujourd'hui, le refus de la première épouse ne peut plus empêcher le mariage. L'autorisation de la polygamie relève du pouvoir d'appréciation du juge qui, après avoir considéré la situation du demandeur et convoqué la première épouse pour l'informer, se prononce sur la possibilité ou l'impossibilité d'un second mariage. Après avoir constitué en 2004 une avancée de taille dans la protection des droits des femmes, l'accord de la première épouse qui n'est aujourd'hui plus requis. "C'est une marche en arrière par rapport à la protection des femmes et une atteinte à leur dignité", accusent les associations féminines.