Le système algérien a "étouffé la contestation et repris ses réflexes autoritaires", écrit le quotidien français Le Monde. "Le président Tebboune n'a rien fait de ses promesses de libéralisation et d'écoute de la jeunesse, offrant une simple façade civile aux militaires", écrit le journal dans son éditorial du week-end sous le titre "L'Algérie dans l'impasse autoritaire". Les élections législatives prévues samedi 12 juin, qui devaient signer la normalisation institutionnelle du pays, s'annoncent comme un nouveau rendez-vous manqué pour la démocratie algérienne, ajoute le quotidien, faisant observer qu'un "nœud coulant étouffe peu à peu le désir de démocratie des Algériens", à la veille de ce scrutin. Une répression massive, disproportionnée, face à un mouvement non violent, a eu raison du Hirak, ce mouvement de rue populaire qui, après avoir obtenu le départ du président Abdelaziz Bouteflika, en avril 2019, réclamait, comme d'ailleurs depuis l'indépendance en 1962, l'avènement d'un Etat authentiquement civil et non militaire, note la publication. "Il semble déjà loin le temps où Abdelmadjid Tebboune, président élu, lors d'une élection truquée, en décembre 2019, saluait la maturité d'un hirak béni pour avoir stoppé la perspective d'un cinquième mandat de M. Bouteflika. Aujourd'hui, le nouveau chef d'Etat confirme qu'il est, comme tous ses prédécesseurs, l'homme lige des militaires, qui exercent la réalité du pouvoir, en cherchant à étouffer par tous les moyens les revendications de transparence, d'ouverture et de libertés", souligne l'éditorialiste. Dans un climat "lourd de peur", le régime a réussi à mettre fin par la force, sauf en Kabylie, aux manifestations hebdomadaires qui défiaient son pouvoir, alors qu'Alger est sévèrement bouclée chaque vendredi, et pas moins de 2 000 personnes ont été arrêtées en deux semaines lors des deux dernières manifestations qui ont pu avoir lieu, au début de mai. "L'escalade répressive est marquée par des incriminations et des peines de prison de plus en plus lourdes", note Le Monde, relevant qu'activistes en vue et militants de l'opposition, ils sont 214 – nombre le plus élevé depuis deux ans – à être incarcérés pour avoir exprimé une opinion ou avoir participé à une manifestation. Et d'ajouter que la répression vise désormais les partis politiques établis, remettant en cause la conquête du pluripartisme datant de 1988. Selon l'éditorialiste, ne disposant plus d'aucun parti à sa solde, le pouvoir pourrait s'appuyer, après les législatives, sur d'anciens caciques du système Bouteflika, désormais présentés en députés « indépendants », ainsi que sur des islamistes proches des Frères musulmans. Mais, note le journal, cette alliance entre les militaires et les forces les plus conservatrices de la société algérienne "risque de confirmer l'impasse dans laquelle se trouve l'Algérie". "La glaciation politique – exécutif contrôlé par l'armée, Parlement sans véritable pouvoir – va de pair avec un inquiétant sur-place économique", poursuit-il, faisant observer que la baisse du cours des hydrocarbures, qui fournissent 60 % des recettes de l'Etat, "affaiblit la capacité de ce dernier à acheter la paix sociale et à investir". Relativement épargnée par le Covid-19, mais avec un chômage à plus de 14 %, une démographie dynamique et une économie non préparée à la transition énergétique, "l'Algérie ressemble à un pays verrouillé", estime l'éditorialiste. "A l'approche du soixantième anniversaire de son indépendance, le 5 juillet 2022, l'Algérie vit la énième mutation d'un système d'apparence immuable, où les militaires et une classe de privilégiés confisquent l'avenir d'un pays qui ne manque pourtant ni de richesses naturelles ni de potentialités humaines", ajoute le Monde.