Le remplacement aux affaires étrangères de Sabri Boukadoum par Ramtane Lamamra prouve que le régime recycle ses anciens éléments, estime l'observateur algérien Anouar Malek. La présidence algérienne a annoncé, mercredi 7 juillet, la composition d'un nouveau gouvernement qui voit la moitié des ministres sortants reconduits, après des élections législatives marquées par une abstention record et la répression politique et judiciaire du mouvement contestataire du Hirak. Le président Abdelmadjid Tebboune a dévoilé la liste du futur cabinet, sans changement des portefeuilles régaliens à l'exception des affaires étrangères et de la justice, selon un communiqué officiel. Le journaliste Anouar Malek a mis en exergue «la perpétuité de l'ancien régime», après le retour de Lamamra, qui a servi dans un gouvernement nommé par Bouteflika. Pour sa part, Karim Nait Ouslimane a soutenu que «la diplomatie algérienne ne répondra pas aux aspirations du peuple algérien, mais à celles de la France.» Les analystes tablent sur la continuité dans un système qui voit s'affronter la vieille garde et les réformateurs. La nouvelle équipe est composée de 34 membres, dont quatre femmes seulement, le même nombre qu'auparavant. Dix-sept ministres ont été reconduits, dont ceux de l'intérieur, Kamel Beldjoud, de la santé, Abderrahmane Benbouzid, du commerce, Kamel Rezig, et de l'énergie, Mohamed Arkab. Le 30 juin, Tebboune avait nommé au poste de premier ministre Aïmène Benabderahmane, un technocrate, ministre des finances dans l'équipe précédente. Benabderahmane va garder ses fonctions de grand argentier. Il aura pour tâche prioritaire de redresser la situation socio-économique, au moment où le pays traverse une grave crise. La liste du gouvernement – composée en bonne partie de technocrates plutôt que de politiciens – ne semble pas augurer de changement majeur de doctrine politique. Tebboune avait pourtant promis qu'un changement profond du gouvernement interviendrait après les élections législatives. Mais le scrutin du 12 juin a été remporté par le Front de libération nationale (FLN, au pouvoir), des indépendants ralliés au chef de l'Etat et des petits partis proches du pouvoir. Le vote a été marqué par une abstention record (77 %), dans un pays plongé dans une impasse politique majeure depuis le début du soulèvement populaire contestataire, en 2019, et sur fond de répression généralisée. Ces élections avaient été rejetées par une partie de l'opposition et le Hirak, qui réclame un changement radical du « système » politique en place depuis l'indépendance (1962). La nouvelle assemblée nationale doit entrer en fonction ce 8 juillet. Lors d'une conférence de presse, mercredi à Alger, des représentants de partis politiques et de la société civile ont dénoncé «la situation inquiétante des libertés et des droits fondamentaux». Ils ont réclamé «la libération des détenus d'opinion, l'arrêt de la répression et le retrait de la "feuille de route" suicidaire du pouvoir». Plus de 300 personnes sont actuellement en prison en lien avec le Hirak et/ou les libertés individuelles, selon le Comité national de libération des détenus (CNLD), une association de soutien. Le président Tebboune a ordonné dimanche de relâcher des jeunes prisonniers incarcérés pour avoir pris part à des manifestations du Hirak. Mais «seulement 15 des 18 détenus qui devaient être libérés dimanche l'ont été», a déploré le vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH), Saïd Salhi.