Un Maroc prospère, inclusif, durable, leader régional dans des domaines d'avenir et qui favorise les compétences : Tels sont les objectifs fondamentaux à atteindre à l'horizon 2035, déclinés dans le rapport final de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) présenté à SM le Roi mardi 25 mai 2021. Pour atteindre cette ambition, un nouveau référentiel de développement a été conçu, et des axes stratégiques de transformation ont été proposés par la CSMD. L'économie, premier de ces axes, occupe un rôle prépondérant dans la donne. « D'abord, l'économie doit évoluer d'une économie à faible valeur ajoutée et à basse productivité, avec des niches rentières et protégées, à une économie diversifiée et compétitive, portée par un tissu dense d'entreprises innovantes et résilientes. La transformation économique doit générer plus de croissance et d'emplois de qualité pour intensifier la création de valeur et assurer l'insertion de la population active, en particulier les femmes et les jeunes », indique le rapport final de la CSMD. De l'avis de plusieurs économistes, la Commission était très attendue sur ce volet précis, du fait de la difficulté des problèmes endémiques dont souffre le modèle économique actuel, qui pénalisent entre autres l'acte d'entreprendre. « La CMSD a affiché l'ambition d'aller vers une économie productive et diversifiée, créatrice de valeur ajoutée et d'emplois de qualités. Ceci ne passera que par une transformation en profondeur de la nature même de notre économie, qui est d'abord une économie de rente », estime l'économiste Taib Aisse. Dans ce sens, le rapport liste des "choix stratégiques" à adopter pour accomplir la transition vers un nouveau paysage économique. On retrouve à leur tête l'impératif de "sécuriser l'initiative entrepreneuriale", en plus de l'orientation les acteurs économiques vers les activités productives, la réalisation un choc de compétitivité, l'établissement d'un cadre macroéconomique au service de la croissance et l'encouragement de l'émergence de l'économie solidaire comme secteur économique à part entière. « Ces choix sont désormais fixés, il faut maintenant se pencher sur leur déclinaison, par les institutions concernées, en programmes et en lois qui vont changer le climat des affaires au Maroc », poursuit M. Aisse. Ainsi, la sécurisation de l'initiative entrepreneuriale privée passe par le fait de garantir des règles stables et impartiales à tous les opérateurs économiques. Ces derniers doivent aussi trouver dans l'administration publique un partenaire de confiance. C'est là une orientation vitale puisque les entreprises, les TPME spécifiquement, sont la pierre angulaire de la création de valeur ajoutée et des emplois. « Valeur d'aujourd'hui, créer une entreprise au Maroc est risqué. L'entrepreneur doit carrément être un aventurier, car il existe beaucoup d'entraves à la création mais aussi à la bonne gestion de l'entité, dont une lourdeur administrative notable, des problématiques au niveau de l'accès au financement et au foncier, de l'accès aux marchés, de la fiscalité, des charges sociales, de l'aspect juridique et réglementaire, et j'en passe... D'où la pertinence de ce choix fait par la Commission, celui de s'attaquer aux barrières qui dissuadent de l'acte d'entreprendre », explique M. Aisse. L'expert appelle ainsi à alléger les différentes procédures et à « laisser les gens travailler librement », en faisant ressortir la responsabilité de l'administration publique dans cet aspect. « Pour investir, un entrepreneur prêt à dépenser des millions dépend de la bonne volonté d'un bureaucrate. L'investisseur, qui prend tous les risques, dépense de son temps et argent, et qui est prêt à mettre son expertise et expérience au service du pays, se verra peut-être bloqué dans les engrenages de la bureaucratie. Il suffit juste que quelqu'un dise : je ne suis pas d'accord pour ce projet. Ce sont des drames qui arrivent chaque jour et il faut rompre avec cette logique », alerte M. Aisse. L'économiste appelle aussi à s'attaquer sérieusement à la problématique de la libre concurrence, selon lui cruellement absente dans un nombre de secteurs. "Il faut faire face aux monopoles et aux oligopoles dans certains secteurs pour inciter les entreprises à innover, à investir, améliorer leur production et faire émerger les meilleurs compétences. La loi sur la concurrence n'est pas scrupuleusement respectée actuellement", estime l'économiste, en informant que des pratiques comme les ententes et le zoning (des entreprises qui "se partagent" un territoire donné) sont interdites par la loi. Enfin, M. Aisse estime que les révisions de différents mécanismes fiscaux préconisées par la Commission joueront leur rôle dans le soutien à l'entreprenariat. « L'heure est venue de baisser la pression fiscale à différents niveaux, parallèlement à l'élargissement de l'assiette fiscale, via des mécanismes novateurs, de façon à ce que tout le monde paie un peu», conclut-il.