Lors d'une séance qui a duré plus de 4 heures devant la Commission des Finances à la Chambre des Représentants, mardi dernier, pour présenter les réponses de Bank Al-Maghrib face à la crise liée à la pandémie de nouveau coronavirus, le gouverneur de l'institution financière, Abdellatif Jouahri, n'a pas tari d'explications sur la situation économique actuelle et ses perspectives de relance, de chiffres autour des différents programmes de soutien aux entreprises et de nouvelles annonces les concernant. En voici les points importants à retenir. Une reprise "normale" en 2023, nécessité de créer une résilience économique Selon M. Jouahri, le royaume traverse une récession pesante. Le taux de chômage est en hausse, à 12,7%, particulièrement pour les jeunes urbains âgés de 15 à 24 ans (46,7%). Quelque 580.000 emplois ont été perdus en raison des répercussions de la pandémie de la Covid-19. Le déficit budgétaire a augmenté pour sa part pour représenter 7,9% du PIB contre 4,1% en 2019. L'endettement du trésor public s'est aussi notablement aggravé, passant de 65% à 76% du PIB. Face à ces chiffres, le Wali de la banque centrale ne prédit un retour à la "situation normale" qu'en 2023. En attendant, le Maroc doit mieux se préparer pour confronter les défis et chocs futurs, estime Jouahri. Il a souligné la nécessité d'accélérer les nombreux chantiers en cours et de lancer les réformes structurelles nécessaires pour renforcer la résilience économique et sociale du pays. Pour ce faire, il a appelé à la valorisation du capital humain à travers l'investissement dans les systèmes d'éducation et de santé, l'élargissement de la protection sociale et le renforcement des filets sociaux. Il a aussi mis en évidence la nécessité de l'amélioration de la compétitivité des entreprises marocaines face à une concurrence de plus en plus agressive, de manière à accélérer la croissance tout en renforçant son caractère inclusif, en luttant contre les inégalités territoriales et sociales, y compris de genre, et en offrant plus d'opportunités d'emploi à la jeunesse. "Contrairement à la crise économique et financière de 2008 la crise actuelle est multi-facette et a concerné la quasi totalité des pays dans le monde", a constaté M. Jouahri, notant qu'au Maroc, tout comme dans les autres économies, la crise a affecté la croissance, le marché de l'emploi et la vie sociale, mais les mesures mises en place pour contenir la propagation du virus, soutenir la population et l'économie et favoriser la relance, ont contribué à atténuer cet impact. Un fonds de garantie pour les associations de microcrédit M. Jouahri a annoncé la création d'un fonds de garantie pour les associations de microcrédit. Le wali de Bank Al-Maghrib a souligné qu'un accord-cadre créant ce fonds a été signé le 12 novembre dernier par le ministère des Finances et la Caisse centrale de garantie (CCG). L'objectif de ce fonds sera selon le gouverneur de couvrir les crédits restructurés et additionnels accordés dans le cadre de la réponse à la crise de Covid-19. Pour les associations de microcrédit qui ont été confrontées à un arrêt quasi total des activités d'octroi et de recouvrement, la Banque a mis en place une ligne de refinancement des crédits ré-échelonnés ainsi que de nouveaux crédits qui leur sont accordés par les banques au cours de la période allant du 2ème trimestre 2020 au dernier trimestre de 2021, a-t-il souligné. Ce refinancement est trimestriel pour une durée d'un an, a rappelé Jouahri, notant que la Banque centrale a en a accepté de reprendre comme garantie, en plus des actifs éligibles aux opérations de politique monétaire, les effets représentatifs de créances sur les AMC. Mesures pour répondre aux besoins des banques participatives et conventielles Pour répondre aux besoins des banques participatives, une ligne de refinancement des "Wakala Bil Istitmar" conclue avec les banques conventionnelles au cours de la période allant du 2ème trimestre de 2020 au dernier trimestre de 2021 a été mise en place, a indiqué le Wali de Bank Al-Maghrib. Le refinancement est trimestriel pour une durée d'un an en contrepartie de l'application par les banques bénéficiaires des "Wakala bil Istitmar" conclues avec des banques participatives et refinancées par Bank Al Maghrib, d'un taux de rendement ne dépassant pas le taux directeur, net des frais de gestion à la charge de la banque participative. De même, les banques peuvent mobiliser, en garantie du refinancement accordé par BAM, les effets représentatifs de "Wakala Bil Istitmar" conclues avec des banques participatives, a-t-il ajouté. S'agissant des mesures entreprises avec les banques conventionnelles pour faire face à la crise, M. Jouahri a fait état de l'élargissement de la liste des actifs éligibles en tant que garantie aux opérations de refinancement, notant que la liste comprend désormais, en plus des titres émis ou garantis par l'Etat et des titres de créances négociables (TCN), les titres de créances émis par les EEP ou des Fonds de Placements Collectifs en Titrisation (FPCT) et les effets représentatifs de créances sur l'Etat (en particulier le remboursement des crédits TVA) ou sur les EEP. Cette mesure a triplé le potentiel de refinancement des banques qui est passé ainsi de 150 milliards de dirhams (MMDH) à 450 MMDH, soit près de 42% du PIB, a-t-il relevé. Programmes et mesures de soutien aux entreprises et à l'entreprenariat Le gouverneur a aussi livré quelques chiffres qui concernent Damane Oxygène, Damane Relance, TPE Relance, Damane Relance Hôtellerie ainsi que le programme Intelaka. Dans le cadre de ce dernier programme, lancé en février dernier et dont le but est est d'encourager l'entrepreneuriat afin de favoriser l'insertion socio-économique des jeunes, une enveloppe totale de 1,9 milliard de dirhams (MMDH) de crédits a été accordé au profit de 9.443 bénéficiaires au 15 novembre 2020, a fait savoir M. Jouahri. Les crédits octroyés ont bénéficié aux entrepreneurs individuels à hauteur de 47%, le reste aux TPE (53%) et ce notamment aux secteurs du commerce et distribution (25%), de l'agriculture (14%) de l'industrie (13%) des services (13%) et du tourisme (10%). Près de 86% des bénéficiaires sont des hommes et 14% sont des femmes, a fait remarquer le Gouverneur de la Banque centrale, ajoutant que 79% sont des citadins et 21% des ruraux. De même, environ 60% ont obtenu des financements d'un montant inférieur ou égal à 100.000 DH et 26% entre 100.000 et 300.000 DH, 6% entre 300.000 et 500.000 DH, 8% d'un montant supérieur à 500 mille DH, a-t-il relevé. Le nombre de créations d'entreprises a avoisiné les 1.689 entreprises, alors que les intentions de créations d'emplois a dépassé les 28.004 emplois au 15 novembre 2020. Dans le cadre du programme Intelaka, deux produits de garantie et un produit de financement ont été lancés avec des taux préférentiels et à des conditions favorables. Il s'agit de "Damane Intelak" apportant une garantie de 80% du crédit plafonné à 1,2 million de dirhams (MDH). Le financement, qui peut être un crédit d'investissement ou de fonctionnement, est accordé à un taux fixe de 2%. "Damane Intelak Al Moustatmir Al Qaraoui", réservé au monde rural, apporte, quant à lui, une garantie de 80% du crédit plafonné à 1,2 MDH. Le financement est octroyé à un taux fixe de 1,75%. Il existe également "Start TPE" qui consiste en un prêt d'honneur de 50.000 dirhams au maximum accordé sans intérêts ni exigences de sûretés, remboursable en une seule fois après une franchise de cinq ans maximum, il est destiné à financer les besoins en fond de roulement liés à des crédits bancaires à moyen et long termes de 300 mille dirhams maximum, garantis par l'un des deux premiers produits. De plus, quelques 32.248 demandes de report d'échéances bancaires au profit des entreprises ont été accordées à fin août dernier pour un montant de 6,6 milliards de dirhams (MMDH), bénéficiant aux TPME à hauteur de 86% et aux grandes entreprises pour 14%, a fait savoir M. Jouahri.Lles reports ont concerné principalement les secteurs du commerce avec 18%, des transports et communications (13%), des industries (12%), du BTP (8%) et des hôtels et restaurants (3%). Quant au report d'échéances bancaires pour les ménages, près de 471.742 demandes de report ont été réalisées à fin septembre 2020, alors que pour le micro-crédit, 669.300 demandes ont été enregistrées à fin août 2020, a-t-il ajouté. Pour ce qui est des crédits bancaires accordés avec la garantie de la Caisse centrale de garantie (CCG), le Wali de BAM a souligné que Damane Oxygène (garantie à hauteur de 95% pour les crédits de fonctionnement, au taux directeur majoré de 200 points de base) a bénéficié à fin octobre 2020 à 41.142 entreprises, notant que le montant engagé s'est chiffré à 16,5 MMDH, tandis que le montant décaissé a avoisiné les 13,7 MMDH. S'agissant des produits Damane Relance, TPE Relance et Damane Relance Hôtellerie (garantie de 80% à 95% selon la taille de l'entreprise au taux directeur majoré de 200 points de base), ils ont bénéficié à près de 25.103 entreprises avec un montant engagé de 30,3 MMDH et un montant décaissé de 13,5 MMDH à fin octobre dernier. Le produit Auto-entrepreneurs (l'équivalent de 3 mois de CA avec un plafond de 15 KDH à hauteur de 85 % au taux de 0%) a bénéficié à 2.875 auto-entrepreneurs avec un montant engagé de 33,7 millions de dirhams (MDH) et un montant décaissé de 31,2 MDH, a indiqué M. Jouahri.
اجتماع لجنة المالية والتنمية الاقتصادية 24/11/2020