* Sous d'autres cieux, l'expérience a montré que les subventions directes diminuent convenablement le taux de la pauvreté. * Les mesures initiées par le ministère de N. Baraka ont eu tout l'effet escompté. * Telle qu'elle est conçue actuellement, la Caisse de compensation souffre de plusieurs dysfonctionnements. * Une forte volonté politique est à l'ordre du jour, mais il reste à élaborer une stratégie globale devant prendre en considération plusieurs variables. Trop longtemps repoussée, la réforme de la Caisse de compensation est désormais inscrite à l'ordre du jour. Sur la base d'un diagnostic critique qui a montré que le système actuel de compensation, au lieu de soutenir les franges de la population les plus défavorisées, octroie des subventions sans aucun ciblage, ce qui profite beaucoup plus aux populations nanties. Dans cet ordre d'idées, le gouvernement avait préparé en 2008 une stratégie de réforme du système de compensation pour en faire un outil à la fois de soutien réel aux couches les plus démunies, et de renforcement et d'élargissement de la classe moyenne. Pour tirer au clair certains aspects de cette stratégie, le ministère des Affaires économiques et générales a organisé récemment, en partenariat avec la revue marocaine d'Administration locale et de développement Remald, une journée d'étude sur les perspectives de la réforme du système de compensation au Maroc. Cet événement a vu la participation de Nizar Baraka, ministre des Affaires économiques et générales, de professeurs universitaires, d'experts ainsi que de spécialistes dans ce domaine. Selon le ministre, la Caisse de compensation telle qu'elle est conçue actuellement, souffre de certains dysfonctionnements. Le premier est relatif à la non maîtrise de l'enveloppe financière allouée à ladite Caisse. En 2008, le budget alloué avait atteint 35 Mds de DH, soit 90% des dépenses d'investissement. En 2009, ce budget a accusé une baisse sous l'effet de celle des matières premières sur le plan international. L'autre dysfonctionnement nuit au principe de la Caisse dans la mesure où il profite plus aux nantis qu'aux pauvres. Les produits subventionnés sont le plus souvent destinés à un usage non domestique (agriculture, hôtellerie, restauration, industrie ). Il s'agit d'une arme à double tranchant qui, primo, nuit au système de compensation et, secundo, n'incite pas les unités de production à améliorer leurs techniques afin de réduire leurs coûts et améliorer la qualité des produits. Pour un meilleur ciblage de la classe démunie Devant toutes ces lacunes, trois scénarios avaient été établis : le premier concernait le maintien de la Caisse avec tous ses avantages et ses inconvénients. « Ce scénario a un impact sur le budget de l'Etat et peut constituer une entrave à la croissance économique », commente N. Baraka. Le second concerne la suppression de la Caisse de compensation avec une distribution de l'enveloppe financière aux régions. Mais il s'est avéré que ce scénario pourrait avoir un impact sur l'inflation et donc sur le pouvoir d'achat des ménages. Le troisième scénario concerne la réforme de 2008 avec le maintien d'une meilleure rationalisation. Le budget alloué à la Caisse ne devrait pas dépasser 3% du PIB. « La réforme escomptée inscrirait la Caisse de compensation dans une logique de performance et de gestion des mécanismes de compensation axés sur les résultats », explique N. Baraka. Cette réforme s'accompagne de celle de la composition des prix de la farine, du fuel et du sucre, tout en vérifiant que les bénéficiaires remplissent les conditions nécessaires. L'expérience a montré que les subventions directes ont un effet direct sur la pauvreté. Dans un pays comme le Chili, le taux de pauvreté a été réduit de 9% à 3%, suite à la mise en place d'un système d'appui direct. Une étude élaborée par le HCP a montré que les subventions directes ont permis la généralisation de la scolarité, la diminution des décès des femmes durant l'accouchement ou de ceux des enfants de moins de 5 ans. Aussi, suite à l'élaboration de la carte de la pauvreté, il a été relevé que la pauvreté est très accentuée en milieu rural, d'où la nécessité d'accélérer la cadence des efforts déployés en matière de lutte contre la pauvreté dans ce milieu. A noter par ailleurs que l'amélioration du ciblage ira plus loin encore. Il s'agit de la réflexion engagée pour mettre en place un programme de transfert monétaire conditionnel qui assurerait des transferts d'argent aux catégories vulnérables, à la condition que les enfants des familles cibles aillent à l'école et que les femmes enceintes et les enfants concernés subissent régulièrement les contrôles médicaux requis. Pour approcher cette nouvelle vision et étudier les conditions de réussite d'un système basé sur l'aide frontale directe aux populations démunies, le gouvernement a créé de nouveaux mécanismes de soutien direct des populations les plus démunies. Il s'agit bien évidemment du régime d'assistance médicale (Ramed) lancé dans la région pilote de Tadla-Azilal, et du programme (Tayssir) des aides sociales pour l'accès à l'éducation lancé dans cinq régions pilotes. D'après les propos du ministre, l'expérimentation de ces deux programmes permettrait la construction, avec la cohérence et l'efficacité requises, d'un cadre d'analyse et de conception et d'un schéma de mise en uvre propre à notre pays. La réforme de la Caisse de compensation ne se limite pas à la mise en place d'un programme de transfert monétaire conditionnel. La réforme est lancée et contient plusieurs mesures dont certaines ont été déjà mises en place. Aujourd'hui, une forte volonté politique existe. Il ne reste qu'à concevoir une stratégie globale et intégrée qui prend en considération aussi bien les acquis sociaux de la classe pauvre que ceux de la classe moyenne.