* Dans cet entretien, Neila Tazi, Directrice du Festival Gnaoua et Musiques du Monde, nous livre ses impressions sur la 13ème édition qui se déroulera du 24 au 27 juin. - Finances News Hebod : La treizième édition reste marquée par une forte empreinte soufie. Est-ce que vous partagez cet avis? - Neila Tazi : Le répertoire des Gnaoua revêt une réelle dimension spirituelle. Au-delà de la musique et de la fête, c'est forcément ce qui a fédéré les Marocains autour de cet événement, qui allie à la fois spiritualité, modernité et libertés individuelles. C'est également ce qui en a fait un rendez-vous international, véritable passerelle entre les cultures du monde. Il est vrai que cette année, la dimension soufie est plus fortement marquée, notamment par la présence d'artistes étrangers tels que le luthiste tunisien Dhafer Youssef et Oustad Faiz Ali Faiz, du Pakistan. Avant de devenir musicien, Dhafer Youssef a été muezzin, sa voix est simplement sublime et sa technique dans l'art de jouer du luth est unique. Le qawwal est un genre musical populaire qui exprime une dévotion islamique soufie. Autour du maître Faiz Ali Faiz, nous retrouverons les Issaoua de Meknès pour un moment de partage qui s'annonce déjà très fort. - F. N. H. : Le Festival Gnaoua a toujours favorisé une approche multiculturelle ; quels sont les artistes invités cette année qui illustrent cette vocation? - N. T. : Le Festival s'est voulu, dès le départ, un Festival de Musiques du Monde. Fidèles à cette tradition, nous aurons de nombreuses fusions musicales et des groupes de genres différents, jazz, ethno jazz, qawwal, pop, musique électronique, fusions du Maghreb. Cette année, l'approche multiculturelle explore de nouvelles voies avec deux résidences artistiques autour de la danse qui est une forme d'expression importante de l'art des Gnaoua. Deux créations qui feront incontestablement l'originalié de cette édition. Après la fusion avec une troupe coréenne il y a deux ans, cette année nous irons dans une nouvelle région du monde, celle des Balkans, avec une troupe de 10 danseurs de Géorgie en fusion avec le maâlem Mohamed Kouyou. La seconde création conviera 12 danseurs de stepping, venus des USA pour fusionner avec la troupe de Mustapha Bakbou. Le stepping consiste à faire des rythmes avec le corps; ce concert s'annonce déjà d'une grande originalité. - F. N. H. : Enfin, on a l'impression que le Festival Gnaoua et Musiques du Monde est peu médiatisé , comparativement à d'autres rendez-vous. Est-ce que c'est un «choix» pour conserver au festival son aspect «élitiste»? - N. T. : Le Festival Gnaoua et Musiques du Monde a été pionnier sous de nombreux aspects, dont celui de la communication. Nous avons réussi à faire beaucoup de bruit avec un budget de communication nul. C'est la force du projet et la chaîne humaine qui s'est constituée autour qui a permis de le porter là où il se trouve aujourd'hui. Un journaliste du journal Le Monde a écrit il y a quelques années, «impossible d'y échapper. C'est un souffle puissant, une énergie explosive, un naufrage définitif pour toute notion de silence». Depuis, au Maroc, de nombreux festivals ont vu le jour, certains mettent de gros moyens et l'espace médiatique est pris d'assaut ; mais après 13 années, le Festival Gnaoua et Musiques du Monde continue d'être prisé par les média et le public qui sont restés fidèles au rendez-vous chaque année.