* La méconnaissance et le mauvais usage des produits dérivés seraient à lorigine de la crise financière et non pas les produits eux-mêmes. l* Les exigences d'informations à communiquer aux investisseurs, l'harmonisation des réglementations sont autant de points à discuter. * Pour le système financier marocain, les perspectives à l'international sont toujours source d'opportunités de développement, à la conditions davoir une bonne connaissance des produits et une optimisation de la transparence. * Francis Cornut, président de DeriveXperts, qui animera une conférence le 23 juin courant à Casablancasur les produits dérivés, livre son point de vue sur le sujet. - Finances News Hebdo : Après la crise financière quils ont déclenchée aux USA et en Europe, les produits dérivés ont-ils toujours de lavenir ? - Francis Cornut : Tout d'abord, les produits dérivés sont-ils réellement la cause profonde de la crise financière ? La méconnaissance et le mauvais usage de ceux-ci ne sont-ils pas plutôt la source réelle de cette crise? Ces produits, certes complexes, attirent fortement les investisseurs du fait de leur potentiel de gain considérable, mais la plupart d'entre eux n'ont pas la connaissance nécessaire à une bonne compréhension de ces outils et, donc, à une stratégie adaptée. Les produits dérivés sont aujourd'hui montrés du doigt par le grand public, mais les autorités ont bien compris que le problème n'était pas ces produits en eux-mêmes, mais l'usage qui en est fait. C'est d'ailleurs pour cela que tous les projets de réglementation actuellement discutés par les autorités, en matière de produits dérivés, envisagent une optimisation de la transparence, à travers la standardisation des informations qui doivent être communiquées aux investisseurs et l'amélioration du niveau de connaissance exigé pour l'utilisation de ces produits complexes, plutôt que la simple interdiction de ceux-ci. - F. N. H. : Est-ce la faute aux produits dérivés eux-mêmes ou bien à labsence de garde-fous que cette crise a été déclenchée ? - F. C. : La crise financière est, à l'origine, liée à l'éclatement de la bulle immobilière américaine. Le Community Reinvestment Act, qui favorise l'accès à la propriété aux personnes à revenus modestes à travers l'octroi de crédits bancaires, a entraîné une hausse des prix de l'immobilier et des comportements spéculatifs. Ces subprimes permettaient aux banques américaines d'externaliser leurs risques. À l'éclatement de cette bulle, les créances liées à ces crédits immobiliers devenus douteux et ayant fait l'objet d'une titrisation (subprimes), sont devenues difficiles à valoriser. La plupart des investisseurs qui ont acheté ces titres (banques étrangères, FCP, fonds de pension) ne connaissaient pas les caractéristiques de ces produits lors de l'acquisition. En réalité, ces produits n'étaient pas problématiques jusqu'à l'éclatement de la bulle immobilière, mais les détenteurs de ces titres n'étaient pas en mesure d'appréhender leur complexité et donc les risques qui leur étaient attachés. L'évolution de la crise et les scandales financiers ont, par la suite, permis de mettre en lumière un manque de transparence plus général vis-à-vis des investisseurs dans l'industrie de la finance. Et c'est pour éviter qu'une telle crise ne puisse se reproduire, que les autorités européennes travaillent aujourd'hui à la mise en place de ces dispositifs de sécurité qui ont manqué. - F. N. H. : Quelles sont, à votre avis, les actions à mener pour mieux réglementer le marché des produits dérivés et éviter ainsi les dérapages ? - F. C. : Les exigences d'informations à communiquer aux investisseurs, notamment via le KID (Key Information Document), le recours à un valorisateur indépendant (exigé par l'ACAM et envisagé dans la Directive AIFM), ainsi que l'harmonisation des réglementations et des autorités entre les pays européens, sont des sujets qui sont au coeur des projets de changements réglementaires actuellement discutés, et qui semblent primordiaux. - F. N. H. : Si le Maroc a été épargné aujourdhui du choc financier grâce à la Banque centrale, est-ce quà la longue le système financier marocain ne gagnerait-il pas à souvrir sur le marché financier international pour un meilleur développement ? - F. C. : Si un marché national restreint permet sans doute un meilleur contrôle, les perspectives à l'international sont toujours source d'opportunité de développement. Avec une bonne connaissance des produits et une optimisation de la transparence, un contrôle toujours rigoureux et notamment dans un contexte où la plupart des pays essayent aujourd'hui de mettre en place des dispositifs permettant de minimiser les risques d'une nouvelle crise financière internationale, une ouverture du système financier marocain pourrait effectivement être bénéfique. - F. N. H. : Comment doit-on procéder à laune de cette remise en cause du système financier international ? - F. C. : Difficile de donner la recette miracle en quelques lignes.... alors même que les plus grands économistes ne sont pas unanimes sur la solution. Une seule chose fait consensus : il faut agir pour éviter que cela ne se reproduise. - F. N. H. : Actuellement, quelle leçon faut-il tirer de ces deux dernières années particulièrement éprouvantes pour le marché financier de manière générale, et pour le marché des produits dérivés, en particulier ? - F. C. : Les marchés financiers ont connu une période d'innovation très importante au cours des 20 dernières années. La crise récente a mis en lumière certaines déficiences, mais les autorités politiques au plus haut niveau mondial ont décidé d'agir. Je pense que nous entrons dans une seconde phase qui sera longue à mettre en uvre, mais qui débouchera sur un système plus stable et plus robuste.