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Abdelhadi Belkhayat, la voix du Maroc
Publié dans Finances news le 03 - 06 - 2010

C’est l’une des sommités artistiques de ce pays et l’une des pyramides de la chanson marocaine. Modeste, Abdelhadi Belkhayat s’en défend. Après 40 ans de carrière, il aspire à plus de recul et de spiritualité. Rencontré lors de la 9ème édition du Festival Mawazine, c’est avec une grande émotion qu’il se livre à nous.
Quel est ce Marocain qui ne connaît pas Abdelhadi Belkahyat ? Petits, jeunes ou grands connaissent cette voix chaleureuse qui nous a accompagnés pendant 40 ans, nous chantant les histoires d’amour comme les faits de société ou encore les chansons spirituelles. Abdelhadi Belkhayat est plus qu’un chanteur marocain, c’est un emblème connu au-delà de nos frontières, dans le monde arabe mais aussi en Europe. Ne fut-il pas l’un des premiers artistes arabes à se produire à l’Olympia à Paris en 1973 ?
Abdelhadi Belkhayat est né en 1940 à Fès, ville où il se sentira vite à l’étroit. Il décide alors de tenter sa chance en participant à une audition à la radio nationale. Une initiative qui donnera naissance à une carrière professionnelle hors pair. Il sera la figure de proue d’une nouvelle génération d’artistes très ouverte sur la scène artistique égyptienne. D’ailleurs, Abdelhadi Belkhayat décida de découvrir ce magnifique pays et sa splendide musique. Ainsi, il s'inscrit au Conservatoire supérieur de musique arabe du Caire. Sa voix forte et rassurante lui a permis d'adapter de très différents genres musicaux, ce qui lui permit de chanter avec succès la «Qassida» de l’Égyptien Mohamed Abdelwahab. Mais, au bout de deux années, et quoi qu’il ait fait bonne impression auprès de grands compositeurs égyptiens comme Mohamed Abdou, Abdelhadi n’avait nulle envie de chanter autrement qu’en dialecte marocain; un dilemme qu’il tranchera en faveur de son parler natal. Voilà pourquoi il est rentré au pays en 1967 après deux années passées en Egypte où il avait marqué les esprits. Cela dit, son style unique rencontrera un énorme succès auprès du public maghrébin qui se reconnaît dans les chansons de l’artiste. Beaucoup d'Égyptiens se rappellent encore de son passage et regrettent qu'il ne soit pas resté, comme le déplore l’un des journalistes égyptiens venus au Maroc spécialement pour couvrir le festival Mawazine. Belkhayat, lui, n'a pas regretté, puisqu'il a accumulé succès et gloire tout en préservant son style original. Au fil des années et grâce à un travail minutieux, il devient au bout de quelques années seulement une star non seulement marocaine, mais également de la scène artistique arabe. En 1973, sa prestation à l’Olympia à Paris rassemblera plus de gens sur le trottoir que dans la salle par manque de places. A cette même époque, il tente une carrière cinématographique en tenant deux rôles proposés par le réalisateur marocain Abdellah Mesbahi : «Silence, sens interdit», en 1973 et «Où cachez-vous le soleil ?» en 1979 où il partage la vedette avec Abdelwahab Doukkali. Ces films, tournés entièrement au Caire, sont restés inédits au Maroc à ce jour. Une période sur laquelle il ne veut pas s’étaler. Pendant ce temps, il multiplie les collaborations avec des auteurs comme Ahmed Tayeb Elalj et Abderrafiî Jaouahiri et son compositeur favori Abdeslam Amer qui ont su populariser son style classique tout en lui apportant une touche chic et romantique. «El Qamar el ahmar», «Fi Qalbi jarh q'dim», «Aouni nensak» sont de grands classiques et font désormais partie du patrimoine collectif marocain. La voix forte de Belkhayat présente l'avantage de s'adapter à différents genres musicaux. Il peut passer sans complexe de la plus difficile qassida de Mohammed Abdelwahab au plus populaire des airs de Hocine Slaoui. Le succès continuera jusqu'à la fin des années 80 où il se consacre exclusivement aux psalmodies coraniques. Il se retire dans une mosquée casablancaise où il fait fonction d’imam pendant quelques années. Ses fans, pendant ce temps, continueront à répéter le refrain de son Qitar El hayat, son dernier véritable succès, tout en le considérant comme le dernier mythe marocain vivant, au même titre que Nass El Ghiwane ou Jil Jilala.
En 2007, il fait son come-back sur la scène marocaine tout en s’orientant davantage vers la chanson spirituelle et sociale que les autres genres quelque peu romantiques. Lors de cette édition du festival Mawazine, Abdelhadi Belkhayat donnait son dernier concert en public et a chanté son répertoire connu par cœur par les Marocains. Justifiant ce désir de s’éloigner, il évoque le foisonnement de la scène artistique. «Je ne me retrouve plus dans ce brouhaha. Je me suis éloigné car je ne peux pas suivre ce rythme de vie où l’on croise le sincère comme le menteur, l’honnête comme l’hypocrite. Il est difficile de vivre dans un monde où l’on ne distingue pas le vrai du faux et où les feux des projecteurs peuvent nous fasciner comme nous brûler. C’est pourquoi je me suis retiré et je suis de loin ce qui se passe». Cet éloignement n’a rien changé à l’amour que porte le public à l’artiste. Et pour cause, Abdelahadi Belkhayat choisit minutieusement les textes de ses chansons, préférant les chansons à thèse qui véhiculent un sens et un enseignement. Le gain matériel ne l’a pas motivé dans sa carrière et c’est cette sincérité transmise au public qui lui vaut beaucoup d’amour et de respect.
«Quand on est sincère, les gens le sentent et le rendent bien. Et quand on est faux, le public marocain n’est pas dupe !».
Avec le recul, Abdelhadi Belkhayat convient que la personne qui a marqué le plus son existence a été son père. «C’était un nationaliste de l’ombre puisqu’il a contribué, à sa façon, sans jamais rien demander en retour. Il était maître menuisier et était ce genre d’homme à qui on demandait conseil. Il n’était pas avare de son expérience». Lui-même reprend le même modèle. «Je vis d’une manière simple chez moi à l’instar des autres Marocains. Je respecte et chéris mon épouse et mes enfants. Je conseille toujours mes enfants d’accumuler le savoir scientifique, mais aussi religieux. L’un ne va jamais sans l’autre ! Et ce conseil, je le donne à tous nos enfants et pas seulement aux miens». Des choses qu’il a gardées depuis ce changement de cap est la pêche, sa grande passion. «Si je pouvais remonter le temps, je serais devenu savant pour aider les gens avec mon savoir, plus qu’avec des chansons». Mais ses chansons sont porteuses d’un tel message et de tels enseignements que, quelque part, il a été savant et savant il restera !


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