* En dépit dune loi sur la concurrence, la vente liée reste monnaie courante chez les établissements de crédit. * La responsabilité incombe aux autorités de contrôle et aux professionnels. * Le Conseil de la Concurrence est une structure assez récente et son avis demeure purement consultatif et non décisionnel. A linstar de plusieurs secteurs de léconomie nationale, le secteur automobile naura pas été épargné par limpact de la crise financière internationale. Ainsi, si sur le plan international certains constructeurs automobiles ont déclaré faillite entraînant une véritable crise économique sociale, au Maroc cette industrie a enregistré une régression denviron 10%. Parce quil faut aussi reconnaître que chez nous cette crise économique a eu pour corollaire une crise de confiance qui a touché lensemble des agents économiques : laccès au crédit est devenu plus coûteux et les ménages, par crainte de perte demploi, accroissent leur épargne de précaution et préfèrent ne pas sengager sur des prêts moyen termistes. Destruction de crédit et crise de confiance ont eu donc un impact particulièrement négatif sur linvestissement des ménages et des sociétés de financement et, par ricochet, sur le secteur de lautomobile à cause dune atonie de la demande. Il est toujours utile de rappeler que lapogée affichée par le secteur au cours des dernières années (avant la crise) trouve son origine dans la LOA au moment où cette dernière bénéficiait de lincitation fiscale. La 7ème édition du Salon Auto Expo, qui a fermé ses portes dimanche dernier, a été une occasion pour les sociétés de financement et les concessionnaires de rectifier le tir et dessayer de doper un marché en berne. Pour les concessionnaires, ce fut une occasion de mettre en évidence leurs derniers modèles, et pour les sociétés de financement, de séduire par des offres très alléchantes. Concurrence saine : un chantier de longue haleine En analysant les offres de société de financement présentées au Salon de lautomobile, on remarque que certaines dentre elles ont mis à la disposition des acheteurs de véhicules des offres séduisantes, mais soumises à des conditions. Il sagit de formules spéciales Salon, offrant des taux défiant toute concurrence. Or, pour pouvoir bénéficier de telles offres, lacheteur est tenu de contracter une assurance pour son véhicule auprès dune compagnie dassurance, expressément choisie par la société de financement. On se pose dès lors la question : est-ce que le fait de conditionner cette offre de financement à une souscription dassurance nest pas contraire à la loi sur la concurrence et la liberté des prix ? Daprès un juriste, «effectivement, il sagit dune clause abusive dans la mesure où elle interdit à lemprunteur la liberté de choix de son assureur». Il sempresse dajouter que la loi n°6-99 est très claire à ce sujet. Même son de cloche chez un responsable du Conseil de la Concurrence qui souhaite garder lanonymat et qui partage le même avis. Daprès lui, le Conseil de la Concurrence na cependant le droit dintervenir quen aval et sil est saisi par un assureur ou une association habilitée à le faire. Il ajoute par ailleurs que «le Conseil de la Concurrence na pas un statut décisionnel et demeure très dépendant du Premier ministre. Ceci laisse prédire que même en cas de soupçon, le Conseil ne peut faire de lautosaisine».Cette liberté dont jouissent les entités de régulation de par le monde, reste malheureusement inappliquée dans notre pays et cest dailleurs lune des failles du Conseil de la Concurrence. «Un débat est dailleurs à lordre du jour, et ce pour une meilleure réforme de la constitution du Conseil. Le but étant de pouvoir bénéficier de cette liberté dagir en cas de suspicion », annonce-t-il. Il fait également allusion à la loi n°6-99 dans ses propos. Ladite loi stipule, dans son article 49, dans le chapitre relatif aux pratiques restrictives de la concurrence quil est interdit de refuser à un consommateur la vente dun produit ou la prestation dun service sauf motif légitime ; de subordonner la vente dun produit à lachat dune quantité imposée ou à lachat concomitant dun autre produit ou dun autre service ; de subordonner la prestation dun service à celle dun autre service ou à lachat dun produit ». La loi est donc claire à ce sujet, mais cela nempêche pas pour autant les avis de diverger. Le médiateur de lAPSF, M. Tehraoui, nest pas de cet avis : «Je pense quil sagit là dun package offert par deux sociétés du même groupe. Le client, sil ne veut pas prendre ce package, est libre de prendre un autre produit toujours chez la même société». Il ajoute par ailleurs que «rien nempêche une autre société de crédit de faire de même avec une autre compagnie appartenant au même groupe. Et donc, on ne peut parler de concurrence malsaine». Mais encore faut-il préciser que toutes les sociétés de financement ne sont pas adossées à des groupes qui possèdent des compagnies dassurance. «Une telle pratique déloyale nuit à la liberté de la concurrence. Malheureusement, elle ne se limite pas au crédit à la consommation, mais sétend à plusieurs produits bancaires», confirme à son tour un professionnel du secteur. Le consommateur ne dispose pas de cette liberté dagir comme sous dautres cieux. Il faut donc reconnaître quil existe une sorte de vide et que les banques et les sociétés de financement en profitent. «En ce qui concerne le Conseil de la Concurrence, on peut dire que cest encore une entité assez récente qui est toujours en train de recruter et dinstaller ses structures. Il bataille fort pour changer le plan législatif et réglementaire, mais reste confronté à des lobbies. Mais, il faut dire que les autorités de régulation sont appelées à dénoncer ces pratiques et là je fais allusion au GPBM, à lAPSF, à BAM» précise-t-il. Cest dire que la loi sur la concurrence est un chantier de très longue haleine dans un pays comme le nôtre, victime dun lourd héritage. Elle lest dautant plus lorsquon remarque que des sociétés continuent de détenir le monopole et faussent ainsi le jeu de la concurrence. Nous avons encore frais dans nos mémoires lexemple du groupe saoudien Savola qui produisait lhuile El Arabi et Afia. Ce dernier a eu toutes les difficultés du monde à commercialiser son produit à cause de ses prix qui risquaient de déstabiliser une situation de monopole.