Le fait de considérer, entre autres, les contrats danimation comme une condition dadmission au marché développement et au marché croissance est la preuve dune volonté visant la garantie dun seuil minimum de liquidité pour toutes les valeurs nouvellement cotées. Plus dexplications avec Touda Loutfi, responsable du service Promotion de la Bourse de Casablanca. Finances News Hebdo : La signature d'un contrat d'animation suscite-t-elle l'intérêt des investisseurs à légard des petites et moyennes capitalisations ? Touda Loutfi : Le contrat danimation, tel que précisé dans la circulaire du CDVM n°09/01 du 14 juin 2001 qui lie lémetteur, lapporteur et lanimateur habilité, vise un double objectif. Dabord, faciliter la cotation des titres : un carnet dordres suffisamment étoffé permet sans conteste une juste valorisation des titres cotés. Ensuite, il a pour but daméliorer la liquidité du titre sur le marché dans la mesure où tout détenteur de valeurs animées a plus de chances de trouver une contrepartie sur le marché, et par là même, dattirer de nouveaux investisseurs. A partir de là, si quelques freins, comme la liquidité, dissuadaient certains investisseurs pour acquérir des «Small» et des «Mid Caps», dans ce cas certes, la signature dun contrat danimation peut enclencher lintérêt des investisseurs pour ce type de valeurs. Mais, nous savons pertinemment que la liquidité est lun des paramètres dont tiennent compte les investisseurs mais pas le seul. Il doit également être renforcé par une bonne politique de communication financière et soutenu par des opérations visant justement lamélioration de la liquidité. F. N. H. : Pour les valeurs cotées au fixing ou au continu, quelle est la variation maximale garantie par le Market Maker à son client entre le cours de la première cotation et celui qui résulte des transactions sur le marché ? Et quel est le montant minimum proposé à l'achat comme à la vente qu'il s'engage à honorer pour le compte de son client ? T. L. : La Bourse de Casablanca a volontairement opté pour la structure de marché centralisé dirigé par les ordres et non par les prix, à linstar dautres places financières. Or, il semble que si la structure de marché retenue privilégie notamment la transparence et la détermination dun prix jugé plus «juste», celle-ci ne permet pas de développer de façon notable la liquidité des titres cotés. Or, justement, le contrat danimation permet dans une certaine mesure, toutes choses étant égales par ailleurs, de pallier cette carence. Ainsi, lanimateur vient donc renforcer, et ce pour une durée déterminée (durée du contrat), le rang des investisseurs intéressés par la valeur animée. Concrètement, il propose simultanément au marché un ordre dachat et un ordre de vente fermes qui respectent 2 principes de base. Le premier concerne le prix. Une fourchette de prix maximale de 2% entre le cours proposé à lachat et celui proposé à la vente (spread) incluse, bien entendu, dans la variation de cours autorisée par la Bourse de Casablanca (+/- 6% par rapport au cours de référence). Cette fourchette de prix rémunère in fine lapporteur ou le groupement de liquidité. Le second principe a trait à la quantité de titres proposée. Une quantité minimale de titres à lachat et à la vente est affichée. Celle-ci dépend du cours de la valeur. Elle peut varier de 50 à 500 titres à lachat et à la vente suivant le cours de la valeur. Ces principes sont clairement à lavantage des investisseurs dans la mesure où lon sait que plus la fourchette de prix est réduite, ce qui est le cas, plus la rémunération des animateurs agissant pour le compte de lapporteur lest également et plus le prix dachat ou de vente est favorable pour linvestisseur. F. N. H. : Quels sont les moyens que le Market Maker utilise pour respecter les engagements pris à l'égard de son client ? T. L. : Vous avez raison de faire allusion aux reportings, car, en effet, ils sont importants et nécessaires. Ils se font à la fois au profit de lémetteur et de lapporteur. Dune part, lanimateur se charge denvoyer à lémetteur, sur une base généralement hebdomadaire, la position de marché qui comprend les cours douverture le plus haut, le plus bas et celui de clôture, le volume de titres échangés, ainsi que les quantités achetées et vendues dans le cadre de lanimation de la valeur. Dautre part, il communique également à lapporteur, généralement mensuellement, le relevé du compte de contrepartie (relevé de portefeuille valorisé) et celui du compte danimation (relevé du compte espèce mis à sa disposition). Dans le cas où cette disposition a été prévue dans le contrat danimation, lanimateur peut également envoyer de façon semestrielle à lapporteur les résultats de lactivité dapport de liquidité. Pour plus dassurance au profit des émetteurs, des apporteurs, des investisseurs et dans lintérêt général, les autorités de marché (CDVM, Bourse de Casablanca), pour leur part, veillent quotidiennement au respect des engagements des animateurs tels que stipulés dans le contrat danimation. F. N. H. : Le comportement des acteurs boursiers est imprévisible; ce qui augmente le risque de détention par l'animateur dactions peu liquides. Comment, dans le cas où la valeur est peu liquide et quune intervention dans les plus brefs délais est nécessaire, peut-il s'en sortir adroitement ? T. L. : Lorsque les conditions de marché ne permettent pas à lanimateur de jouer pleinement son rôle, le contrat danimation tel que formalisé reste toutefois relativement flexible. A juste titre, la circulaire du CDVM n°09/01 du 14 juin 2001 prévoit des dispositions exceptionnelles permettant en tout état de cause à lanimateur de respecter lengagement pris, à savoir réaliser au minimum une transaction par jour sur la valeur animée. Pour les valeurs cotées au fixing, si à deux minutes du fixing aucun cours théorique douverture nest affiché, lanimateur introduit dans le système de cotation électronique un ordre dachat et de vente dune action à un prix correspondant au milieu de la dernière fourchette affichée par lui. Pour les valeurs cotées au continu, si à deux minutes de la clôture aucune transaction na été réalisée, lanimateur place un ordre correspondant au milieu de la dernière fourchette affichée par lui. F. N. H. : Est-il possible, en dépit des titres qui lui ont été confiés par son client, que le Market Maker provoque une pénurie artificielle sur le marché dans l'objectif de tirer le cours vers le haut ? T. L. : Lobjectif de lanimation des titres est justement dassurer leur liquidité dans un cadre réglementé et non pas de favoriser leur rareté. Il ne faut surtout pas perdre de vue quil sagit bel et bien dun argument de vente de la valeur auprès des investisseurs. Plus un titre est liquide, plus il devient attrayant et plus laction de lanimateur est valorisée. De plus, un animateur qui ne joue pas pleinement son rôle ne pourra pas faire valoir ses références pour intéresser dautres sociétés et contracter de nouveaux contrats, ceci nonobstant le fait quil soit tenu par des obligations de résultats. À lheure actuelle, seules deux valeurs sont animées et six sociétés de bourse sont habilitées par le ministère des Finances et de la Privatisation à exercer lactivité danimation des titres. Pour les sociétés nouvellement cotées, la signature dun contrat danimation fait partie intégrante des conditions dadmission au Marché Développement et au Marché Croissance. Nous espérons vivement que cette tendance se généralise. Il existe un potentiel dune trentaine de sociétés cotées qui pourraient bénéficier des avantages inhérents à ce produit. F. N. H. : Les animateurs ont accès à un ensemble d'informations privilégiées, puisqu'ils observent le flux d'ordres de leurs clients avant le marché. Doit-on craindre un délit d'initié ? Si oui, comment l'organe de contrôle peut-il le détecter ? T. L. : Lorsque nous analysons le parcours des ordres à la Bourse de Casablanca, nous constatons, en effet, de par la structure de marché retenue, que les sociétés de bourse connaissent toutes les ordres de leurs clients avant le marché, puisquelles sont seules habilités à les introduire dans le système de cotation électronique via les stations de négociations mises à leur disposition, et ceci indépendamment de lexercice de lactivité danimation. Ces ordres, une fois introduits, sont consolidés dans un carnet dordres unique qui est visible dans sa totalité par toutes les sociétés de bourse de la place. De ce fait, le délit dinitié nest pas directement corrélé à lanimation des titres; et en tout état de cause, le CDVM, dans le cadre de sa mission, reste très vigilant.