* Les bonnes performances du marché boursier en 2006 dénotent, au premier coup d'il, un réel dynamisme de l'ensemble du marché. Toutefois, cette tendance frénétique n'est pas générale et provient en grande partie d'une dizaine de valeurs qui, à elles seules, ont drainé environ 80% du total du marché central. * Maroc Télecom et Addoha ratissent large et totalisent à elles seules plus de 35% des transactions enregistrées sur le marché central depuis le début de l'année. * Les small caps subissent la dynamique imposée par les grosses capitalisations. Les deux baromètres du marché, MASI et MADEX, ont atteint des performances annuelles respectives de 48,78 % et 53,30 % au 30 Octobre 2006, après avoir frôlé la barre des 60% en cours d'année. Et parmi les 58 sociétés cotées, les cours de 41 ont enregistré des variations positives, 32 affichent des performances annuelles supérieures à 20% et 14 ont même dépassé les 60%. Cette ascension spectaculaire des indices est accompagnée par des volumes tout aussi impressionnants. La place a totalisé plus de 75 milliards DH de chiffre d'affaires au 30 Septembre 2006. De plus, et contrairement à l'habitude, c'est sur le marché central que l'essentiel du volume est réalisé. Plus de 90% des transactions ont transité par ce compartiment, soit un total de 68 milliards DH, en progression de 68% par rapport à la même période de l'année 2005. Le marché de blocs a drainé un volume relativement modeste de 7,5 milliards DH, soit, tout de même, 7% de plus que les transactions enregistrées sur ce compartiment durant les neufs premiers mois de 2005. Ceci dénote un réel dynamisme du marché. La place casablancaise n'a jamais connu pareil enthousiasme. Toutefois, en poussant l'analyse un peu loin, l'on se rend compte que ce comportement « frénétique » n'est pas général et provient en grande partie d'une dizaine de valeurs qui, à elles seules, totalisent un volume de 52 milliards DH, soit 78% du total du marché central. Les titres des grandes capitalisations ont le plus contribué au gros du volume. Ainsi, avec plus de 16 milliards DH, Maroc Télécom accapare la part du lion du volume réalisé sur le marché central, pesant ainsi 24% du chiffre d'affaires de la place. Elle est talonnée par Addoha qui lui a tenu la dragée haute depuis son introduction intervenue en juillet dernier. En effet, cette valeur, depuis son entrée dans la cote officielle, anime particulièrement le marché. Elle a engrangé, en seulement trois mois, 8,5 milliards DH, soit 12,5% des transactions au 30/09/2006. En valeur relative, Addoha se hisse en tête de peloton avec une moyenne quotidienne des volumes de 140 millions DH quand Maroc Télécom en réalise 86 millions par jour. La valeur immobilière est suivie de BMCE Bank avec un volume de 6 milliards DH, soit environ 10% des volumes du marché central. Et parmi les valeurs les plus liquides du marché, ONA et Attijariwafa Bank tombent respectivement à 8,67% et 7,1%. Samir est à 4,38%, suivie du CIH à 3,05% et par la Sonasid, Holcim et Lafarge Ciments à moins de 3% chacune. Durant les neuf premiers mois de l'année, la volumétrie des transactions, focalisée sur le marché central, a donc été principalement animée par les échanges sur les « blue chips » de la cote. Comment peut-on expliquer cette domination flagrante ? Est-ce normal pour une dizaine de valeurs de représenter une aussi grande part de marché ? Ne faudrait-il pas relativiser cette évolution positive du marché avec un tel constat ? Cette domination s'explique, selon les analystes, par deux types de facteurs : les premiers « endogènes » et les seconds «exogènes», précisent-ils. Le premier élément est intrinsèque aux valeurs concernées. Les blue chips ont toutes un même point commun. Elles représentent les plus grosses capitalisations du marché et offrent une bonne partie du flottant et sont de fait les plus liquides. «Il est normal qu'elles soient traitées à des volumes aussi importants», explique un analyste de la place. D'autant que ces valeurs reposent, toutes, sur des «fondamentaux solides» justifiant leur attrait hors pair. «Les plus grosses capitalisations sont les meilleures valeurs du marché grâce notamment à leur notoriété et à leur poids dans l'économie du pays. Elles présentent des perspectives claires et communiquent de mieux en mieux», laissent entendre les observateurs. Et d'ajouter qu'il est tout à fait «légitime et compréhensible» que les investisseurs se focalisent sur elles. A tout seigneur tout honneur. La valeur Addoha, à titre indicatif, a, depuis sa première cotation, le 10 juillet 2006, engrangé le principal des volumes sur le marché central. Cette forte liquidité du titre trouve principalement son explication dans «les fondamentaux solides et les bonnes perspectives d'avenir» qu'elle présente. Avec un taux global de satisfaction de 5% lors de son introduction en Bourse, les investisseurs, notamment les institutionnels marocains et étrangers, se sont rués sur le titre afin de compléter leurs emplettes et garnir leurs portefeuilles en titres Addoha. Cette quête du titre s'est traduite par une course au ramassage du flottant en Bourse. Le déséquilibre entre l'offre et la demande, deux maîtres-mots du comportement des marchés, a propulsé l'action au-dessus de la barre des 1.000 DH en l'espace de trois mois contre un cours d'introduction de 585 DH. IDEM pour Maroc Télecom, le titre le plus liquide du marché. La filiale marocaine de Vivendi Universel a rallumé la mèche du marché boursier depuis son admission à la cote. La raison est simple. La valeur offre, tout simplement, d'excellentes perspectives de croissance reposant sur des fondamentaux solides... «L'intérêt porté par les investisseurs à ces valeurs se matérialise par une surliquidité importante. Celle-ci a eu un effet démesuré sur la performance du marché suite à l'insuffisance de titres cotés», indiquent les analystes. Ceci nous pousse à considérer le deuxième facteur explicatif, cette fois-ci exogène, aux « blue chips », qui n'est autre que le manque de papier sur le marché. En effet, l'engouement des investisseurs, conjugué au manque de papier sur le marché, a conduit ces derniers à se ruer vers les valeurs les plus liquides de la place ; et cela explique, en partie, la forte demande exprimée sur celles-ci. Ceci montre «un sérieux problème de liquidité des small caps», arguent les analystes et observateurs de la place. En effet, ces valeurs (les moins liquides) n'arrivent pas à réaliser les volumes requis pour influencer les cours en raison de leur flottant souvent très réduit, quand bien même elles sont à l'origine de variations remarquables des cours liées souvent aux opérations de spéculation. «Les transactions y afférentes sont généralement opérées par un nombre réduit d'investisseurs pour garder un tour de table renfermé», explique-t-on. «Cela n'est pas du tout favorable au bon développement du marché» ; d'autant qu'il n'est «pas normal» qu'un marché qui se respecte puisse être dominé par un cercle restreint de valeurs. En effet, l'un des facteurs fondamentaux pour développer une Bourse, c'est d'abord une offre correcte de papier à même de répondre aux attentes des opérateurs du marché. Or, les différents diagnostics montrent que notre Bourse n'est pas assez large et qu'il n'y a pas suffisamment d'offre de papier. Une Bourse se doit d'être au service de l'investisseur. Et pour cela, une bonne liquidité lui permet d'être perçue comme une place efficiente, majeure et offrant une diversité dans le choix d'investir. En ce sens, beaucoup d'efforts restent à faire, même si un certain nombre de mesures ont été mises en place à travers notamment l'instauration de nouvelles méthodes de calcul des indices, se basant sur le facteur flottant, pour atténuer l'influence des plus grosses capitalisations sur l'évolution du marché, l'élargissement de la plage de cotation, le passage à un multifixing à trois positions au lieu de deux etc... Même les nouvelles introductions en Bourse de PME, enregistrées au cours de cette année, n'ont eu qu'un effet insignifiant sur l'évolution du marché. «La Bourse a besoin de sociétés dynamiques et les investisseurs institutionnels, en particulier les étrangers, surveillent très étroitement le ratio de liquidité considéré comme un gage de crédibilité du marché», arguent les analystes. Dans une telle conjoncture, alors que l'étroitesse et le manque de papier du marché sont «structurels», on attend donc des investisseurs institutionnels qu'ils donnent le bon exemple, en jouant leur rôle de faiseurs de marché, en adoptant une politique de gestion de portefeuille dynamique et diversifiée. On attend aussi que l'Etat incite ses entreprises publiques, qui font appel public à l'épargne par des émissions obligataires, à s'introduire en Bourse et à se financer en levant des capitaux propres afin d'élargir la cote en valeurs importantes et sûres. En attendant, les «blue chips» continueront à faire la pluie et le beau temps sur le marché. Un vieil adage dit : «Une hirondelle ne fait pas le printemps» ; une dizaine non plus !