Ahmed Iraqi, ancien secrétaire d'État à l'Environnement, est un homme politique, médecin, militant pour les droits de la femme. Discret et sincère, il préfère travailler dans lombre que dêtre sous les feux de la rampe. Il est très agréable de discuter avec un homme qui applique dans la vie ce que ses études de médecine lui ont appris. Ahmed Iraqi, ex-secrétaire dEtat à lEnvironnement et actuel secrétaire général adjoint du parti socialiste, est né dans un milieu très attaché aux traditions et aux valeurs marocaines. Sa mère est une femme dune grande force de caractère et de personnalité. «Elle est également très intelligente dans la mesure où elle a su bien diriger sa famille tout en offrant à chacun son espace de liberté». Cela permettra à Ahmed Iraqi dévoluer dans un milieu favorable à léducation et au savoir. Il est tout de même favorisé, puisquil a eu le privilège de porter le même prénom que son grand-père. «Mais, jusais de ce privilège à sa juste valeur». Dans sa famille nationaliste, il garde un souvenir marquant du retour de feu Mohammed V de son exil. «Mon père ma fait partager son enthousiasme et nous avions participé aux manifestations organisées à lépoque». Son enfance se passe doucement et normalement. Mais plus que tout autre enfant, lesprit éveillé, il est profondément marqué par le tremblement de terre dAgadir et le décès de Mohammed V. Au primaire, il intègre lécole My Hassan du mouvement national où il retrouve le même esprit quau sein de sa famille. Et ce même respect quil avait pour ses parents, il léprouvait envers ses maîtres. Au secondaire, il doit quitter le lycée Mohammed V pour celui de My Abdellah où il peut suivre ses études dans la branche scientifique. Ses contacts senrichissent au fur et à mesure quil grandit. «Cela me permettait de parfaire ma scolarisation et ma socialisation». Cela va également aiguiser son goût pour la politique. En effet, il se rappelle encore combien il était attentif à la mise en place du premier Parlement en 1963, ou encore comment il sest retrouvé le 23 mars 1965 à manifester. Ahmed Iraqi a résolument le cur à gauche ! En 1968, quand il obtient son bac, il quitte Casablanca pour aller suivre des études de médecine à Rabat avant de senvoler pour Toulouse en 1970. Ahmed est partagé entre le souci de réussir ses études et lintérêt quil porte à la chose publique. Il finira par concilier les deux en réussissant ses études tout en sinscrivant à lUNEM et sinvestit dans une vie sociale très dense. Il brigue plusieurs responsabilités à la fois en assurant, entre autres, la vice-présidence de lAssociation des étudiants nord-africains en France. «Je nai pas réellement souffert de dépaysement en France. Dabord, parce que je navais pas le temps de penser à la question, et puis jévoluais dans le milieu universito-sanitaire qui est par essence universel». À la fin de ses études, Ahmed Iraqi intègre le monde professionnel sans difficulté et poursuit parallèlement ses activités syndicales. Puis, il se marie et regagne le Maroc en 75 dans le cadre dun projet de recherche entre le Maroc et la ville de Toulouse qui durera une année. Puis il retourne en France avant de regagner définitivement le Maroc en 1979. «Javais un poste confortable en France et je respecte ceux qui ont fait le choix de rester. Mais, pour moi, ce pays qui ma permis de faire des études, la moindre des choses est que je lui rende sa monnaie. Si cétait à refaire, je referais la même chose sans regret aucun». A son retour, il rejoint léquipe du CHU Ibn Rochd à Casablanca, sa ville natale. «Il est plus que jamais dactualité dattirer lattention sur cette tendance du vouloir sans devoir. À travers cet égoïsme, on ne fera que consommer notre capital sans rien ajouter». Pour lui, il est de lintérêt de chacun de remplir ses devoirs envers la société qui lui permet la joie de vivre et lautorise à communiquer. «Les Marocains doivent mériter le Maroc». En 1985, il assure la vice-présidence de la Faculté de médecine de Casablanca avec Abderrahim Harouchi. Puis, de professeur agrégé, il devient titulaire en 1988. Syndicaliste, militant associatif, Ahmed Iraqi est également membre de lUSFP. Sa vie sociale senrichit énormément et il ne se montre pas avare de son temps ni de son effort. Cela lui vaudra la reconnaissance de ses pairs, puisquil est élu vice-président du Conseil de lOrdre des médecins de la région en 1984. Très intéressé par la santé, lenvironnement et le développement durable, il assurera la présidence de la Société marocaine des sciences médicales en 1992. Une expérience qui va le pousser sur cette voie; et cest sans cacher sa fierté quil évoque lorganisation, en 1997, du Congrès sur lenvironnement et la santé et qui a été présidé par Mohammed VI, prince héritier à lépoque. En 1998, il rejoint le premier gouvernement de lAlternance en tant que secrétaire dEtat à lEnvironnement. Pendant les 30 mois quavait duré son mandat, il travaillera sous le règne de Feu Hassan II et de SM Mohammed VI dont il est lun des signataires de lacte dallégeance. Une autre question semble particulièrement passionner Ahmed Iraqi : celle de la condition de la femme. «Moi, je ne fais aucune différence entre homme et femme. Pour moi, les deux sont des êtres humains, point final. Seule la performance crée la différence». Mais il se défend dêtre féministe. «Je crois totalement en la femme, mais je ne suis pas féministe au sens démagogique du terme». Il trouve tellement dommage quon se perde dans des conflits superficiels comme la dualité homme-femme ou Arabe-Amazigh. Pour lui, ce nest que pure perte de temps au lieu de sintéresser aux vrais problèmes de la société. «Il faut traiter la maladie et non les symptômes». «Je pense quil y a plus de questions mal formulées que de problèmes». Et quand Ahmed Iraqi doit faire face à un problème, il adopte ses trois principes : partir du facile au difficile, du concret à larbitraire et du connu vers linconnu. «Pour moi, en tant que médecin, toute situation est normale». Président de lAssociation marocaine des études et recherches sur le changement de lenvironnement, et secrétaire général adjoint du parti socialiste, Ahmed Iraqi est un fervent lecteur dAverroès. «Sa réflexion est plus que jamais dactualité. Notre besoin de cet auteur est encore plus manifeste quil ne létait à son époque». Ahmed Iraqi est amateur des grands classiques, en plus des ouvrages traitant de la médecine. Depuis 2000, il a repris le travail au CHU, mais cette fois-ci par la formation de la relève. Pour lui, cest une question cruciale. «Si jai un message à transmettre aux jeunes cest quaucune vie nest parfaite, mais le plus important pour eux est de tirer profit de nos erreurs et de nos expériences pour faire léconomie du temps et de leffort. Et puis, il ne faut pas être pressé, car plus une question est complexe, plus sa réponse se révèle sur le long terme». Et puis si la vie était à refaire, la priorité serait donnée à sa famille et il aurait épousé la même femme. «Cest la seule qui a toujours su me supporter».