Lutilisation de la technique du LBO (Leverage Buy Out) présente plusieurs avantages en termes deffet de levier fiscal, financier et juridique. Cette technique, très utilisée en Europe et aux Etats-Unis, repose sur une réglementation fiscale plus souple qui consiste, entre autres, en lintégration fiscale entre les sociétés du même groupe. Une réforme fiscale dans ce sens peut encourager cette pratique encore peu répandue au Maroc. Dans un contexte de mondialisation et de conclusion de plusieurs accords de libre-échange, les entreprises marocaines recourent de plus en plus à une stratégie de croissance externe par le biais du rachat dentreprises déjà existantes opérant dans le même secteur concernant les investissements dextension, et dans dautres secteurs dactivité quand il sagit dinvestissements de diversification. Tout cela est entrepris dans le but de contourner la concurrence et gagner plus de parts de marché. Par ailleurs, le rachat dentreprise peut être très onéreux en termes de coût dachat et de coût fiscal, sans oublier le manque de liquidité que peut occasionner cette opération du fait que la société puise dans sa trésorerie pour pouvoir payer les différents coûts générés par ladite opération. Sajoute à cela le poids des charges dintérêts si, en plus, lentreprise a recours à lendettement. Tous ces éléments sont de nature à décourager et compromettre le processus de croissance externe dune entreprise par le rachat dune autre. Effet de levier financier et fiscal En Europe et aux Etats-Unis, les entreprises font, désormais, appel à la pratique du LBO, Leverage Buy Out, qui présente plusieurs avantages. La technique du LBO permet dacquérir une société ou un groupe de sociétés sans nécessairement posséder les fonds propres requis pour la réalisation dune telle opération. Cette technique consiste concrètement, pour lacquéreur potentiel, à créer, avec une mise initiale assez limitée, une holding de rachat qui sendette pour lacquisition de titres de la société-cible. Les emprunts contractés par la holding seront remboursés avec les fonds dégagés par la société acquise. Lidée maîtresse de ce montage est, donc, de faire supporter à la société à reprendre le financement de son propre achat. Il ressort que plusieurs ingrédients sont nécessaires pour la réussite dun tel montage. Dabord, il faut que la société-cible soit assez rentable pour dune part, constituer un gage de crédibilité vis-à-vis du banquier prêteur et, dautre part, permettre le remboursement rapide de lemprunt contracté auprès de la banque. Ensuite, il faut que les remontées de dividendes de la société rachetée à la société holding ne subissent pas dimposition lourde qui serait de nature à affecter substantiellement leur montant; ce qui influera négativement sur le processus de remboursement du prêt. Enfin, du fait de lemprunt contracté qui engendre des charges financières importantes, la société holding affichera généralement une situation déficitaire. Il serait opportun que ses déficits puissent être utilisés par le biais dune imputation sur les bénéfices de la société-cible. Cette imputation savère dautant plus indispensable que les déficits enregistrés chez la société holding ont une durée de vie limitée à quatre ans. En supposant que la première exigence soit satisfaite, celle liée à la fiscalité des dividendes doit lêtre également. En effet, conformément aux dispositions de larticle 9 bis du Dahir n° 1-86-239 du 31 décembre 1986, et sous réserve que la société qui reçoit les dividendes soit soumise à lIS, les dividendes provenant de la distribution de bénéfices par des sociétés relevant de limpôt sur les sociétés, bénéficient dun abattement de 100%. Reste que la troisième condition (lintégration fiscale) nest, malheureusement, pas remplie compte tenu du fait de linexistence dun régime fiscal des groupes de sociétés au Maroc. Un tel régime autorise, en France par exemple, une société, qui détient au moins 95% du capital dune autre société, à constituer avec cette dernière un groupe fiscal par le biais du mécanisme de lintégration fiscale. Les deux sociétés sont, ainsi, en mesure détablir une déclaration de résultats commune; ce qui savère être un remarquable outil de circulation et de gestion des déficits. Différents montages possibles On notera que dans létat actuel de la fiscalité marocaine, la société holding de rachat peut provoquer les mêmes effets inhérents au régime de lintégration fiscale, et ce en transformant la société acquise en SNC (Société en Nom Collectif) soumise à limpôt sur le revenu. Inutile de rappeler que dans le cadre des sociétés soumises à limpôt sur le revenu, ce sont les associés qui sont redevables de limpôt et non pas la société concernée qui est considérée comme transparente fiscalement. La holding étant, dans ce cadre, personnellement redevable de limpôt, elle sera en mesure damputer ses déficits sur les bénéfices dégagés par la SNC. Cette opération de transformation nest cependant pas exempte dinconvénients. Outre limpact fiscal dune telle transformation (qui peut savérer très lourd) et les spécificités fiscales et juridiques liées aux sociétés de personnes quil convient de considérer avec attention, la société holding ne pourra plus profiter du régime dexonération des dividendes prévus à larticle 9 bis susmentionné qui conditionne ce régime de faveur à la soumission de la société distributrice à limpôt sur les sociétés. Lutilisation des déficits de la holding par leur imputation sur les bénéfices de la cible pourrait, également, seffectuer en faisant fusionner les deux sociétés. Les avantages sont multiples. Dabord, lopération pourrait bénéficier du régime fiscal de faveur inhérent aux fusions. Ensuite, les emprunts contractés par la holding seront directement déductibles des bénéfices dégagés par lactivité de la société-cible, puisque la holding et la cible sont une seule entité. Enfin, lacquéreur initial qui devient associé direct au sein de la société-cible pourra percevoir directement des dividendes sans attendre le remboursement complet de lemprunt contracté. Ce montage est cependant à manier avec grande précaution surtout si la société-cible compte des associés minoritaires. Des désagréments liés à labus de majorité et à labus de biens sociaux, notamment, sont susceptibles de surgir. Linstauration dun régime fiscal des groupes de sociétés, dont les avantages ne se limitent évidemment pas à ce cadre précis, éliminerait définitivement ces difficultés. Effet de levier juridique Il est à ajouter que lacquéreur pourra bénéficier dun effet de levier, cette fois-ci juridique, en nacquérant que 51% de la société-cible; ce qui lui permettrait davoir, juridiquement, une réelle emprise sur la direction de celle-ci en ne décaissant que la moitié de la valeur de la société-cible. Cet effet de levier juridique pourra être exploité dune manière encore plus optimale si lacquéreur cède 49% du capital de la holding de reprise en conservant les 51% qui lui permettent de «diriger le navire». On pourrait ne pas sarrêter là et imaginer que lacquéreur apporte les 51% quil détient dans la holding de rachat à une autre société dont il ne détiendra que 51% et cédera les 49% restants, etc (voir schéma ). Quoi quil en soit, les dispositions de larticle 9 bis, ainsi que les règles juridiques de majorité au sein des sociétés, fournissent un cadre favorable qui pourrait lêtre encore plus si la personnalité fiscale des groupes de sociétés est reconnue, pour le développement des opérations à effet de levier tel le LBO, dont lintérêt nest plus à démontrer.