* Le «leverage buy out» est une technique de transmission d'entreprises à effet de levier. Le rachat de la cible est financé, en grande partie, par l'endettement bancaire, ce qui permet de minimiser l'apport du repreneur en même temps qu'il accroît le rendement des capitaux investis. * Au Maroc, ce type de financement des acquisitions est rarement intervenu, du fait de la méconnaissance du procédé et de labsence de législation juridique et fiscale. Une opération de «leverage buy out» peut être définie comme celle d'un rachat d'une société cible par l'intermédiaire d'une société holding qui, en plus d'un apport en fonds propres, souscrit des dettes (senior, subordonnées ou mezzanine) pour financer l'acquisition. Les dettes sont remboursées par les flux financiers, en particulier les dividendes, que la société achetée verse au holding d'acquisition. En effet, durant les années d'acquisition, les cash-flow libres de la cible remboursent, par remontée de dividendes, le capital et les intérêts de la dette. La structure financière et juridique dans une telle opération est conçue de façon à minimiser l'apport des actionnaires, d'où le rôle de l'endettement qui permet de minimiser leur apport en même temps qu'il accroît leur rentabilité. On parle ici d'effet de levier financier, principale caractéristique de ce type d'opération et dans lequel réside tout l'intérêt d'un LBO. Les opérations d'acquisition à effet de levier (LBO) ont connu un essor remarquable au niveau mondial. Elles représentent la technique la plus utilisée dans la transmission d'entreprises. En effet, le repreneur, souvent en manque de ressources, y trouve une bonne technique pour financer son acquisition et rentabiliser, autant que possible, les capitaux investis. Bien qu'au niveau mondial le LBO ait fait ses preuves et ait acquis ses lettres de noblesse à travers des milliers de grandes opérations, cette vague ne semble guère toucher le Maroc ; et ce montage «ingénieux» reste inconnu, sinon ignoré, par les banquiers, entrepreneurs et jeunes promoteurs marocains. Ce constat trouve son explication, selon les professionnels du capital investissement, dans l'absence d'une réglementation juridique et fiscale claire, à même d'encourager les opérations de type LBO. Rares, celles-ci se font encore de manière déguisée. S'il y avait un cas local qui illustre ceci, ce serait celui de la Société chérifienne des engrais (SCE), reprise par son management en mai 2003. En effet, il s'agit d'une première au Maroc. Tout a commencé lorsque le Groupe ONA-SNI a voulu se désengager d'un certain nombre de participations et se recentrer, de ce fait, sur ses métiers de base. La SCE était alors dans la ligne de mire. C'est à ce moment-là que l'idée d'un LBO ou plus précisément un MBO (Management buy out, puisque c'est le management qui se porte acquéreur) a germé dans l'esprit du management de l'entreprise, en manque de ressources suffisantes pour financer une opération de cette envergure. Ce dernier s'est en effet porté acquéreur des participations du groupe ONA-SNI et du groupe Total, détenant respectivement 39,19% et 31,43% du capital de la SCE. Toutefois, cette technique financière n'étant pas réglementée au Maroc, le MBO a davantage été appliqué dans son esprit que dans la lettre. Un holding, baptisé Holichem, a été créé à cet effet et a dû supporter la dette, sur un prêt accordé par un «pool» de trois banques de la place, garanti par les actions acquises de la SCE et basé sur les bénéfices futurs de celle-ci, gage de remboursement. L'effet de levier, principe de définition d'un LBO, n'aura pas joué totalement en raison d'une règle fiscale qui n'autorise pas la déduction des charges d'intérêt du résultat imposable de la SCE. À l'évidence, une fusion entre les deux entités (Holichem et SCE) aurait pour effet de contourner cette contrainte et activer, par ricochet, le fameux effet de levier financier. Celle-ci n'a malheureusement pas pu se faire, du fait de la cotation de la SCE en Bourse. De plus, la tentation de sortie de la cote a échoué par le fait que la SCE est cotée en Bourse depuis 1950 et que certains institutionnels, et pas des moindres (CIMR, AXA), l'accompagnent depuis longtemps. Malgré cela, le holding a pu s'acquitter de ses échéances par une forte remontée des dividendes de sa filiale (SCE) et espère même faire un remboursement anticipé du reste du crédit, selon les déclarations du management de la SCE. «Le pari est gagné», ajoutent-ils. En effet, cette opération a été menée de sorte qu'il y ait une certaine continuité dans la gestion de l'entreprise. Les objectifs fixés et les investissements prévus ont été réalisés. Le seul changement résultant de cette opération concerne le management qui, étant devenu actionnaire, s'est doublement engagé dans la réussite de son affaire. Et c'est tant mieux. Cette opération de transfert de la SCE à son management via un LBO, certes déguisé, est une première chez nous et mérite d'être connue et même imitée, d'autant que le Maroc présente une terre fertile pour ce type d'opération. En effet, selon une étude réalisée par le secrétariat de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement) dans le cadre du programme «Méditerranée 2000», 37,5% des patrons de PME se trouvent dans la tranche d'âge 23-40 ans, 31,25% sont âgés de 41 à 50 ans et 31,25% ont entre 51 et 60 ans. La culture de l'entrepreneuriat marocain veut que chaque propriétaire transmette son entreprise à ses descendants. Nombreuses sont les PME qui ont connu la faillite à cause de l'incompétence, la méconnaissance ou le désintéressement des repreneurs, d'où l'intérêt du LBO, en tant que parfait véhicule de transmission d'entreprises. Aussi, dans un contexte de mondialisation et sur un marché marocain en phase de maturité et d'intégration, les groupes marocains en quête de «taille critique», peuvent y trouver refuge. En l'état actuel, la majorité des chefs d'entreprise marocains ignorent l'existence du produit ou du moins de la fonction juridico-financière appelée LBO. C'est forcément l'une des raisons de l'absence de ce type d'opération, à forte valeur ajoutée, dans notre pays. Ce facteur, combiné avec des fonds d'investissement réticents, des banques frileuses au risque et en l'absence de mesures législatives facilitant la transmission des entreprises... laissent encore le LBO à l'écart.