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Système bancaire
Publié dans Finances news le 27 - 01 - 2005

Les instances politiques ne seront plus un boulet pour la Banque centrale : elle s’en éloigne et disposera
désormais davantage d’autonomie. La notion d’indépendance interdit tout concours au Trésor public, exception faite d’une facilité de caisse encadrée.
La gestion de la surliquidité a coûté à la Banque centrale près de 700 MDH.
Les PME doivent cultiver la transparence financière, mais le devoir de vigilance et de maîtrise des risques ne peut justifier les taux parfois élevés appliqués par les banques à ces petites entités.
C’est plein d’enthousiasme que le gouverneur de Bank Al-Maghrib a reçu la presse, mardi dernier, au siège de l’établissement. Abdellatif Jouahri avait visiblement envie de clarifier certaines choses ayant trait notamment à l’évolution du microcosme financier en général. Certes, il n’y a pas eu d’annonces «chocs », mais, guidé par le souci du détail, Jouahri a tenu, entre autres, à expliquer de manière claire et précise les tenants et aboutissants des réformes en cours, les dispositions prises par la Banque centrale pour y faire, de même qu’il a exprimé ses préoccupations par rapport à certains points ayant trait au financement de l’économie nationale.
Sa démarche a ceci de bien qu’elle a permis un débat riche et franc qui s’inscrit désormais dans la nouvelle approche prônée par l’Institut d’émission, c’est-à-dire communiquer autrement, dans un cadre transparent que lui-même exige des autres établissements bancaires.
Cette transparence n’est plus un luxe auquel on peut se soustraire, mais plutôt une exigence dictée par l’évolution de l’environnement financier international qui a poussé les responsables bancaires à adopter des modalités de gestion plus rigoureuses, surtout après les crises financières qui ont secoué l’Asie en 1997, et plus récemment des géants financiers comme Enron et Parmelat.
Le Maroc, qui a fait le choix de l’ouverture de son économie, ne peut donc vraisemblablement rester indifférent face à ces changements. Il doit, comme le laisse entendre Jouahri, «profiter des opportunités qu’offrent ces évolutions et non les subir». Raison pour laquelle le Royaume est soumis, depuis un plus de deux ans, comme plus de 90 Etats dans le monde, à un programme d’évaluation du système financier, mais aussi tend de plus en plus vers une indépendance des organes de contrôle vis-à-vis du politique. C’est d’ailleurs l’une des clés de la réforme des statuts de BAM et de la nouvelle bancaire.
Nouvelle conduite de la politique monétaire
La réforme des statuts de BAM initiera manifestement une nouvelle approche dans la conduite de la politique monétaire. Les instances politiques ne seront plus un boulet pour la Banque centrale ; elle s’en éloigne et disposera désormais davantage d’autonomie pour atteindre son objectif premier : la stabilité des prix. Les premiers signes de cette indépendance se ressentent d’ores et déjà au niveau du Conseil de la banque qui est réaménagé, et au sein duquel ne siègent plus des personnalités publiques, hormis le directeur du Trésor. Cette exception est surtout guidée par le souci de renforcer le dialogue et la concertation, d’autant plus que le directeur du Trésor ne dispose pas d’un droit de vote au niveau du Conseil en cas de prise de décision.
Tout autant, cette notion d’indépendance interdit tout concours au Trésor public, exception faite d’une facilité de caisse encadrée.
Par ailleurs, en ce qui concerne la supervision bancaire, les compétences de BAM sont élargies en matière d’agrément et de réglementation, tout comme il renforce ses moyens d’intervention «pour prévenir les crises bancaires».
Dans le cadre de cette réforme, la Banque centrale se voit également octroyer de nouvelles missions. Elle aura ainsi la responsabilité, d’organiser, réguler et contrôler l’ensemble des systèmes de paiement, lesquels sont des instruments de modernisation de l’économie nationale. À ce titre, un plan d’action a été élaboré conjointement avec la communauté bancaire. Il vise notamment «à poursuivre l’élargissement de la télécompensation et mettre en place un système de règlement de gros montants». Pour soutenir cette mission, des structures dédiées ont été mises en place par BAM.
Tout comme la réforme des statuts de BAM, la nouvelle loi bancaire est un texte fondateur. Elle permet certes aux établissements bancaires de se soumettre aux exigences de Bâle II, mais octroie par ailleurs davantage de prérogatives à la Banque centrale en terme de contrôle. Ce contrôle, élargi désormais à l’ensemble du système bancaire, va amener BAM, comme le souligne Jouahri, «à coordonner et organiser l’échange d’informations entre les différents organes de contrôle et de régulation des autres compartiments du marché financier».
Bien évidemment, pour faire face à ses nouvelles missions, la Banque centrale a été obligée de mettre en place un plan stratégique sur trois ans, s’étalant sur la période 2004-2006. Celui-ci se décline en trois axes, notamment une modernisation de l’organisation et du fonctionnement de la banque; l’introduction et le développement de la prévention et la maîtrise des risques; et la recherche de l’optimisation et de la qualité dans la gestion et le fonctionnement de la banque.
Ce plan stratégique est soutenu par une réorganisation de la banque sous-tendue, entre autres, par un meilleur contrôle des banques à travers le renforcement des moyens humains et techniques, et ce afin d’assurer une prévention et une maîtrise des risques optimales.
Financement de l’économie
«Une politique monétaire (PM) ne peut se décliner toute seule, abstraction faite de la politique budgétaire et du régime des changes», dixit Jouahri. Il faut nécessairement, selon lui, une cohérence et une convergence entre ces deux éléments pour assurer une politique monétaire efficiente. La PM menée, à cet effet, par la Banque centrale, a pour objectif principal la «stabilité des prix et le maintien des taux d’intérêt à un niveau à la fois incitatif pour l’épargne et encourageant pour l’investissement». C’est la raison pour laquelle BAM fixe chaque année des normes monétaires qui tiennent compte «des besoins de financement de l’activité économique, de l’évolution prévisionnelle de la balance des paiements, ainsi que des finances publiques».
Néanmoins, le cadre opérationnel de la PM a été réaménagé, eu égard à la surliquidité qui a prévalu ces dernières années et à l’objectif de maintenir les taux d’intérêt à un niveau approprié. Cette surliquidité n’est pas cependant un phénomène nouveau. Comme le note le gouverneur de la Banque centrale, «elle date de 1999 et est tributaire des opérations de privatisation». Aussi, poursuit Jouahri, «il importe, à l’heure actuelle, de la gérer; ce que BAM fait à travers les opérations de reprises de liquidités et les facilités de dépôt». Ces opérations ne sont pas néanmoins sans coût : «elles ont coûté à la Banque centrale près de 700 MDH», précise Jouahri.
Notons par ailleurs que les nouveaux statuts de BAM lui permettent de procéder à l’émission et au rachat de ses propres titres.
Toutefois, selon Jouahri, «il importe également de ne pas inhiber l’effort de mobilisation de l’épargne des établissements bancaires».
Le bras de fer banques/PME
La décrue des taux ne bénéficie pas à l’ensemble des opérateurs. Ce constat fait par Abdellatif Jouahri ne date pas d’aujourd’hui; le discours est le même depuis quelques années. Lors de la dernière réunion du Conseil National de la Monnaie et de l’Epargne (CNME) tenue en avril, Jouahri avait fait la même remarque en ces termes : «la Banque centrale a, à de maintes reprises, sensibilisé le système bancaire quant à la nécessité de poursuivre les efforts tendant à relever le niveau de bancarisation et à améliorer les conditions de financement de l’économie en général et des PME en particulier (…) La politique de baisse des taux d’intérêt menée ces dernières années par l’Institut d’émission a profité davantage aux grandes entreprises qu’aux PME, dont une frange importante continue à supporter des taux d’intérêt relativement élevés».
Aujourd’hui, la situation n’a vraisemblablement pas changé.
En fait, l’affaire se résume à une guéguerre entre banquiers et PME. Les premiers, qui se font taper du doigt par BAM face à la montée en puissance des créances en souffrance, estiment non seulement que les PME sont en partie responsables de cette situation, mais en plus qu’elles ne sont ni transparentes ni crédibles. Pour leur part, les PME décrient la politique sélective de financement des banques, lesquelles les boudent et se tournent davantage vers les grandes entreprises.
En réalité, les deux parties n’ont pas tort : les PME doivent cultiver la transparence financière, mais le devoir de vigilance et de maîtrise des risques ne peut justifier les taux parfois élevés appliqués par les banques à ces petites entités.
Néanmoins, les deux parties veulent visiblement faire sauter le verrou du financement. C’est ce qu’a laissé entendre le gouverneur de BAM qui a, à ce titre, reçu la Fédération de la PME, laquelle souscrit volontiers à une démarche qualité pour distiller une information viable et transparente. Dans ce sens, elles devront procéder à un rating interne qui permettra aux banques de disposer d’éléments objectifs leur permettant de mieux apprécier le risque crédit. Par ailleurs, «BAM a mandaté la Société Financière Internationale pour conduire un projet d’étude visant l’amélioration des dispositifs d’information financière sur les entreprises au Maroc en vue du développement d’une centrale de bilans, dont un premier rapport a été livré».
Parallèlement, les structures de financement étant atomisées (Caisse Centrale de Garantie, Dar Adaman…), une réflexion est en cours pour la mise en place d’un organisme national de garantie.
De toute évidence, «le développement du financement de l’économie sur des bases saines nécessite que notre système bancaire soit solvable et efficient», précise Jouahri. C’est sous cet angle qu’il faut apprécier l’assainissement du pôle public financier et les restructurations entreprises par les banques commerciales. Cette nouvelle dynamique épouse les contours de Bâle II (entrée en vigueur en 2007) qui impose une maîtrise de tous les risques (marché, opérationnel…), un contrôle interne étoffé, ainsi qu’une certaine discipline financière.


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