* Les pouvoirs publics ont démenti lexistence dune éventuelle mesure, mais entre-temps, les régies de distribution deau ont reçu une lettre les invitant à évaluer limpact de la hausse de 3 points sur les couches défavorisées. * Lautre catégorie de clientèle sévèrement touchée, serait celle des agriculteurs. Au moment où lon sattendait à des mesures fiscales incitatives en faveur de lenvironnement dans le cadre de la Loi de Finances 2010, lon débat sur une éventuelle hausse du taux de la TVA sur leau de 7 à 10%. Cette décision devrait intervenir dans un contexte dicté par la réforme de la TVA, selon les termes dengagement de lUnion européenne. A noter que depuis quelques années et à loccasion de chaque Loi de Finances, le Directeur général des impôts na cessé de rappeler que la réforme de la TVA initiée en 2005 a pour leitmotiv de supprimer les taux dérogatoires de la TVA pour nen garder que deux au lieu de cinq actuellement. Et donc la hausse du taux de la TVA à 10% sinscrit dans la même tendance. Mais elle risque de renchérir le prix de leau. Quand la solidarité est entachée danomalies Interrogé à cet égard, un fiscaliste nous apprend que «lapplication de ce type de mesures nous montre encore une fois, quici au Maroc, il ny a pas de véritable réforme fiscale». On peut surtout parler dune codification des textes qui a été très bien menée et qui a abouti à ce que lon appelle le code général des impôts. Il ajoute par ailleurs que «la hausse du taux de la TVA de leau à 7% répond aux diktats de lUE en matière de TVA et aux sollicitations du patronat dinstaurer deux taux : lun global de 18% et lautre minoré de 10% ». Sous dautres cieux, le prix de leau est élevé à cause de la rareté de la denrée et au coût du traitement de leau. Par le biais de la hausse des prix, le réseau est globalement bien et les fuites deau sont relativement faibles par rapport à la moyenne nationale. Encore faut-il reconnaître que dans les pays riches, la solidarité pour leau est monnaie courante. Le recours au principe de solidarité dans le domaine de leau potable est dautant plus justifié que leau, bien précieux, est désormais reconnue comme nétant pas un bien marchand comme les autres. Le fait que personne ne puisse sen passer rend leau très différente des autres biens économiques dont la consommation peut varier dans de très larges proportions, et ce en fonction de la situation économique des usagers. Ici au Maroc, la solidarité se reflète dans les tranches, mais elle reste marquée par des anomalies, sachant que le principe de la taxe parafiscale sapplique en cas dexistence de contrepartie. Or, si lon prend lexemple de lassainissement, on trouve des citoyens qui paient cette taxe sans que les régions auxquelles ils appartiennent bénéficient dassainissement. Idem pour les citoyens qui payent la taxe de laudiovisuel sans pour autant disposer de télévision. «Il est à rappeler que cette mesure de hausse du taux de la TVA de 7 à 10% ne date pas daujourdhui, mais a sérieusement figuré dans lagenda gouvernemental en 2008 en vue daider lONEP à se faire rembourser en diminuant ses crédits de TVA», ajoute notre fiscaliste. Le projet a vite été balayé dune main à cause de certaines forces de résistance qui en redoutaient limpact plausible sur les bourses des ménages. La neutralité remise en cause Aujourdhui, la réflexion est toujours en gestation chez les pouvoirs publics qui, il y a quelques jours, avaient démenti léventuelle application de cette mesure. Mais comme dit ladage, il n y a jamais de fumée sans feu. Et ce, dautant plus que les différentes régies de distribution deau avaient reçu récemment une lettre les incitant à évaluer limpact dune telle mesure si elle devait être appliquée à la population défavorisée, à savoir la première et la seconde tranche, où plus exactement la population qui consomme moins deau. Daprès notre fiscaliste, lobjectif de ces études recommandées aux régies est de savoir qui pourrait supporter cette hausse de trois points. Est-ce la société concessionnaire, la ville ou le consommateur ? Or, nous savons tous quune TVA est supportée par essence par le consommateur final. Assurément, au Maroc, et si jamais une telle mesure devait être adoptée, la situation deviendrait très délicate. Elle le sera dautant plus quelle interviendrait dans un contexte où les pouvoirs publics prônent lamélioration du pouvoir dachat et, partant, la relance de la demande interne qui est de plus en plus appelée à jouer un rôle moteur, et ce dans un contexte de crise. Et donc la seconde baisse de lIR impatiemment attendue par les salariés et qui est prévue pour janvier 2005, ne servirait quasiment à rien au cas où une denrée aussi vitale que leau subirait une augmentation. Voici à ce sujet, le point de vue dun expert-comptable : «Il faut reconnaître que la TVA prône le principe de neutralité. Donc laugmentation de son taux ne doit en auc-un cas impacter les coûts de production et de commercialisation. Le mécanisme de récupération anéantit tout impact. Seulement, elle est supportée par le consommateur final». Selon lui, dans le cas de leau, produit de grande consommation, la majoration du taux de la TVA augmentera sans aucun doute la facture. Une autre catégorie de clientèle sera également touchée : celle des agriculteurs qui ont vu les redevances augmenter suite à la fiscalisation des offices de mise en valeur agricole. L'agriculture, hors-champ dapplication, de la TVA verra les coûts de production augmenter en raison de labsence du mécanisme de récupération. Il sagit dune niche fiscale qui se traduirait de façon directe sur les recettes fiscales de lEtat. Leau obéit à leffet «viben», c'est-à-dire que laugmentation des prix ne génère pas la diminution des quantités. Elle risque de navoir aucun impact sur la rationalisation de la consommation. Une chose est cependant sûre : dans une vision intégrée et globale, laccès à leau permet de réaliser des performances en matière de scolarisation et de santé. Augmenter les prix se traduirait négativement sur la demande et, par voie de conséquence, sur les indicateurs de performance. Au moment où nous mettions sous presse, cette mesure nest pas encore officielle. Mais selon les dires des analystes, son application relève de limpossible augurant même de son abandon. Elle fera lobjet, comme tant dautres questions, de larbitrage du Premier ministre et devra passer les étapes de conseils de gouvernement, des ministres et du Parlement. n