La Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ) vient de se fendre dun surprenant communiqué. Surprenant de par son contenu. Surprenant de par le timing choisi. Je me suis amusé à en décortiquer les grandes lignes. La FMEJ y appelle ainsi «au strict respect de la Charte déontologique de notre fédération qui rejette formellement, et solennellement, toutes les dérives éthiques dans lexercice de la profession pouvant porter atteinte aux fondements de notre pays dont, notamment, le respect dû à SM le Roi et à la famille royale». Elle appelle également, juste dans le paragraphe suivant, «avec la plus grande vigueur, au respect scrupuleux des procédures judiciaires, de la présomption dinnocence et des garanties des droits de la défense», rejetant par là-même «toutes les procédures qui, sous le motif de faire respecter la loi, mettent, dans les faits, en danger lEtat de droit dans notre pays». Voilà une gymnastique linguistique assez recherchée. Car il sest agi, dune part, de défendre la personne du Roi et la famille royale et, dautre part, de défendre également les membres de la corporation. Selon lexpression consacrée, cest ce quon appelle ménager la chèvre et le chou. En faisant état des «dérives éthiques» et du «respect dû à SM le Roi et à la famille royale», la Fédération reconnaît implicitement quil y a eu des dérapages. Mais elle se garde bien de les condamner comme elle le fait chaque fois quun éditeur de journaux est injustement victime darbitraire. Elle perd donc en crédibilité ce quelle gagne en ménageant ses membres. Mais la «ligne éditoriale» actuelle de la FMEJ peut se comprendre sans se justifier. Car ceux qui ont aujourdhui maille à partir avec la Justice font partie non seulement de la Fédération, mais également du bureau de celle-ci auquel est revenue la responsabilité de rédiger ce communiqué. A preuve, limpact des mots utilisés : «grande vigueur», «respect scrupuleux», «Etat de droit». On ne peut être juge et partie. Et lorsquon voit le timing choisi pour la diffusion dun communiqué dont les faits y afférents datent parfois de plusieurs semaines (même sils ne sont pas encore tranchés par la Justice), lon peut aisément conclure que la FMEJ se serait bien passée de le faire. Le lui a-t-on alors imposé ? Question à creuser. En tout cas, ce serait un truisme de dire quelle sy est mal pris. Au point quaujourdhui, appeler «le gouvernement à louverture sans tarder dun débat avec la profession sur la réforme du secteur» semble être un non sens. Non quil ne faille pas réformer le secteur. Mais, sans jeter lopprobre sur une profession à laquelle jappartiens, il faut reconnaître quil est difficile de vouloir faire valoir des droits quand, souvent, le mercantilisme de certains se fait au détriment de léthique et de la déontologique. Pourrions-nous aller alors nous asseoir autour de la table des négociations lorsque nous sommes les premiers à bafouer les règles qui doivent régir notre profession ? Non, évidemment. Comme je lai souvent dit, liberté de presse néquivaut guère à libertinage. Dès lors que tout le monde saccorde sur le respect dû à la personne du Roi et de la famille royale, quiconque y transgresse doit en assumer les conséquences. Et la FMEJ, en tant que garante dune certaine morale dont se prévaut la presse, doit être la première à monter au créneau. Non pas pour tenir un discours circonstancié, pour ne pas dire cosmétique, mais pour condamner. Tout simplement. A bon entendeur