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Entretien : «D’ici octobre, nous avons le temps de mourir !»
Publié dans Finances news le 12 - 06 - 2009

* Regroupant six associations professionnelles et représentant sept branches d’activités, le secteur des industries de transformation des produits de la pêche fait face à la crise.
* Absence de visibilité pour le secteur, approvisionnement non régulier, cherté de la matière première, qualité à améliorer, prix de conditionnement élevé… sont autant de doléances exprimées.
* Hassan Sentissi, président de la Fédération Nationale des Industries de Transformation et de Valorisation des Produits de la Pêche, FENIP, fait l’état des lieux.
- Finances News Hebdo : Quand on parle de la crise mondiale au Maroc, on pense à des secteurs bien précis mais on oublie les industries de la pêche. Pourtant, à en croire les professionnels, le secteur est en pleine crise. Qu’en pensez-vous ?
- Hassan Sentissi : Effectivement, nous sommes en pleine crise. Nous avons cru que nous pouvions l’éviter, mais elle s’est bel et bien installée. Nous avons essayé d’attirer l’attention des autorités de tutelle qui ne semblaient pas être suffisamment attentives à notre cas.
- F. N. H. : Alors que le secteur de l’agriculture s’est vu doter d’un plan d’action baptisé Maroc Vert, les différentes branches du secteur de la pêche naviguent à vue. Ne pensez-vous pas que le secteur n’a pas été érigé en priorité bien qu’il figure dans le programme Emergence ?
-H. S. : En effet, selon certains observateurs, les priorités de notre ministère étaient plutôt tournées vers le secteur de l’agriculture, croyant peut-être que la filière pêche était à l’abri.
Or, nous faisons face à de nombreux problèmes du fait que notre secteur est principalement exportateur. De nombreuses entreprises se plaignent de la baisse de la demande, ce qui les a contraintes à réduire leur prix et à consentir une augmentation conséquente de leur coût de production.
- F. N. H. : Peut-on avoir une idée de la nature de ces problèmes ?
- H. S. : La manifestation la plus frappante se résume en la fermeture d’unités de production et la réduction du nombre de postes d’emploi.
Pour y remédier, nous avons pensé à assurer le plein emploi de nos unités de production en mettant à la disposition des industriels une flotte moderne et adaptée, capable d’approvisionner régulièrement notre industrie en quantité et en qualité.
Certes, la flotte actuelle est assez importante puisqu’elle dépasse 2.000 petits bateaux côtiers. Il est vrai que cette flotte a connu une vague de modernisation qui s’est arrêtée et, tout récemment, une aide à travers le Plan Ibhar a repris sans pouvoir résoudre dans l’immédiat nos problèmes. Autant dire que nous sommes en train de payer le prix des non-dits des décideurs qui se sont succédé.
A cela s’ajoute l’augmentation figée du prix de la matière première et notamment du poisson industriel, qui a été appliquée par les armateurs de la pêche côtière suite à la flambée du prix du gasoil. Cette augmentation a été maintenue malgré le retour du prix international du pétrole à son niveau initial.
- F. N. H. : N’avez-vous pas contacté les armateurs ?
- H. S. : Effectivement, nous sommes en contact permanent avec les représentants de la Confédération des armateurs de la pêche côtière pour les convaincre du bien-fondé de notre demande. Il y a trois mois, la majorité des membres de cette confédération était contre un retour aux anciens prix, faisant prévaloir un acquis légitime.
Mais à présent, nous commençons à percevoir un retour à la raison puisque il a été compris que le sort de l’activité de la pêche et celui de notre industrie sont intimement liés. En effet, plus de 70 % des captures de poisson pélagique sont transformés dans nos unités.
- F. N. H. : Cette hausse des matières premières provoquée par l’augmentation fulgurante du prix du baril de pétrole est-elle la seule enregistrée ?
- H. S. : Pour votre information, quand nous parlons de matière première, nous ciblons plus particulièrement le poisson industriel ; d’autres intrants sont à prendre en considération (emballage métallique, carton, sel, huiles, tomates, condiments, etc.)
A cela s’ajoute le fait que le gouvernement ne nous a pas inclus parmi les sept métiers qui ont bénéficié du soutien de l’Etat à travers les contrats-programmes. Or, il nous a été confirmé que nous n’étions nullement oubliés, mais nous devons être animés davantage de patience dans l’attente des résultats de l’étude menée par le ministère de tutelle.
Les entreprises qui disposaient d’un fonds de roulement commencent à envisager la réduction de leur activité si aucune mesure concrète n’était entreprise et si aucun contrat-programme n’était signé avec la profession.
Nous n’avons pas cessé d’attirer l’attention des autorités de tutelle et de tirer la sonnette d’alarme.
- F. N. H. : Vous avez pourtant des demandes ?
- H. S. : Effectivement, un fort potentiel existe, mais cela demande de notre part un énorme sacrifice au niveau des prix et des efforts de promotion pour la recherche de nouveaux marchés et la diversification de nos produits.
A ce propos, notre Fédération, dans un souci de mieux valoriser la production, vient de réaliser une étude avec des experts confirmés pour élargir l’éventail de notre offre.
Une convention a également été signée avec l’Institut National de la Recherche Halieutique (INRH) pour concrétiser les résultats de cette étude. Quatre nouveaux produits seront très prochainement sur le marché.
- F. N. H. : A l’instar d’autres secteurs, bénéficiez-vous de la stratégie Maroc Export Plus ?
- H. S. : Pour pouvoir en bénéficier, il faut remplir des conditions difficiles dans ce contexte de crise que le secteur traverse. Et puis, la procédure étant très lourde, très peu d’entreprises feront appel à «Maroc Export Plus» et plus précisément celles qui en ont le plus besoin et qui ne sont pas en mesure de répondre aux conditions exigées.
- F. N. H. : La profession sera dotée, tôt au tard, d’un contrat-programme à l’instar de Maroc Vert pour l’agriculteur. Cela ne semble pourtant pas rassurer les professionnels du secteur ?
- H. S. : Nous avons besoin immédiatement d’un contrat-programme pour ne pas continuer à naviguer à vue. Nous avons reçu les experts du cabinet en charge de l’élaboration de l’étude stratégique commanditée par le département de la Pêche auxquels la profession a formulé ses attentes. Mais nous craignons que les résultats de cette étude reflètent des directives sans tenir compte de nos doléances. Ainsi que le caractère précautionneux exagéré qui a toujours prévalu dans les prises de décisions de l’Administration
- F. N. H. : Quand pensez-vous que ce contrat sera prêt ?
H. S. : Nous avons été informés de l’imminence de la diffusion des résultats de l’étude stratégique, et ce depuis la fin de l’année dernière. Ces résultats constitueront la base du contrat-programme avec notre profession ainsi que des différents plans d’aménagement de toutes les pêcheries.
Aux dires d’un responsable gouvernemental lors d’une conférence, les résultats de l’étude seront présentés au cours du mois d’octobre prochain. Mais nous pensons que d’ici là nous avons le temps de mourir !
- F. N. H. : Quelle serait la réaction de votre Fédération au cas où satisfaction n’est pas donnée aux opérateurs de votre secteur?
H. S. : Compte tenu du temps qu’a pris la réalisation de cette étude stratégique, nous ne pensons pas que nous serons déçus pas les résultats qui en découleront. Néanmoins, dans le cas contraire, notre réaction sera dans le cadre de la légalité car notre Fédération est une organisation citoyenne.
Ainsi, pour éviter ce cas de figure, nous réclamons une concertation de l’Administration avec chacun des segments de notre profession avant toute promulgation.


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