Rien ne va plus dans le secteur de la pêche. Les professionnels se plaignent du « chaos » qui règne dans le secteur. Le bras de fer entre armateurs et conserveurs n'est que la partie apparente de l'ice-berg. Le refus du Maroc de renouveler l'Accord de pêche avec l'Union Européenne a été apprécié par tous les professionnels de la pêche, ainsi que les citoyens qui croyaient qu'ils bénéficeront cette fois des richesses de leurs côtes. Mais, depuis cette date, le secteur de la pêche n'est pas sorti de sa crise structurelle. Les problèmes s'accumulent et s'aggravent. Les défis à relever sont énormes pour ce secteur considéré comme « une vache à lait » par certains. Le non-respect des lois régissant le secteur et les arrêts biologiques sont monnaie courante. D'un autre côté, l'informel pèse sur le développement du secteur associé, à la raréfaction de certaines ressources. L'infrastructure de la pêche côtière est défaillante et la majorité des bateaux ne répond pas aux normes internationales. Cela se répercute négativement sur la qualité du produit local. Armateurs/conserveurs : conflit d'intérêt Même si le Premier ministre Driss Jettou s'est réuni avec les professionnels du secteur de la pêche, notamment la Fédération des Industries de la Mer (FIM) et la Fédération Nationale des Industries de transformation et de valorisation des produits de la pêche (FENIP), le problème qui oppose les conserveurs aux armateurs ne semble pas être réglé. Les conserveurs se plaignent du problème de rupture de stock dû au faible approvisionnement, ainsi que de la détérioration de la qualité des produits fournis par les armateurs. Rappelons que quelque 28 conserveries disposant de 40 unités de production exercent la profession de la conserve. Selon la FENIP, ces unités traitent annuellement près de 250.000 tonnes. Les études de l'Institut National de Recherche halieutique (INRH) parlent de la possibilité de prélever annuellement 700.000 tonnes. Mais en réalité, les armateurs n'atteignent pas ce cap. L'approvisionnement irrégulier pousse donc les conserveurs à travers les fédérations qui les représentent à demander d'avoir des autorisations de pêche. Un bon nombre de conserveurs affirment qu'ils se sont trouvés à maintes reprises dans l'obligation d'arrêter le travail au sein de leurs unités de production à cause de l'irrégularité de l'approvisionnement. Ce souhait de disposer des autorisations ne plaît pas bien évidemment aux armateurs, qui n'ont pas intérêt à avoir de nouveaux concurrents. Lahcen Biyjdigen, président de la Confédération des armateurs de la pêche côtière a été clair dans ce sens : « les conserveries sont convenablement approvisionnées et il n'est pas question de parler d'autorisations de pêche être indépendant par rapport aux armateurs. Les conserveurs soulèvent un autre problème ayant relation avec la qualité des produits fournis. Les bateaux de pêche ne disposent pas de moyens de conservation sophistiqués pour garantir une meilleure conservation. La flotte nationale a donc besoin d'une mise à niveau urgente pour faire face aux défis de la concurrence et de la mondialisation. La mise à niveau nécessite des fonds. Dans ce cadre, la FIM propose la reconduction de la subvention de 200 millions de DH allouée au secteur de la pêche côtière et une refonte fiscale. De son côté, le Ministère des Pêches maritimes, qui suit attentivement ce dossier, a réagi récemment pour essayer de trouver une issue aux problèmes des professionnels de la pêche. Taïb Rhafes, a à cet égard affirmé qu'un programme d'action global destiné à promouvoir et développer le secteur est en phase d'élaboration par son département. Il a également annoncé que le gouvernement s'engage à apporter l'assistance nécessaire aux usines spécialisées dans la congélation du poulpe dans la région d'Oued Eddahab Lagouira qui acceptent de transférer leurs activités vers d'autres pêcheries. Le département de Taïb Rhafès souligne que la crise que vit le secteur de la pêche est due essentiellement à la régression des stocks, la prolifération des unités de congélation et le sur-endettement des opérateurs du secteur. Dans ce cadre, le rééchelonnement des dettes des opérateurs du secteur par les banques est envisageable. D'un autre côté, le Ministère s'engage à accorder des autorisations de pêche dans d'autres pêcheries à toute entreprise acceptant de convertir ses activités. En ce qui concerne l'informel, le Ministère de tutelle compte lancer prochainement une campagne dont le but est de réduire l'impact de ce segment non structuré sur le secteur de la pêche. On se demande cependant si l'engagement du gouvernement se limitera uniquement aux unités installées dans la région d'Oued Eddahab Lagouira ou va t-il s'élargir pour toucher d'autres régions ? Les armateurs céderont-ils aux aspirations des conserveurs où feront-ils du lobbying comme c'était le cas en 1996 ? Le gouvernement de Jettou doit montrer plus de rigueur en traitant ce dossier. Le secteur de la pêche a besoin d'un toilettage total. Il dispose d'un potentiel énorme et peut devenir le moteur de l'économie nationale, mais il nécessite une vision et une stratégie globales, ainsi que des mesures d'accompagnement.