* Une importante exposition dédiée à lartiste Juan Rulfo se tiendra jusquau 17 mai à la salle dexposition de lInstitut Cervantès. * Dans cet entretien, Victor Jimenez, Directeur de la Fondation Juan Rulfo, invité de cette exposition, nous dévoile les raisons de ce choix. w Finances News Hebdo : Juan Rulfo, en tant quartiste exceptionnel, qua t-il apporté de spécifique à la philosophie de lart en Amérique latine ? w Victor Jimenez : Comme auteur, Juan Rulfo a suscité ladmiration dauteurs de grande renommée (bien quopposés) comme Gabriel Garcia Marquez et Jorge Luis Borges. Susan Sontag a aussi écrit, comme les deux précédents, en termes très élogieux sur sa littérature, et évalué avec un très haut degré sa photographie. La même admiration a été exprimée par les prix Nobel Kenzaburo Oe (du Japon) et Gao Xing Jiang (de la Chine); sans parler de Tahar Ben Jelloun qui a écrit en diverses occasions (la dernière en 2004) sur luvre de Juan Rulfo, toujours avec la plus grande admiration. La leçon est simple : Rulfo démontre quune bonne littérature, quelle vienne du Mexique ou de tout autre pays, est simplement universelle. Comment avait-il réussi ? Probablement le secret est que lui-même était un grand connaisseur de la littérature universelle, un lecteur infatigable depuis sa jeunesse. Et en même temps, il avait choisi un langage mexicain dextraction populaire pour le transformer de la manière la plus importante la poésie en cette tension et cette fascination quexerce son uvre. Son langage à lui est une amélioration obtenue par des moyens paradoxaux. Quant au reste, ses histoires, dans les contes de El LIano en LLamas et le roman Pedro Paramo, bien quils paraissent senraciner dans le sol mexicain, sont de la même manière, profondément universelles : lambition humaine, lamour impossible, la vengeance, la folie du pouvoir, la désillusion w F.N.H. : Lunivers symbolique de Juan Rulfo est à la fois simple et sobre. Est-ce que cela constitue lun des points forts qui lui ont permis dexprimer sa vision ? w V. J. : Comme je viens de le dire, luvre de Rulfo est paradoxale, la simplicité quon lui attribue est assez trompeuse, et la brièveté de ses textes va de pair avec sa complexité extrême. Ceci a fait quil y a des bibliothèques complètes sur sa littérature où, curieusement, sanalysent sa sobriété et son laconisme. Ben Jelloun a très bien su lexprimer en parlant de Pedro Paramo : «Sa richesse, sa complexité, son insolence la (son uvre ndlr) rendent inépuisable. Il est bref, cependant ; et bien que dune telle densité, il marrive que jaie besoin darrêter la lecture pour soupeser les phrases, comme si jétais avec lorfèvre. Parce que là est présente la poésie». Beaucoup dauteurs se sont référés à la particulière fascination quexerce luvre littéraire de Juan Rulfo, mais peu lont fait avec tellement de précision comme lauteur marocain. w F.N.H. : Cette exposition au Maroc permettra-t-elle, à votre avis, de mieux faire connaître au public la grande originalité de Juan Rulfo ? w V. J. : Il est possible que certains veuillent voir dans la photographie de Juan Rulfo une dimension de plus dans sa littérature, mais ceci nest pas précis. Chaque langage artistique, comme le littéraire et le photographique, a un degré dautonomie considérable et il doit se développer une aptitude spéciale pour dominer chacun deux. Une habileté littéraire nous aide à prendre des photographies ou à composer de la musique. Mais Rulfo sest initié comme photographe avant dêtre auteur, et il arrive à dominer parfaitement la camera. Il a été un photographe extraordinairement raffiné et en ceci, il ressemble aussi à lauteur exceptionnel quil a été. Les sujets quil a reproduits dans ses images sont «simples», seulement en apparence (comme cela se note aussi dans sa littérature). Ces paysans ou peuple humble, se sont transformés, pour Rulfo, en matière dexploration visuelle résolue avec une connaissance énorme de loffice du photographe. Il est, dans cette optique, comme sa photographie qui peut se rapprocher de sa littérature. Le public marocain qui ne connaît pas sa littérature, peut jouir de ses images par elles-mêmes, mais ce serait une bonne idée, je crois, quelles leur servent de stimulant à la lecture de ses livres.