* Après une douloureuse période dassainissement, le CIH sort enfin la tête de leau. * Létablissement bancaire termine lexercice 2008 sur de bonnes performances et, surtout, se conforme désormais entièrement aux exigences réglementaires de Bank Al-Maghrib. * Un nouveau business plan pourrait être adopté dici la fin du premier semestre courant. * Khalid Alioua, président du Directoire du CIH, a accueilli léquipe de Finances News Hebdo dans ses locaux pour décrypter les résultats de lannée 2008. Une année quil qualifie «dannée de référence pour le CIH». w Finances News Hebdo : Quelle lecture faites-vous des résultats réalisés par le CIH au titre de lexercice 2008 ? Khalid Alioua : Pour nous, ces résultats revêtent une signification majeure parce que 2008 sera lannée de référence. Jusquà présent, nous étions plus ou moins dans des années dexception. Nous étions dans lexception par rapport aux règles prudentielles, puisque le CIH bénéficiait de dérogations de la Banque centrale, en ce qui concerne par exemple la constitution de la réserve monétaire. Donc, 2008 est la seule année où nous nous conformons totalement à la réglementation bancaire, après avoir bénéficié dun traitement particulier puisque la banque était en difficulté. Le résultat obtenu (404 MDH), il faut aussi le situer dans le dynamisme. Il reste, par ailleurs, incomparable avec le résultat obtenu en 2007, lequel doit être corrigé des éléments exceptionnels. Cette correction faite, le CIH réalise en 2008 une augmentation de 4 % du résultat net par rapport à 2007. Si vous comparez les chiffres absolus, vous ne pourrez évidemment pas distinguer cette progression. Ces éléments exceptionnels découlaient de lutilisation des reports déficitaires et de reprises de provisions assez importantes dues à des transactions sur des sorties de créances en souffrance substantielles. Je peux citer, à titre dexemple, le Palais des congrès de Marrakech. Donc, pour nous, 2008 consacre le retour historique, structurel et définitif du CIH aux résultats positifs. Ce qui me permet de le soutenir, cest que lorsque lon prend le résultat brut dexploitation, on constate quil a enregistré une progression de plus de 40% à 920 MDH en 2008. w F. N. H. : Néanmoins, on constate que le PNB a diminué w K. A. : Il faut aussi appliquer au PNB la même lecture, en ce sens quil faut le retraiter pour avoir une idée plus claire sur lévolution réalisée. Une fois corrigé, le PNB, comparativement à 2007, a augmenté de + 4 %, alors que dans labsolu, et avec une lecture linéaire des chiffres, il baisse de 4 %. La justification de cette augmentation est peut-être à voir du côté de lencours de crédit. Ce dernier est passé de 18 milliards de DH en 2007 à 21,3 milliards en 2008. Cela, sans tenir compte du fait que nous avons procédé à une opération de titrisation de 1,5 milliard de DH. Si lon réintégrait ce montant dans lencours, nous serions à 22,8 milliards de DH, soit une augmentation beaucoup plus importante que ce que nous avons aujourdhui. Lactivité dune banque se juge aussi au niveau de ses autres formes dintervention, notamment la collecte des dépôts qui est passée, au CIH, de 13 à 17 Mds de DH entre 2007 et 2008. Et comme vous le savez, ce nest quà partir des deux à trois dernières années que le CIH sest doté des moyens en vue de revenir au marché. Aujourdhui, on constate que nous sommes aussi dans la collecte des dépôts malgré notre identité de banque «monométier» travaillant uniquement dans limmobilier. Par ailleurs, si nos charges ont augmenté, cest parce que nous sommes aussi en plein plan de développement. Du coup, nous avons des investissements dexploitation qui ont augmenté de manière assez conséquente, passant de 112 MDH en 2007 à 177 MDH en 2008, dus particulièrement à lextension du réseau, mais également à la mise à niveau des outils et process internes de fonctionnement du CIH. Notre objectif est détendre notre réseau de distribution en multipliant pratiquement par deux le nombre dagences entre 2006 et 2010. Nous avons ouvert, à ce titre, une trentaine dagences en 2008. Le retour sur investissement en terme douverture dagence se calcule sur 3 à 5 ans selon le milieu dimplantation. Tous ces facteurs précités doivent aussi être analysés par rapport à leffort dassainissement. Le CIH était connu pour être la banque qui comptait un portefeuille malade très important. Il faut donc analyser lévolution de ce chantier tout en montrant que cette année, en particulier, nous avons joué à la prudence absolue et notre niveau de provisionnement a encore augmenté. Nous sommes passés, dans ce sens, de 303 millions de DH, en 2007, à 454 millions de DH en 2008. Ainsi, si vous analysez notre cash flow, vous vous rendrez compte que le résultat reste assez conséquent. Ceci montre en particulier que nous avons procédé à un assainissement progressif de tout le portefeuille malade. Et pour vous donner un chiffre significatif sur leffort consenti, sachez que le CIH est passé, depuis 2004, date de mon arrivée à la tête de la banque, de 5,3 milliards de DH de créances en souffrance nettes à 1,2 milliard de DH en 2008. Et si vous prenez les créances en souffrance brutes, nous avons assaini 8,5 milliards de DH durant cette période (2004-2008). Lintérêt de cet assainissement est quil a permis au CIH davoir de moins en moins, je dirais même très peu, de créances toxiques au niveau de notre portefeuille clients. w F. N. H. : La plus grande part de ces 5,3 milliards assainis se situe-t-elle au niveau des particuliers ou des grands comptes ? w K. A. : Cest surtout au niveau des grandes branches essentiellement; mais dans ce chiffre, il y a également des particuliers. Si je prends aujourdhui le 1,2 milliard qui reste à assainir, je considérerais que la moitié est relative à lactivité normale de toute banque et le reste est historique; ce qui nest pas énorme comparé aux 5,3 milliards de DH que nous avions au démarrage. Cest un élément essentiel et stratégique, puisque nous nous rapprochons de plus en plus des coefficients moyens du secteur. Lautre élément qui permet de juger les résultats 2008 à leur juste valeur est lamélioration des fonds propres qui ont progressé de 7%, passant ainsi de 2,5 à 2,7 milliards de DH. Lamélioration des fonds propres nous donne une plus grande marge de manuvre pour intervenir sur le marché, puisquelle permet daméliorer notre coefficient de division du risque et améliore notre niveau dengagement auprès de notre clientèle. Si je devais résumer les résultats de 2008, je dirais que cest lannée 1 à partir de laquelle on peut juger le CIH dans le futur. Et cest la raison pour laquelle, en 2009, nous envisageons la mise en place dun business plan à moyen terme pour définir les perspectives de développement de la banque. w F. N. H. : Alors que sa situation nest pas complètement stable, le CIH a procédé à une distribution de dividendes. Cela vous semble-t-il être une action opportune dans létat actuel des choses ? w K. A. : Quand nous avons réalisé un résultat de 1,4 milliard de DH en 2007, les actionnaires ont été tentés de dire :«on envoie un signal au marché» en distribuant 10 DH par action; ce qui nest pas énorme quand on sait que le CIH navait pas distribué de dividendes depuis plus de 10 ans. Cest une initiative qui montre que nous ne perdons pas de vue notre responsabilité vis-à-vis de notre actionnariat, notamment les petits porteurs. Cette année, nous navons pas encore décidé sil y aurait une distribution de dividendes ou pas. Il faut attendre la réunion du Conseil de surveillance pour proposer à lAssemblée générale ce que lon va faire du résultat. Personnellement, sil y a distribution, je pencherais vers une distribution non numéraire. w F. N. H. : Aujourdhui, comment se répartit lencours en 2008 ? w K. A. : Le tourisme a beaucoup reculé. Sur la répartition de lencours, nous étions sur quelque chose comme 60 % pour limmobilier et 40 % pour le tourisme. Aujourdhui, sur un encours de crédits de 21 milliards, lhôtellerie ne représente plus quune part très infime, soit 676 millions de DH ( - de 4%). w F. N. H. : Est-ce que vous allez maintenir cette tendance baissière de la part du tourisme dans votre encours ? w K. A. : Complètement ! Cest une décision des actionnaires et ça se comprend; parce que nous avons été frappés de plein fouet par la crise du secteur touristique à une certaine époque. Et aujourdhui, nous nous sommes complètement désengagés du secteur du tourisme et du financement de lhôtellerie. Nous restons par conséquent engagés sur le secteur de limmobilier, tout en développant lactivité pour les particuliers avec le segment du crédit à la consommation, de la bancassurance et la monétique. w F. N. H. : Pour une activité qui est historiquement vôtre, cette décision de se désengager de lhôtellerie ne vous semble-t-elle pas paradoxale, surtout dans ce contexte où lon parle de Vision 2010? w K. A. : Ce nest pas paradoxal dans la mesure où il nous faut avoir les fonds propres pour financer le secteur. Les engagements dans ce secteur coûtent très cher et le CIH, en tant que banque, a des limites ! Avant, nous faisions lhôtellerie parce que lEtat était derrière et donnait, en plus des avances aux promoteurs hôteliers, sa garantie au CIH. Aujourdhui, lEtat ne donne ni avances ni garanties; ce qui fait que, se conformant aux normes prudentielles de BAM, nous ne pouvons pas financer des projets à 500 millions de DH. Deuxième élément qui motive cette décision et quil faut analyser : notre capacité à endosser le risque, même pour de petites unités hôtelières. Le constat est que le CIH, vu sa nature de banque monométier, na pas de stratégie de repli. Les autres banques oui, puisque si un secteur est en difficulté, elles peuvent se replier sur un autre secteur. Nous, nous restons une banque jeune qui renaît de ses cendres et qui ne peut plus faire ce quelle faisait avant sous limpulsion des pouvoirs publics pour développer le secteur. w F. N. H. : Nous avons remarqué quil existe une certaine ambiguïté concernant limage et le positionnement de la banque. Actuellement, on ne sait plus où vous situer. Etes-vous toujours cette banque de la famille comme vous laviez annoncé il y a trois ans déjà, ou seriezvous exclusivement engagés dans lhabitat social ? w K. A. : Quand vous dites habitat, alors là nous ne sommes pas obligés dêtre une banque, puisque nous pouvons très bien lever de largent sur le marché financier et non pas sur la collecte clientèle et refinancer les crédits particuliers. Cest une option possible parce que nous avons assaini le CIH. Nous pouvions dire que nous ne faisons plus de banque universelle et nous contenter dêtre un établissement de crédit à lhabitat qui se refinance sur le marché. Or, nous avons dit que nous sommes une banque de la famille et de lhabitat pour montrer que nous avons dautres composantes qui sadressent à la famille; notamment la bancassurance, la retraite, le crédit à la consommation, la monétique . Tout cela pour montrer que nous sommes une vraie banque ! w F. N. H. : Disposez-vous de moyens à la hauteur de votre ambition de banque universelle, compte tenu notamment de votre réseau peu développé et dune présence moyenne au niveau de la bancassurance w K. A. : Personnellement, je ne raisonne pas comme ça ! Le CIH est présent sur limmobilier qui est son cur de métier et dispose de compétences sur ce secteur. Cela me suffit largement. Et quand je fais un comparatif en prenant le portefeuille immobilier de chaque banque, je trouve que le CIH est positionné troisième sur le crédit immobilier, avec presque 15 % de parts de marché; ce qui nest pas rien ! Si je devais comparer ces banques et leurs réseaux aux chiffres que je réalise avec mes 120 agences, il est évident que je dirais que le CIH est le plus performant en terme de rentabilité par agence ! Et cela, tout en continuant à assainir ! Je rappelle encore une fois que ce que nous avons fait comme effort en 2008 est colossal; et aucune banque ne la fait. Par ailleurs, cest la première année où le CIH est assujetti à la réserve monétaire obligatoire, laquelle nous a tout de même coûté un 1,5 Md de DH. De plus, nous avons pas moins de 10 projets structurants en cours. Certains sont dordre réglementaire, dautres sont dordre commercial ou organisationnel Alors, les résultats 2008, il faut les mettre en scène avec, en toile de fond, tous ces éléments cités. w F. N. H. : En parlant de projets structurants, où en est celui du système dinformation que vous avez entamé il y a quelque temps déjà ? w K. A. : Il nest pas encore entièrement fini. Nous avons aujourdhui une équipe qui travaille sur le Global Banking qui sera prêt vers 2010. Cest un système évolutif qui suit les évolutions de nos métiers. Grâce à ce process, nous pouvons contribuer à améliorer le taux de bancarisation dans notre pays, lequel ne dépasse pas actuellement 30 %. Les objectifs de la Banque centrale et du secteur bancaire sont datteindre 40 % à lhorizon 2010. On sait que cest très difficile. Car le fait de multiplier les agences ne draine pas automatiquement de la clientèle. Voilà pourquoi au niveau du CIH nous travaillons sur le «low income banking» qui vise les revenus bas en mettant à leur disposition un réseau de distribution approprié et des produits et services élémentaires répondant à leurs besoins pour booster le taux de bancarisation. Afin dy arriver, il faut que tout le secteur bancaire sy mette. w F. N. H. : Peut-on avoir une idée de léchéancier que vous vous êtes fixé pour mettre en branle le business plan à moyen terme du CIH ? Et disposez-vous des moyens de le mettre en uvre ? w K. A. : Nous allons effectivement réfléchir à un plan de développement avec les actionnaires. Il est attendu quil soit bouclé dici la fin du deuxième semestre de 2009. Pour ce qui est des moyens dont dispose le CIH, il est important de dire que durant la période dassainissement, nous avons collecté un trésor de guerre grâce au patrimoine récupéré dans le cadre des transactions faites en cas de dation en paiement. Et ce nest pas fini, parce que nous continuons à récupérer des biens. Cest un patrimoine important ! w F. N. H. : Avez-vous une idée de ce que représente ce patrimoine ? w K. A. : Nous navons pas encore évalué ce patrimoine, mais nous pouvons lancer un appel doffres dans ce sens. Sinon, jen ai ma propre évaluation. Et je sais quil nous laisse une marge de manuvre intéressante. À titre dexemple, nous avons vendu la villa qui était un logement de fonction de lancien président à 100 millions de DH à Casablanca. Pour vous dire que cest un vrai trésor de guerre dont dispose le CIH !