* Une crise dont lampleur, les soubassements et la durée ne peuvent être clairement circonscrits. * Les développements ultérieurs de cette crise pourraient amener le gouvernement à redéfinir sa stratégie de soutien de léconomie nationale. En ce que nul narrive à mesurer avec exactitude la profondeur de son impact sur les économies, la crise financière internationale continue à occuper lactualité. Particulièrement au Maroc où un plan de relance ponctuel a été mis en place pour soutenir notamment certains secteurs stratégiques de léconomie nationale en proie à des difficultés. Cest dailleurs pour inviter les experts à réfléchir sur la conjoncture délicate actuelle que le Centre Marocain de Conjoncture a organisé, mardi dernier à Casablanca, un débat sous le thème «Incidences de la crise financière : quelles sorties» ? «Cette crise est globale, incertaine par sa durée et, surtout, profonde», souligne demblée le président du CMC, Habib El Malki, pour qui «la responsabilité des Etats est engagée car, sous prétexte de lautorégulation, ils ont délégué trop de pouvoir aux marchés». Ce quon observe actuellement montre clairement que «lautorégulation nest pas un facteur permettant dorganiser de manière efficace les marchés, vu que la sphère financière évoluait dans une logique de déconnexion totale avec la sphère réelle», souligne-t-il. Aujourdhui, les conséquences de ce laxisme outrancier tambourinent aux portes du Royaume où les pouvoirs publics ont pendant longtemps minimisé limpact que pouvait avoir la crise financière internationale sur léconomie nationale. Ce nest que lorsque certains secteurs ont commencé à agoniser quil y a eu une réelle prise de conscience des faiblesses du tissu économiques et que les effets de cette crise pouvaient être dévastateurs. Serions-nous donc au début du processus ? Cest en tout cas la question que sest posée Ahmed Laaboudi, du CMC, au terme du sondage dopinion quil a présenté, impliquant 146 unités (51 associations professionnelles et 95 entreprises) très représentatives du tissu économique national. Ainsi, 80% des sondés perçoivent la crise, laquelle ils expliquent par les demandes étrangère (44%) et locale (56%). Lenquête a également permis de relever que 95% des sondés pensent que la crise va se propager et que leurs activités seront impactées en 2009 (95%). Bonne nouvelle cependant : les opérateurs interrogés ont été relativement épargnés sur le plan financier. Cest-à-dire quils estiment à presque 90% que lattitude des banquiers à leur égard na pas changé, ce qui fait quils ont des projets dinvestissement (79%) et quils les maintiennent (83%). Quels lendemains ? Les observateurs semblent saccorder sur une chose : personne ne maîtrise le profil de la crise. «Même dans les milieux les plus informés, cest lincompréhension qui règne», martèle Hamad Kessal, vice-président de la CGEM. Néanmoins, reconnaissant que, dans ce contexte , les premières victimes sont, entre autres, les PME, le patronat essaie de travailler avec le gouvernement avec un objectif bien précis : maintenir en vie et les entreprises et les effectifs. Raison pour laquelle, précise Kessal, «il faut mettre en place les outils nécessaires et travailler dune manière coordonnée avec les privés». Ainsi, outre les contacts entrepris avec les autres confédérations patronales pour réfléchir sur les moyens de collaborer, un Comité de veille, qui regroupe lensemble des fédérations, va être mis en place par la CGEM pour surveiller les développements de la crise. Autre registre sur lequel sactive le patronat : la séduction des fonds souverains arabes, comme le font actuellement nombre de pays européens. «Malheureusement, cela est rendu difficile par les défaillances constatées au niveau de la diplomatie économique». Une question sinvite alors toute seule : à quoi sattendre dès lors que la crise, ses soubassements, de même que lampleur de ses répercussions narrivent pas à être circonscrits ? A cette interrogation, le CMC, à travers MHammed Tahraoui, apporte une réponse à travers deux scénarii. Le premier scénario se base sur lhypothèse dune contraction de lactivité internationale limitée, laquelle se traduirait par des pertes de croissance de 0,5; 2,0 et 3 points respectivement pour la consommation des ménages, linvestissement et les exportations. Au final, lincidence sur le PIB serait une perte de 1,7 point de croissance, aboutissant à un taux de 5,2% en 2009 et 4% en 2010, pour des PIB non agricoles respectifs de 3,5 et 3,9% durant cette période. Le second scénario tient compte, quant à lui, dune détérioration de la conjoncture internationale actuelle encore plus poussée. Ce qui entraînerait des pertes de croissance de 1,2; 2,5 et 4,5 points respectivement pour la consommation des ménages, linvestissement et les exportations. Conséquence : une perte de 2,7 points sur la croissance du PIB, soit un taux de 4,8% en 2009 et 3,4% en 2010, et des PIB non agricoles respectifs de 3 et 3,3% pour les périodes définies. Y a-t-il moyen, pour autant, dinverser les tendances qui découlent de ces deux hypothèses ou den limiter les impacts ? «Oui», répond Tahraoui, «si toutefois on actionne le levier investissement et quon promeuve les exportations». Pour El Malki cependant, il faut une solution plus globale. Partant du constat quil ny a pas une politique intégrée des différents plans arrêtés par le Maroc (Azur, Emergence, Vision 2012, etc ), il préconise d«adapter de manière structurelle notre mode dindustrialisation et de définir une vision globale en réfléchissant à un pacte national de croissance, cadre dune mobilisation soutenue des principaux intervenants». Larabi Jaidi, du CMC, soutient, quant à lui, que «si certains pays ont injecté des liquidités représentant jusquà 1,5 à 2% de PIB, les mesures prises par le ministère des Finances ont le mérite dêtre lisibles, avec des moyens plus adaptés à nos réalités». Non sans soulever un certain nombre dinterrogations : le Maroc a-t-il besoin dun plan ou de mesures durgence ? Cette crise latente va-t-elle émerger de manière plus aiguë ? Si oui, que faire et dans quel timing ? Et au-delà des mesures sectorielles, quid de la régulation macroéconomique ? Faut-il actionner les dépenses publiques ? Surtout, où lactionner : sur linvestissement ou la consommation ? Une chose est sûre : la maîtrise des impacts de la crise dépendra de la capacité du gouvernement à répondre efficacement à ces interrogations.