l Le Gouverneur de BAM a fait signer aux banques un code déthique. Parmi les mesures contenues dans le code, le non-financement dun prêt immobilier au-delà de 100%. * Le but de cette mesure est dexclure les financements risqués de limmobilier. * Quel impact aura la fin du financement «déguisé» du noir sur la demande de prêts destinés au logement dans un contexte de crise ? * Le «noir» va-t-il être enfin éliminé des transactions immobilières ? Un financement au-delà de 100% accordé par une banque sert le plus souvent à financer et le montant intégral du bien immeuble et une partie du noir, et ce dune manière souvent implicite. La semaine dernière, les banques ont signé un code déthique élaboré par BAM contenant plusieurs mesures, parmi lesquelles le non-financement de plus de 100% du prêt immobilier. La pratique du «noir» sera-t-elle enfin éradiquée des transactions immobilières, sachant que depuis quelques mois dautres mesures ont été mises en place par les pouvoirs publics ? Tout le monde est unanime pour dire que la pratique du noir fait dissuader un bon nombre de ménages à acquérir une maison. Depuis belle lurette, lexercice des «dessous de table», couramment appelé «noir», est une pratique habituelle du secteur immobilier, dont pâtissent malheureusement certains citoyens. Cette pratique était autorisée parce que les autorités étaient au courant que les promoteurs immobiliers demandaient jusquà 30% du montant déclaré de la transaction au noir. Et donc lacheteur avait toujours du mal à demander réparation auprès des autorités locales qui ferment expressément les yeux. En effet, si une partie de lachat se fait au noir, cela veut dire quune partie des travaux a été réalisée au noir. Avec tous les effets collatéraux qui en découlent. Mais cela nempêche pas de se poser la question suivante : le non-financement au-delà du 100% est-il sans conséquences sur le secteur immobilier, aujourdhui dans lexpectative ? Létau se ressert... En faisant signer aux banques de la place un code déthique, la Banque centrale a pour leitmotiv déviter une bulle de limmobilier. BAM a ainsi exigé des banques quelles mettent en place un code de bonne conduite qui exclut un financement risqué des prêts immobiliers. Le refus des banques de financer plus de 100% du prêt contribuera davantage à retourner le couteau dans la plaie, sachant que le secteur de limmobilier vit, depuis un certain temps, des moments assez difficiles. Pourquoi instaurer une telle mesure si, depuis le déclenchement de la crise, les pouvoirs publics crient sur les toits que le secteur financier marocain est à labri de la tourmente financière ? Daucuns estiment que le contexte est peu propice et quil risque daggraver davantage une situation qualifiée aujourdhui de morose. Et ce, bien que depuis le déclenchement de la crise financière internationale, les autorités marocaines naient cessé de convaincre lopinion publique que le secteur immobilier au Maroc nétait guère touché. Ils excluent le risque quun phénomène de subprimes puisse survenir au Maroc car, daprès eux, les banques nationales financent en fonction de la capacité dendettement de lemprunteur et que la demande est largement supérieure à loffre. Interrogé à cet effet, un cadre bancaire annonce que, depuis avril 2008, son établissement ne finance plus 125% comme cétait le cas auparavant et quil se limite désormais à 100%. Les 125% se répartissaient entre 100% pour le bien, 5% pour les frais de notaire et 20% pour les frais daménagement (noir déguisé). Les 20% sont débloqués par tranches en contrepartie dune attestation délivrée par larchitecte. «Ce code déthique a surtout pour objectif de rappeler à lordre les établissements financiers qui continuent à financer au-delà de 100%», explique notre cadre bancaire. Dans un contexte marqué par la morosité, cette mesure aura certainement un impact sur la demande de crédits, sachant que les clients sont aujourdhui dans une phase dattentisme. Même son de cloche chez un agent immobilier de la ville de Marrakech qui estime que, depuis un certain moment, la morosité sinstalle dans le secteur. Tels des chiens de faïence, les promoteurs immobiliers et les acheteurs se regardent en silence. Les premiers attendent de voir comment vont évoluer les choses tout en campant sur leurs positions, tandis que les autres espèrent une baisse des prix. Et donc si les banques appliquent une telle mesure, cela impacterait certainement la demande de financement en logements. Interrogé à cet égard, M. Koutbi, Directeur délégué de la FNPI, explique que par le biais de cette mesure, le but nest pas de limiter le financement du noir, mais de ne pas accorder des crédits au-delà de 100%. Le non-financement du noir est visé dune manière tacite. Mais pour ce qui est du noir, il faut reconnaître quil ne sagit pas uniquement dune affaire de promoteurs immobiliers. Il sagit dune affaire extra-immobilière dans la mesure où elle touche, par ailleurs, lachat du foncier et dautres activités dont les maîtres ne connaissent même pas le mot facture. «Toutefois, jestime que labolition du noir est tout à fait légitime parce quil sagit dune fraude fiscale; et donc toutes les périodes sont propices pour un retour à la normale. Je ne pense pas que cela impacterait la demande de limmobilier. Aussi, tout ce qui va dans le sens de la transparence et la clarté est-il bien accueilli dans notre profession». conclut-il. Cest dans ce sillage que sinscrivent les différentes actions déployées par les pouvoirs publics. La lutte contre le noir a-t-elle vraiment commencé ? Cependant, lEtat tente tant bien que mal de trouver les mesures nécessaires à même de faire face à ce phénomène qui pénalise les citoyens et qui se traduit par un manque à gagner pour ses caisses. Parmi les mesures mises en place, lEtat a pensé à faire construire plus de logements en élevant la cadence des constructions et à mettre en place des villes nouvelles. Une autre mesure est prévue par la Direction générale des Impôts via la demande de redressement. Ainsi, le promoteur immobilier serait astreint, avant de payer ses dus en matière dimpôts, à appliquer une réévaluation de son bien estimée généralement à 20 ou 30% de plus que la valeur déclarée, si le bien en question est sous-évalué. Larticle 143 du CGI ou encore la signature de la Charte éthique du ministère de lHabitat avec la FNPI (Fédération nationale des promoteurs immobiliers) en sont aussi quelques exemples. Cette charte déthique a pour objectif dasseoir notamment des relations de confiance entre acquéreurs et promoteurs immobiliers marocains. La FNPI souhaite donc bannir certaines pratiques, dont celle du «noir», lequel demeure le premier mal à extirper en vue dassainir le secteur. Selon la charte, «le promoteur immobilier, membre de la FNPI, sinterdit tout comportement consistant, directement ou indirectement, à promettre, offrir, solliciter ou accorder des paiements illicites en vue dacquérir ou de vendre un bien immobilier quelconque». Cette pratique du «noir» nest pas seulement réservée à limmobilier neuf, mais se pratique aussi entre particuliers. Avec le non-financement du «noir», le puzzle pourrait être au complet et lEtat pourrait enfin se débarrasser de cette pratique qui handicape les acquéreurs potentiels.