* La réforme de la fiscalité à travers la loi 47-06 locale na pas pris en considération les spécificités de chaque région. La fiscalité locale demeure décidée sur le plan central. * Son caractère uniforme nencourage pas linvestissement dans les régions les plus éloignées. * La taxe professionnelle, ex-patente, se veut anti-économique dans la mesure où sa base de calcul est la valeur locative. La récente réforme de la fiscalité locale est loin de passer inaperçue. Entrée enfin en vigueur, la loi 47-06 nen finit pas de faire l'objet de débats qui relèvent l'importance de sa portée. Les aspects positifs de cette nouvelle architecture de la fiscalité des collectivités locales vont de l'introduction du système déclaratif à l'adaptation de la fiscalité au contexte de la décentralisation. Il est à noter que cette réforme, qui se propose de rompre avec le passé, vise la simplification des règles d'établissement de l'assiette, des procédures et des règles de recouvrement ainsi que du nombre d'impôts et taxes. L'adoption de cette loi a répondu au souci d'harmonisation entre la fiscalité locale et celle nationale, à travers la suppression des doubles emplois et des superpositions. Cette loi s'articule autour de deux axes portant sur les impôts et taxes gérés relevant des collectivités locales et les impôts gérés par la Direction générale des impôts pour le compte des collectivités locales. Les apports de cette réforme, qui est venue à point nommé pour renforcer l'autonomie financière des collectivités et accompagner la politique marocaine de décentralisation, voire de régionalisation, sont légion. Il s'agit notamment de la suppression de certaines taxes à faible rendement ou qui faisaient double emploi avec celles de l'Etat, la fusion de certaines taxes touchant la même assiette, tout en instaurant une nouvelle répartition des produits des taxes. Ainsi, la nouvelle loi compte 11 taxes instituées ou réaménagées au profit des communes urbaines et rurales. De même, elle a apporté plus de simplification comme le montre, par exemple, le remplacement de la patente par la taxe professionnelle et la taxe urbaine par la taxe d'habitation. Des taux quasiment uniformes Toutefois, et en dépit des améliorations apportées par la loi 47-06, on remarque que la fiscalité locale ne peut jouer son rôle dattraction de linvestissement au profit de la région. Les impôts et taxes sont arrêtés dune manière uniforme et sans tenir compte des spécificités de chaque région. «Il faut reconnaître que la fiscalité des collectivités locales constitue une importante manne financière pour les villes. Elle contribue de manière prépondérante à lamélioration des recettes fiscales et à faire face aux dépenses dinvestissement de la région», explique un expert-comptable. Daprès lui, les régions auront intérêt à utiliser cette variable en vue dattirer le maximum dinvestissements. «On ne peut prévoir un traitement fiscal généraliste à toutes les régions, sachant que chacune dentre elles dispose de ses propres potentialités, de son infrastructure Doù limpérieuse nécessité de mettre en place une fiscalité appropriée à chaque région», sempresse-t-il dajouter. Une fiscalité généraliste ne permet pas dencourager linvestissement dans les régions les plus éloignées. Autre fait important et qui met en exergue labsence du concept région : la faible marge de manuvre du Conseil de la ville. Dans un pays comme la France, et dans le cadre de la décentralisation de la fiscalité, les collectivités territoriales peuvent prendre, à titre dexemple, des décisions dexonération de la taxe professionnelle. Ces décisions sont prises par une délibération expresse du Conseil délibératif et visent à exonérer certaines activités. La collectivité ne peut prendre la décision dexonérer une seule entreprise ; cette décision peut concerner un secteur d'activité. Ainsi, certaines activités artistiques et intellectuelles (théâtre, cinéma, etc.) peuvent être exonérées. Au Maroc, même avec la nouvelle réforme, ce type de système na pu voir le jour, la décision dexonération restant une affaire du législateur. Un observateur estime que la réussite dun tel scénario dépend de la qualité et de lintégrité des conseillers. «Or, avec toutes les mauvaises expériences en matière dintégrité de certaines fortes personnalités, je pense sincèrement que ce nest pas le moment de confier aux Conseils de ville la fixation des taux». «Deux problèmes demeurent posés avec acuité avec la nouvelle réforme de la fiscalité locale», explique ce même observateur. Le premier problème concerne dabord laffectation des recettes. Si on prend lexemple de la TVA, on peut dire que 90% de cette taxe vont aux collectivités locales. Toutefois, le critère de cette répartition, qui est le nombre dhabitants, pose problème. Ainsi, Casablanca qui draine 70 à 80% de la TVA ne perçoit que 30% des recettes afférentes à cette taxe. Le second problème qui demeure posé avec acuité est le recouvrement des taxes locales qui reste gêné par lampleur de la corruption. Taxe professionnelle : taxe anti-investissement Si la fiscalité locale demeure neutre en matière dattraction dinvestissement régional, la taxe professionnelle est, elle aussi, pointée du doigt à cause de son caractère anti-économique. Elle est considérée comme un handicap en matière dinvestissement et demploi. Ces critiques avaient fini par faire de la taxe professionnelle une sorte de symbole même du «mauvais impôt». «Le calcul de cette taxe repose sur la valeur locative qui est, en fait, linvestissement multiplié par un coefficient», explique un fiscaliste. Donc plus on investit, plus on paie dimpôts. Aussi, en cas de cessation totale en cours dannée de lexercice dune profession, la taxe est due pour lannée entière, à moins que la fermeture des établissements, magasins, boutiques ou ateliers ne résulte de décès, de liquidation judiciaire, d'expropriation ou d'expulsion. On comprend alors que toute décision d'en limiter la portée, voire de la supprimer, ait pu paraître comme allant de soi et procédant d'une logique inéluctable. Aussi, beaucoup de reproches sont-ils apparus insistant sur le fait que la taxe professionnelle figure très certainement parmi les impôts les plus compliqués à établir et qu'il s'ensuit un coût non négligeable aussi bien pour l'État que pour les entreprises. La réforme de la fiscalité locale est, certes, un saut important en la matière dans un contexte où lon prône la décentralisation. Mais cela nempêche davouer que la taxe professionnelle et dautres impôts locaux restent lourds à gérer.