* Les actionnaires minoritaires disposent, en théorie, dune panoplie de droits lors des assemblées générales des sociétés cotées. * Sur le terrain, la réalité est tout autre. Les actionnaires individuels brillent toujours par leur absence lors des assemblées. * Pourtant, en unissant leurs actions, ils peuvent aller jusquà bloquer certaines décisions Voici létendue de leur pouvoir. Les assemblées générales sont de retour. Les sociétés cotées ayant clôturé leurs comptes semestriels doivent réunir leurs actionnaires avant la fin de lannée. Une occasion unique pour les actionnaires minoritaires de partir à la rencontre des équipes dirigeantes des sociétés dont ils sont, en partie, propriétaires. Une action est en effet un titre de propriété, ce qui signifie quelle représente un droit à une fraction du capital et, partant de tous les droits qui vont avec. En loccurrence, le droit au vote. Tout détenteur dun titre peut en effet participer aux assemblées générales ordinaires ou extraordinaires et participer ainsi au vote des résolutions proposées par léquipe dirigeante de la société. Car lassemblée générale est aussi un lieu dexpression et dinformation sur la stratégie de la société. Cest loccasion pour tous les actionnaires de faire valoir ce droit. Droit qui, malheureusement, nest jamais exercé chez nous au Maroc. Les actionnaires individuels ne sont tout simplement jamais présents aux assemblées. Ignorance des droits ou mépris de lutilité de la chose ? Les deux à la fois, nous dit un commissaire aux comptes. «Les particuliers interviennent souvent sur le marché boursier en tant que spéculateurs. Rares sont ceux qui investissent pour un horizon long. Du coup, avoir un regard sur la gestion de la société leur importe peu», explique-t-il. Même ceux qui, un jour, pourraient avoir lidée de participer aux assemblées, savent très bien que leur présence ne servira pratiquement à rien. Puisque «toutes les décisions sont prises au niveau des conseils dadministration. Les assemblées ne sont quune formalité que les sociétés sont tenues, de par le droit, de respecter», martèle cet investisseur particulier qui gère un portefeuille de plus de 5 millions de dirhams. Holcim Maroc vient, par exemple, de publier lavis de convocation de ses actionnaires à une assemblée générale ordinaire (AGO) qui se tiendra le 10 octobre prochain. À lordre du jour, trois résolutions, pour le moins importantes. Outre la traditionnelle lecture et approbation des rapports du Directoire et du Conseil de surveillance, les actionnaires du cimentier devront autoriser (ou non) la société à émettre un ou plusieurs emprunts obligataires pour un montant maximum de 1,5 milliard de dirhams. «La décision a déjà été prise au niveau des organes de gestion, qui ne sont là que pour représenter les intérêts des actionnaires de référence. Du coup, mon vote ou mon avis ne sera daucune utilité», explique notre boursicoteur. Lunion fait la force Ceci dit, si le poids de l'actionnaire individuel peut paraître bien faible, il ne doit pas pour autant être minimisé. Chaque actionnaire, quel que soit le montant de son investissement dans le capital d'une entreprise, est en droit de s'opposer à une résolution. Qu'il détienne 10 titres ou 1 million de titres, il bénéficie du même droit d'expression. L'écoute du Conseil sera peut-être moins attentive dans le premier cas de figure que dans le second, mais le staff dirigeant de la société ne sera pas sourd aux revendications d'un actionnaire minoritaire quel qu'il soit. «Conscient du possible effet boule-de-neige, inhérent à chaque contestation de la part dun actionnaire minoritaire, notre Conseil d'administration est généralement attentif à ne pas s'attirer les foudres d'autres minoritaires tentés de rallier le contestataire», nous raconte ce directeur financier dune société cotée de la place. Les minoritaires ont, en effet, la capacité de se fédérer en associations ou groupes pour peser sur la stratégie de l'entreprise. Les actionnaires individuels ont le pouvoir de dire non, et ils sont de plus en plus nombreux à en être conscients. Même sils ne le font pas ! Avec un tiers des voix plus une, les actionnaires minoritaires peuvent, en effet, posséder une minorité de blocage et peuvent s'opposer à toute décision prise en assemblée générale. Cest dire quils peuvent semparer du contrôle de la société puisque toute décision, quelle quelle soit, nécessitera leur aval. Mais cela relève plus du domaine théorique que dautre chose. Un actionnaire majoritaire ne laissera jamais son capital se diluer au point que des actionnaires minoritaires semparent de la minorité de blocage. Dailleurs, le flottant des sociétés cotées à la Bourse de Casablanca dépasse rarement les 20% du capital, qui sont de surcroît partagés entre des milliers dinvestisseurs (zinzins et individuels). Si semparer de la minorité de blocage est aujourdhui impossible, les minoritaires disposent dautres possibilités daction avec moins dexigences en parts de capital. En effet, avec 10% du capital social, un groupe dactionnaires minoritaires peut demander en Justice la désignation dun ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion douteuses. Il peut même aller jusquà révoquer un ou plusieurs administrateurs si les soupçons savèrent fondés. Encore faut-il réunir les 10% du capital! «Lémiettement de lactionnariat des sociétés cotées nencourage pas ce genre dinitiative. Sinon comment faire converger lavis et laction de millions dactionnaires individuels, éparpillés sur le territoire national et dont on ne connaît même pas lidentité», martèle notre petit porteur. Finalement, pour être réaliste, la seule chose sur laquelle les minoritaires peuvent agir aujourdhui est lordre du jour des assemblées. Avec au moins 5% du capital, un groupe dactionnaires a la faculté de requérir linscription dun ou plusieurs projets de résolutions à lordre du jour. Une manière de se faire entendre, sans plus !