* Il aurait fallu cinq mois pour adopter une Loi de Finances rectificative. La réactualisation a permis de gagner du temps. * La répartition équitable des richesses nest pas uniquement la responsabilité du gouvernement, mais de tous les acteurs. * La réduction des fragilités est un travail de longue haleine qui nécessite beaucoup defforts, beaucoup de ressources et beaucoup de travail. Finances News Hebdo : Pourquoi lactualisation de la Loi de Finances 2008 na-t-elle pas donné lieu à une Loi de Finances rectificative comme cela a été demandé par certains partis de lopposition ? Salaheddine Mezouar : Ladoption dune Loi de Finances rectificative a initié un débat au sein du gouvernement et au sein du ministère. A la fin du premier trimestre, on a préparé les deux alternatives. Si les recettes publiques navaient pas évolué, on aurait été obligé dopérer une restructuration de la Loi de Finances. Les mesures prises ont permis de maîtriser davantage les dépenses. Il y a eu effectivement une augmentation des recettes. Dans lexécution de la Loi de Finances durant les cinq premiers mois de lannée, un seul poste a été affecté. La compensation reste le seul poste qui ait été touché. On ne peut faire une Loi de Finances rectificative pour un seul poste budgétaire. Le deuxième élément qui nous a incités à ne pas opter pour une Loi de Finances rectificative, cest que le texte devait nécessiter trois mois de travail au Parlement. Entre le moment de préparation qui nécessite deux mois et celui du débat dans les deux Chambres, il faut cinq mois. Le projet naurait été adopté quen septembre et 80% du budget de compensation auraient été consommés. On a préféré, pour gagner du temps, aller vers les allocations supplémentaires pour ce poste budgétaire. Il sagit dassurer un approvisionnement normal du marché, surtout en produits pétroliers. Cétait plus important pour le pays de gagner du temps et de réaliser un travail considérable. F. N. H. : Vous voulez réduire à terme la part de la compensation dans le PIB et le Budget; ny a-t-il pas un risque dimpact sur la consommation pour les couches défavorisées ? S. M. : Notre objectif est de limiter le niveau de la compensation à 3%, alors quactuellement il se situe entre 5 et 6%. Le Maroc est lun des rares pays à navoir pas augmenté systématiquement les prix des produits pétroliers. Nous voulons adopter une politique et une réorientation des fonds dune partie du budget de compensation vers linvestissement dans les régions défavorisées. Il est anormal que tout le monde profite de la compensation. La réduction progressive de son budget au profit du ciblage permettra de maîtriser les dépenses de lEtat et de combler les déficits au niveau régional et social. F. N. H. : Le Maroc a réalisé des taux moyens de croissance de 5% durant ces dernières années. Il projette de passer à plus de 6% dans les années à venir. Mais on remarque quil y a peu dimpact sur la réduction des inégalités sociales et une répartition inéquitable des richesses ? S. M. : Le grand dilemme quon est en train de vivre cest effectivement cette perception que le pays avance et progresse mais, quau niveau de la population, il persiste encore ce sentiment de fragilité. Je pose la question autrement : si le pays na pas avancé comme il le fait actuellement, quel aurait été le niveau de fragilité de la population ? Ce que nous avons réalisé en cinq ou six ans nous a aidés à atténuer la pauvreté et à réduire des déficits sociaux. Si nous navions pas fait leffort dinvestir, daméliorer lattractivité du pays, de stabiliser le cadre macroéconomique et dêtre capable de créer 200.000 postes demploi, le niveau de fragilité aurait été plus grand. La croissance na de sens que si elle sert la population. Ça, cest la grande équation sur laquelle nus sommesen train de travailler aujourdhui. Ce nest pas la responsabilité uniquement du gouvernement, mais de tous les acteurs. Il est question dopter pour une meilleure réallocation des ressources afin de cibler la population fragile. Il y a un effort considérable à fournir, surtout dans le monde rural et les régions marginalisées. Les fragilités nont jamais été réduites dans le court ou le moyen terme. Aucun pays na pu le faire. Cest un travail de longue haleine. Tout le monde sait que nous navons pas une baguette magique. Il ny a que les bonnes politiques et les meilleurs projets qui peuvent bousculer la donne. Pour aboutir à nos objectifs dans le domaine social, dans le développement, il faut beaucoup defforts, beaucoup de ressources et beaucoup de travail.