* La Sodep et la Somaport seront capables d'offrir réellement des services tout à fait comparables. * C'est la loi qui a fixé les critères de partage entre l'ANP et la Sodep. * Les 400 MDH destinés à l'opération des départs volontaires vont impacter les résultats de l'Odep en 2006. Finances News Hebdo : Le projet de réforme portuaire va démarrer le 5 décembre prochain. A quel niveau se trouvent les chantiers? Mohammed Abdeljalil : Lorsqu'on évoque le projet de réforme portuaire qui va démarrer le 5 décembre 2006, on fait référence à la loi 15-02 qui a été publiée le 5 décembre 2005. Cette loi a donné un délai maximum à respecter qui est de 12 mois. On parle aujourd'hui plus du 4 décembre que du 5 décembre. Les chantiers de mise en uvre sont classés en deux catégories, dont ceux d'ordre interne à l'Odep et consistant en la séparation de l'Office en deux entités : l'Agence nationale des ports (ANP) et la Société d'exploitation des ports (Sodep). L'ANP se retrouvera avec les attributions d'autorité portuaire de l'ODEP qui récupérera un certain nombre de prérogatives du département de tutelle à la Direction des Ports. Alors que la Sodep hérite des activités commerciales de l'ODEP (aconage, manutention, levage, stockage...). Ce chantier-là est achevé dans la mesure où la Sodep a été créée il y a quelques semaines. Les répartitions des effectifs sont faites. Les répartitions des biens sont achevées et attendent d'être signées par la commission qui est prévue à cet effet par la loi. De même, la liste des obligations et des droits dans lesquels les deux entités doivent se subroger à l'Odep est préparée et doit obtenir l'aval de cette commission. Il y a d'autres chantiers qui sont relatifs à la poursuite des activités des opérateurs de manutention privés. Cela concerne principalement les ports de Casablanca et de Nador. Ces opérateurs privés qui, jusque-là, exerçaient exclusivement à bord des navires sont appelés à se constituer en une structure unique et à se regrouper. Cette entité va opérer dans certains quais en concurrence avec la future Sodep. A ce niveau, c'est le chantier du port de Casablanca qui est le plus avancé car il est stratégique et c'est le principal port du Royaume. La Comanav a fédéré trois des cinq opérateurs privés de Casablanca et s'est engagée à se constituer en société dénommée Somaport. Cette société devrait opérer sur les quais qui lui seront concédés à Casablanca. Ce chantier est le plus difficile ; c'est pour ça qu'il a mis du temps à se mettre en place. Le grand principe sur la prise en charge par le privé des opérations de manutention est acquis. Il reste à les mettre en uvre. Mais cette mise en uvre, pour des raisons techniques, a besoin de temps. La nouvelle société a besoin d'acquérir des équipements et des systèmes d'information, d'adapter aussi les infrastructures qui lui sont concédées. Le ministère de l'Equipement et l'ANP sont en train de voir comment aménager une phase transitoire au port de Casablanca pour que cette société puisse se préparer à prendre en charge, au bout d'un certain nombre de mois qui restent à définir, la totalité de ses activités. Administrativement parlant, on est au rendez-vous. Opérationnellement, on est au rendez-vous au niveau Sodep et ANP mais pour les opérateurs privés il faut un délai de 18 à 24 mois. F. N. H. : Est-ce que l'absence d'accord avec les opérateurs privés va retarder la mise en uvre de la réforme ? M. A. : Sur les cinq opérateurs privés, trois ont accepté les propositions du ministère de l'Equipement et vont se constituer en société pour être des concessionnaires de certains terminaux du port de Casablanca. L'accord n'est pas total mais partiel. Toutefois, il est assez suffisant. M. Ibrahimi, de la Comanav, a déclaré que la porte reste ouverte pour que les autres rejoignent le tour de table de la nouvelle structure. Le blocage avec les opérateurs privés est dépassé et n'est plus à l'ordre du jour. F. N. H. : Le but du projet est d'encourager la concurrence entre les ports et à l'intérieur du port de Casablanca. Mais certains observateurs trouvent que la Sodep gardera un large monopole de fait. Qu'en est-il exactement ? M. A. : Le découpage du port de Casablanca, selon le scénario proposé par le ministère de l'Equipement, a été accepté par les trois opérateurs privés. On se retrouve avec des opérateurs sur le trafic stratégique qui est celui des conteneurs, permettant une réelle possibilité de concurrence. On se retrouve avec un terminal à conteneurs dont va disposer le privé avec un linéaire de quai de 700 m et un tirant d'eau de 9,50 m à 10,50 m et, en face, un opérateur Sodep avec 600 m de quai à moins de 12,50 m de tirant d'eau avec possibilité d'amélioration des conditions nautiques. Effectivement, il y a une question de profondeur. Mais les navires aujourd'hui qui touchent le port de Casablanca et qui calent entre 10,50 m et 12,50 m doivent transporter quelque 5% de tout le trafic conteneurs du port. Sur 95% du trafic, avec la nouvelle disposition qui a été prise, la Sodep et Somaport seront capables d'offrir réellement des services tout à fait comparables aux armateurs des conteneurs à Casablanca. Bien sûr, il y a des contraintes de surfaces. Dès lors que le terminal qu'ils ont choisi et qui était destiné aux marchandises diverses devient un terminal pour les conteneurs, l'autre étant un peu plus petit, ils se retrouvent dans le marché des marchandises diverses et le vrac. Ils n'auront pas la possibilité de traiter l'ensemble du trafic. Il est possible que dans la phase de transition il n'y aura qu'un seul opérateur. C'est une phase nécessaire pour que l'opérateur privé se prépare. Mais dans deux ans nous aurons deux opérateurs dans le port de Casablanca qui opèrent en parfaite concurrence. Si l'un est meilleur que l'autre, il pourra capter 60 ou 70% du trafic. Si les infrastructures octroyées à l'opérateur privé ont des superficies moindres par rapport à celles accordées à la Sodep, cela n'empêche qu'il pourra créer des plates-formes sèches en arrière et envoyer les marchandises. F. N. H. : Quels sont les principaux facteurs de cette réforme qui permettront d'améliorer la compétitivité des ports marocains ? M. A. : Le but de la loi sur la réforme portuaire est d'améliorer la compétitivité. La concurrence est un facteur essentiel pour l'améliorer. Trois points fondamentaux ont montré que le niveau de compétitivité n'était pas à la hauteur souhaitée. Premièrement, il y a la dualité de manutention que la loi vient de supprimer. Elle a engendré un flou entre les attributions et les responsabilités des acteurs. Le deuxième levier prévu par la loi est de clarifier les rôles des trois types d'intervenants : ministère, ANP et Sodep ; le troisième levier concerne l'introduction de la concurrence pour créer l'émulation. F. N. H. : Qu'en est-il des coûts de passage portuaire qui restent parmi les plus chers de la région ? M. A. : Des études ont été menées et révèlent que la réforme permettra une amélioration pour certains trafics spécifiques, notamment du trafic conteneurs. Car, quand on parle de la cherté du trafic à Casablanca, on parle du conteneur. C'est un trafic stratégique qui croît pratiquement de deux chiffres annuellement. L'uniformisation de la manutention et de la concurrence va faire baisser à terme d'environ 30% le coût de passage portuaire. F. N. H. : Sur quels critères s'est faite la répartition entre l'ANP et la Sodep au niveau des biens et au niveau du personnel ? M. A. : Au niveau des biens, c'est très simple: c'est la loi qui a défini les critères de répartition. Les biens meubles ou immeubles dont aurait besoin chaque entité reviennent à l'entité concernée. Pour ce qui est de la répartition du personnel qui est plus sensible, la loi précise aussi les critères d'affectation. Sur les 3.600 personnes que nous avions au départ, il y avait 3.000 qui étaient affectées naturellement par la loi. Il restait environ 600 qui exerçaient des fonctions transversales. Pour cela, on a préparé les futurs organigrammes des deux entités et on a dimensionné l'effectif dont chacune doit disposer, et on essaye de répartir équitablement selon les profils et les compétences entre l'ANP et la Sodep. Pour l'instant, le personnel des deux entités gardera le même statut, celui hérité de l'Odep dans le cadre de la préservation des acquis du personnel prévue par la loi. Par la suite, chacune des deux structures aura le loisir d'ouvrir des discussions avec les représentants de son personnel pour améliorer les statuts dans un cadre concerté. L'ANP sera forte d'un effectif de 756 alors que la Sodep comptera 2.128 employés. F. N. H. : Quel a été l'impact des mouvements de grève des dockers sur l'activité des ports ? M. A. : Toute grève dans un port a le même impact, à savoir le retard de livraison et de débarquement des marchandises en premier lieu. Les exportateurs ou les importateurs n'ont pas pu honorer leurs engagements vis-à-vis de leurs clients, .... Pour les dockers, il n'y a pas eu d'arrêt de travail, mais plutôt une grève de zèle avec ralentissement de l'activité. F. N. H. : La Sodep, qui sera une SA, est une société animée par des objectifs de résultats commerciaux et comptables. Quelles sont vos prévisions pour 2006, et qu'en est-il de la première année des réformes en 2007 ? M. A. : Les résultats de l'Odep en 2006, qui est un exercice de 11 mois au lieu de 12, seront impactés par l'opération de départs volontaires qui a nécessité une enveloppe de 400 MDH. Mais le chiffre d'affaires sera dans la même ligne de croissance que celle de l'année précédente. Pour les années post-réformes, les prévisions dépendent surtout de la manière avec laquelle va être traitée la phase transitoire. Mais nos prévisions à moyen terme qui tiennent compte d'un grand nombre de facteurs comme l'existence à partir de 2007 d'un nouvel acteur portuaire majeur, celui de Tanger Med, un certain nombre de charges (maintenance des infrastructures) qui était supporté par le ministère de l'Equipement seront à la charge de l'ANP ; il y a aussi la possibilité de la baisse des tarifs,...Tout cela fait que les équilibres de l'ANP et de la Sodep ne vont pas ressembler à ceux de l'Odep. Après des années creuses, les deux organismes vont revenir à leur productivité et rentabilité normales. p