Aïcha Zaïmi Sakhri balaie définitivement et dun revers de la main les prétendues idées qui veulent que les féministes soient aigries, frustrées et peu féminines. La Directrice du premier magazine féminin «Femmes du Maroc» est une femme jeune, belle et sereine. Son calme est devenu légende, même dans les situations les plus difficiles. Aïcha Sakhri reste très zen et réagit calmement. Une qualité que beaucoup lui reconnaissent. Mais ce quils ne savent pas cest quelle stresse beaucoup intérieurement et sans le montrer. «Je respire un bon coup et javance». Celle qui mène avec son équipe cette belle expérience quest «Femmes du Maroc» depuis 95-96 et depuis 2000 «Nissae mina Al Maghrib», le magazine en langue arabe, a toujours été une meneuse. «Nous sommes quatre surs dont je suis laînée. Jai eu une enfance choyée, un parcours calme et classique». Bonne élève, oui, Aïcha Zaïmi Sakhri nen était pas pour autant une enfant sage. Des études, un parcours assez tranquille, classique. «Sage, non. Jétais beaucoup plus un garçon manqué. Bonne élève oui, mais pas sage». «Jaimais entraîner les autres faire des bêtises. Jétais un peu garçon manqué ». Petite, les prémices dune féministe naissante pointaient déjà. «Quand on me disait que jétais un garçon manqué, je ne comprenais pas cette catégorification genre, alors que jétais juste jeune et dynamique, que jaimais courir, grimper dans les arbres comme tout enfant. Jouer à la poupée mennuyait. Cétait mon caractère, ma nature, et lon me classait selon une typologie que je ne comprenais pas». Elle sest intéressée à la question en cherchant des réponses dans son hobby favori, la lecture. Très jeune et tout autant curieuse, elle ne se prive pas pour autant de lire des livres sur le féminisme et la condition féminine. «Entre autres écrivains que je lisais, Nawal Saâdaoui, dont jai lu le premier livre alors que je navais que treize ans. Jai lu Elisabeth Badinter, «Du côté des petites filles». Jai également lu Simone de Beauvoir. Ce sont des lectures qui mont interpellée quand jétais petite». Pourtant, Aïcha Zaïmi Sakhri est issue dune famille où elle na jamais fait lobjet dune quelconque discrimination. «Bien au contraire, jai eu un père extrêmement ouvert. On ne nous a jamais interdit de faire une chose sous prétexte quelle était réservée aux garçons. Bien au contraire, mes parents mont toujours encouragée à faire mes études, à travailler, à être autonome». Même le mariage nétait pas pour eux la priorité des priorités pour leur fille. Mais bien quelle ne fut pas victime dune discrimination basée sur le genre, ses lectures lui ouvrirent les yeux sur la condition difficile des femmes. Des lectures qui ont façonné en quelque sorte sa personne, la rendant très sensible à linjustice que subissait la gent féminine-. Et le journalisme lui donne un large champ daction pour militer contre cette injustice. «Femmes du Maroc et le journalisme, jy suis venue par le plus grand des hasards. Ce nétait pas du tout quelque chose à laquelle je pensais. Avec un Bac en sciences économiques, jai intégré lISCAE où jai suivi une formation en communication et en management». Après des débuts dans la presse audiovisuelle, «Femmes du Maroc» est venu illustrer son engagement et celui de ses amis pour essayer de redresser la barre. «Je voyais cette injustice dont la femme faisait objet et je me demandais incessamment pourquoi les femmes la subissaient. Pourquoi les femmes sont-elles traitées différemment juste parce quelles sont femmes ? Dinterrogation en interrogation, jétais à tout jamais décidée à opter pour légalité». Chacun lutte à sa façon. Pour Aïcha, le combat est que tout le monde ait la même chance au départ et par la suite que le meilleur gagne. Cest une question de travail et de mérite personnel à son sens. «Même aujourdhui, cela reste mon credo et à «Femmes du Maroc», quand on parle dégalité, on prône légalité des chances au départ, être sur la même ligne. On ne veut pas non plus faire de discrimination à contresens. Il faut avoir les mêmes chances pour linstruction, la même éducation et être outillé à part égale, quon soit garçon ou fille». Féministe oui, mais contrairement à ce que lon penserait delle, vu quelle est à la tête de «Femmes du Maroc», Aïcha Zaïmi Sakhri nest pas aigrie; elle a même dexcellents rapports avec lautre genre. «Je nai aucun problème avec lautre sexe. Mon rôle à travers «Femmes du Maroc» consiste à corriger une inégalité. Je ne dis pas que les femmes doivent être mieux que les hommes, mais simplement réduire les écarts entre les deux. Ça nenlève rien aux hommes. Cest ce côté militant que je revendique en matière de droits et dobligations». Et elle insiste sur les obligations. Elle ne supporte pas lidée quune femme se dise quil faut quelle soit entretenue par lhomme. «Cest une situation que je ne peux supporter. Légalité, cest être autonome et se prendre en charge jusquau bout». Dans ce travail de tous les jours, Aïcha croit en lesprit déquipe. «Avec les collègues, nous avons le sens du travail déquipe. «Femmes du Maroc» est dabord une équipe et cest pourquoi cest un magazine qui a marché et continue sur sa lancée ; nous avons un système horizontal. Je suis là pour animer léquipe et trancher parfois quand il le faut. Mais le magazine est le fruit de tous les efforts, chacun concocte, propose, tout le monde apporte du sien, voilà pourquoi le magazine avance». Très abordable et très simple, Aïcha Sakhri a également des plaisirs simples dans la vie. Ce qui lui fait le plus plaisir est de voir les gens heureux. Le bonheur des autres lépanouit, le sentiment du travail bien fait et bien accompli lui procure du plaisir aussi. «Et manger du chocolat», nous confie-t-elle. Aïcha est également une maman de deux enfants de 15 et 10 ans. «Je ne suis ni maman-gendarme ni maman-poule, je fais confiance et jessaye dautonomiser au maximum mes enfants, leur apprendre à compter sur eux-mêmes». Elle aime tellement la musique que si elle devait faire un autre métier : «jaurais aimé devenir DJ. Jadore la composition, la musique électronique, je trouve que cest une révolution musicale. Jadore la techno !». Cest une personne très humaine et qui a le sens de lécoute, deux qualités qui peuvent facilement se retourner contre elle, parce quelle peut se laisser absorber par les autres. Lamitié est aussi primordiale dans sa vie. «Cest lune de mes valeurs fétiches. Pour moi, lamitié est un sentiment plus important que lamour. On partage plein de choses avec nos amies». Mais elle ne peut supporter la mauvaise foi, encore moins lhypocrisie. Des souvenirs les plus marquants dans sa vie, elle retient la date du 10 octobre 2003, le jour où SM le Roi avait décidé daccorder la réforme du Code de la Famille. Cest un combat dans lequel le magazine «Femme du Maroc» sest inscrit depuis son démarrage. «Je me souviens aussi de la Marche des femmes pour légalité à Rabat en 2000». Comment voit-elle la situation de la femme marocaine aujourdhui? «Je pense que cest un bon début, on a un Code un peu plus égalitaire, mais la lutte continue. Tant quil y aura des inégalités, le 8 mars aura toujours sa raison dêtre». Sa devise est justement que demain sera toujours meilleur. Il ny a pas mieux pour avancer dans la vie. Alors le 8 mars, Aïcha le célèbre avec son équipe tous les mois en éditant «Femmes du Maroc». «Nous ne sommes pas conditionnés par un jour particulier. À «Femmes du Maroc» tous les jours sont un 8 mars».