* La concentration des grandes spécialités médicales, notamment la cardiologie et l'oncologie au niveau de Rabat, met les patients étrangers à la ville à rude épreuve en l'absence de structures d'accueil. * Quelques témoignages illustrent la difficulté rencontrée en attendant une hospitalisation. Il ne fait pas bon être malade en dehors de Rabat ! La ville concentre des centres hospitaliers des plus pointus au Maroc, notamment les affections longues durées comme les cancers, les maladies cardiaques, hépatites et autres. De ce fait, la majorité, sinon la totalité des patients atteints de ces maladies sont automatiquement dirigés vers la ville de Rabat, surtout pour les hospitalisations ou interventions chirurgicales. Mais en dehors de la maladie, un problème de taille se pose pour les étrangers à la ville : l'hébergement en attendant qu'un lit soit libre. Par la force des choses, le CHU Ibn Sina, qui est le plus grand établissement sanitaire du Royaume, est assailli chaque jour par des patients venus de tout bord. La demande dépasse de loin la capacité d'accueil de ce centre et des autres centres également, d'où de longues listes d'attente selon les interventions. Sur place, sous un soleil de plomb, une famille explique ses déboires : «Nous sommes venus de Fès, mon mari était hospitalisé depuis plus d'un mois au CHU Ibn Sina pour une tumeur cancéreuse. Le corps médical l'a bien traité, mais maintenant il a été transféré à l'hôpital Moulay Abdallah. Mais même avec un rendez-vous, voilà deux jours que nous sommes dans la rue, à attendre qu'un lit soit disponible. En attendant, nous habitons la rue car on ne peut pas se déplacer chaque jour de Fès à Rabat pour voir si un lit est libre, surtout que l'état de mon mari est critique», explique cette épouse endolorie par la maladie de son mari et peinée de devoir vivre en SDF. La fille du patient déplore sa condition matérielle : «Si nous avions assez d'argent, nous aurions pu faire entrer mon père dans un centre de soins privé au lieu de le voir agoniser devant l'indifférence générale. Et même en se soignant dans un établissement public, les charges sont trop lourdes entre transport, médicaments et nourriture. Nous n'avons aucun proche parent à Rabat, encore moins les moyens de descendre dans un hôtel», explique-t-elle. Elle poursuit : «Nous mangeons n'importe quoi, nous faisons nos besoins dans les cafés voisins, nous nous exposons à l'insécurité la nuit et nous avons sur les bras un malade dont la vie est en danger, c'en est trop !». Une autre famille semble plus privilégiée. «Nous sommes arrivés à Rabat avant l'Aïd, mais comme à Ibn Sina il n'y avait pas un lit de disponible, nous avons rebroussé chemin pour cause d'Aïd El Mawlid et nous revoilà. Nous sommes revenus lundi soir et avons passé la nuit dans la voiture. Personnellement, cela ne me pose pas de problème, mais pour ma mère, qui est très malade, il était très difficile pour elle de faire le déplacement à chaque fois de Khouribga à Rabat, et Dieu sait si aujourd'hui elle sera hospitalisée ou non !», explique Khalid, jeune salarié qui a pris un congé ouvert pour assister sa mère dirigée par son médecin traitant vers le CHU Ibn Sina pour y subir une intervention cardiovasculaire de type B. Hajja Malika, elle, vient de loin. «Je suis arrivée d'Oujda pour être admise dans le bloc des Hépatites ; un type m'a arrêtée en me demandant chez quel médecin je me rendais. Comme je ne retenais que le prénom Aziz, on ne m'a pas admise sous prétexte qu'il y a tellement d'Aziz qu'ils ne peuvent pas m'admettre sans le nom exact du médecin. Ce n'est qu'après plusieurs interventions que j'ai pu finalement le rencontrer pour apprendre, finalement, que le bloc est en train d'être restauré. Le médecin m'a priée de revenir une fois les travaux terminés, comme si mon hépatite pouvait attendre». Aujourd'hui, elle a trouvé un lit, mais ses proches qui l'accompagnaient doivent se débrouiller. Comme il n'existe pas de structure d'accueil des malades et de leurs familles, certains deviennent SDF, le temps d'une hospitalisation. Une source au sein d'Ibn Sina se défend : «Quand un praticien dirige un malade vers les CHU, le patient n'aura pas automatiquement un lit. Il faut d'abord prendre un rendez-vous, être consulté par un médecin des différents services d'hospitalisation qui va confirmer le diagnostic et, s'il y a urgence, opérer ou hospitaliser. Cela peut prendre un à plusieurs jours, selon les analyses à effectuer, la gravité du cas et la disponibilité d'un lit», explique-t-on. Sans oublier une capacité litière fonctionnelle en deça des admissions. En terme de ressources humaines, pour l'année 2005, l'effectif total du personnel en fonction au Centre Hospitalier Ibn Sina est passé de 6.621 agents en 2004 à 5.911 agents à fin 2005, soit 710 agents en moins dont une moitié est partie en DVD (Départ volontaire). Mais cette source explique que le CHU Ibn Sina a lancé plusieurs chantiers dans le cadre de son plan 2005-2009. Seul bémol, aucun projet d'une maison ou d'une structure d'hébergement des familles des malades n'y figure. Du coup, plusieurs familles devront se contenter du système «D» !