Loin des deux chiffres constatés auparavant, l'évolution des sociétés de financement, au cours des quatre dernières années, n'a pas dépassé 5%. En 2016, les métiers de financement offrent un visage contrasté. Le délégué général de l'APSF, Mostafa Melsa, revient sur les faits marquants d'une conjoncture peu porteuse. Finances News Hebdo : Par rapport aux pronostics, comment s'est soldé l'encours des sociétés de financement à fin septembre de l'exercice écoulé ? En tant que délégué général de l'APSF, quelle appréciation en faites-vous ? Mostafa Melsa : En termes d'activité, les métiers de financement offrent, au cours des neuf premiers mois de 2016, un visage contrasté. Le crédit à la consommation a fait preuve d'un réel dynamisme, avec une progression de plus de 13% de sa production par rapport à la même période de 2015. Le crédit-bail a réalisé une croissance très modérée des mises en force, avec une hausse de 2%. Le factoring a vu son activité progresser de plus de 7%, si l'on ne tient pas compte d'opérations non récurrentes réalisées en 2015. Il faut placer ces réalisations dans leur contexte économique, sachant que la conjoncture en 2016 n'a pas été très porteuse, avec concomitamment une vigilance accrue de nos sociétés face au risque. F.N.H. : Sur la foi des données émanant de l'APSF, l'encours des crédits distribués à fin décembre 2015 par les 47 entités s'est élevé à 153,3 Mds de DH, en progression limitée de 2,5%. Quelle évaluation faites-vous de cette évolution pour un secteur appelé à jouer le rôle de locomotive en matière de financement de l'économie ? M. M. : Globalement, en 2015, les métiers de financement ont maintenu leur rythme de progression de l'activité à la même cadence que les crédits bancaires. Il est vrai que la progression constatée peut paraître comme vous le soulignez «limitée». Elle s'est inscrite dans le sillage des 3 ou 4 dernières années où les évolutions n'ont pas dépassé, dans l'ensemble, les 5%. Comme vous le voyez, nous sommes loin, très loin des progressions à deux chiffres constatées auparavant. Quoi qu'il en soit, l'évolution du marché étant ce qu'elle est, les métiers de financement continuent à répondre aux besoins de financement des ménages, des entreprises et des professionnels. A considérer certains indicateurs macroéconomiques, la part des sociétés de financement se maintient en effet, bon an mal an, voire s'améliore. Tel est le cas, par exemple, des concours en crédit à la consommation dans le PIB ou encore de celui du crédit-bail dans la FBCF. F.N.H. : Les sociétés de crédit conso subissent de plein fouet la rude concurrence du circuit bancaire. Avec l'avènement des banques participatives, quel sera le sort des sociétés de crédit conso, surtout celles n'appartenant pas aux groupes ? M. M. : Il est vrai que sur le marché du crédit à la consommation, la concurrence des banques est très vive et de plus en plus prononcée. Jusqu'au milieu des années 2000, les sociétés spécialisées détenaient les 2/3 du marché, et à partir de cette date les banques ont montré un très vif intérêt pour ce marché, intérêt qui ne s'est jamais démenti, au point qu'elles détiennent aujourd'hui 55% de parts de marché. Les banques sont devenues beaucoup plus offensives et ont massivement investi des segments qui étaient des domaines réservés des sociétés spécialisées. Cela est particulièrement vrai pour les prêts personnels. Cela l'est moins pour le crédit automobile qui représente la moitié des encours des sociétés de crédit et là, nous sommes au cœur même du crédit à la consommation. S'agissant maintenant de l'avènement de la finance participative dans le paysage financier marocain, elle peut représenter une opportunité pour tous les opérateurs, y compris les sociétés de financement non adossées à un groupe bancaire ou autre. Il faut considérer ce type d'activité comme un moyen d'élargir le marché et d'étendre le champ d'intervention de ces sociétés à une nouvelle clientèle. Et chaque type de société, quelle que soit sa filiation ou non à un groupe, pourra prétendre à sa part en fonction de sa taille et de ses moyens, comme elle le fait d'ailleurs aujourd'hui dans le cadre du type de financement dit classique. F.N.H. : Récemment, la société Axa Crédit, pour ne pas la citer, a décidé le retrait de la Bourse de Casablanca. Dans un communiqué, elle alerte les investisseurs sur ses résultats de cette année. Pouvons-nous considérer que le déficit affiché par Axa Crédit est une conséquence de l'agressivité de l'offre bancaire ? M. M. : Il revient, à mon sens, à l'actionnaire d'Axa Crédit et à son management d'expliquer eux-mêmes les raisons du retrait de la Bourse. Cela étant, l'agressivité de l'offre bancaire est une donnée bien réelle qui ne touche pas spécifiquement telle ou telle société de crédit, fut-elle adossée ou non à un groupe institutionnel ou bancaire. F.N.H. : La concertation entre BAM et l'APSF autour du projet de réforme de la circulaire n° 19/G/2002 relative à la classification des créances en souffrance et concernant le crédit-bail se poursuit toujours. Peut-on savoir dans quel cadre cette réforme a été initiée et quelle est sa portée ? M. M. : BAM, en tant qu'autorité veillant à la mise en place d'un cadre global de maîtrise des risques par les établissements de crédit, adapté à leur degré d'exposition au risque, a en effet engagé un projet de réforme des règles de classification des créances et de leur couverture par les provisions; projet qui concerne aussi bien les banques que les sociétés de financement. Globalement, l'objectif est de préserver et de renforcer la qualité des portefeuilles des opérateurs. Le projet que vous évoquez définit notamment les créances sensibles et arrête leurs critères de classification et de provisionnement. Auparavant, BAM avait déjà mis en place un dispositif d'identification des créances sensibles présentant les signes avant-coureurs de difficultés financières dans le cadre de sa circulaire n° 4/W/2014 relative au contrôle interne (articles 58 et 62). Sont considérées comme créances sensibles, les créances détenues sur des contreparties dont la capacité à honorer leurs engagements, immédiats et/ou futurs, présentent des motifs d'inquiétude, sans pour autant répondre à l'un des critères de classification parmi les créances en souffrance. BAM a associé les sociétés de financement à la concertation autour de son projet de réforme, sachant que les sociétés de crédit-bail sont les plus concernées par cette réforme compte tenu du fait que les dispositions projetées sont applicables aux créances détenues sur des particuliers et entreprises dont l'encours est supérieur à 10 millions de dirhams. Ces sociétés, comme les banques au demeurant, ont été invitées à mesurer l'impact de cette réforme, ce à quoi elles travaillent actuellement. Les échanges restent ouverts à ce sujet et le projet de réforme continuera à être mené, compte tenu des obstacles ou des difficultés éventuels que révèlera l'étude d'impact, dans le cadre de la concertation habituelle et continue entre BAM et l'APSF.