La visite du Souverain au Nigeria a été marquée par le lancement du mégaprojet de réalisation du gazoduc. Ce nouveau projet, qui réunit autour d'une même table plusieurs pays africains, donnera au continent une nouvelle dynamique de développement. La Mauritanie serait le seul pays qui pourrait bloquer l'aboutissement du projet. La volonté de SM le Roi d'instaurer une coopération Sud-Sud forte et solidaire entre les pays du continent africain n'est plus à démontrer. La récente visite royale en Afrique de l'Ouest témoigne de la détermination du Maroc à tisser les liens entre les peuples, les décideurs politiques ainsi que les opérateurs économiques du continent. Un continent qui, malgré ses richesses, n'arrive pas à prendre son envol, que ce soit sur le plan économique, social ou politique. La dernière visite du Souverain au Nigeria atteste, une fois de plus, de cette soif de prendre en main l'avenir du continent, mais aussi de la volonté des décideurs politiques à établir de nouvelles bases de coopération. Le rapprochement entre le Maroc et le Nigeria est un bel exemple de cette nouvelle dynamique qui est en train de se mettre en place, laissant de côté certaines sensibilités qui existaient auparavant. En effet, faut-il rappeler que les relations entre les deux pays étaient jusque-là tendues à cause, entre autres, du dossier du Sahara marocain dans lequel le Nigeria soutenait les séparatistes du polisario. Aujourd'hui, c'est une nouvelle page qui s'ouvre entre les deux pays. Ils viennent de signer 14 conventions de coopération bilatérales dans différents domaines : investissements, formation, renforcement des compétences des jeunes, hydrocarbures, mines, tourisme, finances, assurances... Mais, ce qui a fortement marqué cette visite royale, c'est le lancement du mégaprojet de réalisation du gazoduc. Un gazoduc régional qui permettra de relier les ressources gazières du Nigéria, à celles de plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, au Maroc mais aussi à l'Europe. La nouvelle a fait la Une de tous les journaux locaux et régionaux, vu la dimension régionale du projet qui permettra au continent de devenir maître de son destin et d'exploiter adéquatement ses ressources. «En tant que projet majeur destiné à favoriser l'intégration économique régionale, le pipeline sera conçu avec la participation de toutes les parties prenantes, dans le but d'accélérer les projets d'électrification dans toute la région. Il servira ainsi de base pour la création d'un marché régional compétitif de l'électricité, susceptible d'être relié au marché européen de l'énergie, de développer des pôles industriels intégrés dans la sous-région dans des secteurs tels que l'industrie, l'agrobusiness et les engrais, afin d'attirer des capitaux étrangers, d'améliorer la compétitivité des exportations, et de stimuler la transformation locale des ressources naturelles largement disponibles pour les marchés nationaux et internationaux», lit-on dans le communiqué conjoint. Un organe de coordination bilatérale a été mis en place pour suivre cet important projet qui va réunir autour d'une même table plusieurs pays. Toutefois, une question taraude les esprits : les tensions politiques entre certains pays risquent-elles d'entraver l'aboutissement de ce projet ? Non, répond Jawad Kerdoudi, président de l'Institut marocain des relations internationales. «Sur le plan politique, je ne pense pas qu'il y aura de blocage car ce gazoduc va traverser les pays de l'Afrique de l'Ouest qui sont tous des amis du Maroc. Bien au contraire, ils auront un avantage sur le plan économique à ce que le gazoduc passe par leur pays, car ils pourront s'approvisionner en gaz à moindre frais et recevoir des redevances pour le passage sur leur territoire. Le seul pays qui peut poser problème est la Mauritanie, mais elle pourra être contournée par un gazoduc passant sous la mer», a-t-il expliqué. En effet, pour réaliser ce projet d'envergure, il va falloir recueillir l'accord des pays dans lesquels le gazoduc devra passer. Le plus simple tracé serait un passage par le Niger, le Mali et la Mauritanie. Si le Maroc enretient de bonnes relations avec les deux premiers pays cités, en revanche, celles avec la Mauritanie ne sont pas au beau fixe. Mais, comme l'explique Jawad Kerdoudi, cela ne devrait pas poser de problème du moment que l'alternative de passage par la mer existe. De plus, la Mauritanie n'a aucun intérêt à bloquer un projet dont les retombées sur son pays et sur l'Afrique sont énormes. «Ce projet, une fois réalisé, constituera le meilleur exemple de coopération Sud-Sud et contribuera au développement économique de toute la région de l'Afrique de l'Ouest. Il fournira du gaz à moindre coût qui permettra l'électrification de tous les pays de la région et le développement de l'industrie, notamment celle des engrais», a précisé le président de l'IMRI. En plus de la portée régionale du projet, ce nouveau partenariat est une nouvelle carte pour le Maroc dans la résolution du dossier du Sahara marocain, mais aussi pour son retour légitime au sein de l'Union Africaine. Dès lors, on peut considérer que ce projet est une nouvelle victoire politique et pour le Maroc et pour le continent. L. Boumahrou Un partenariat stratégique Pour appuyer ce projet d'envergure, le fonds souverain marocain, Ithmar Capital, et le fonds souverain du Nigeria, Nigeria Sovereign Investment Autority (NSIA), ont signé un accord de partenariat stratégique. Il permet, entre autres, l'adhésion du Nigeria au Green Growth Infrastructure Facility for Africa (GGIF for Africa), premier fonds d'investissement vert dédié au continent africain. GGIF for Africa a été lancé par la Banque mondiale et Ithmar Capital lors du Sommet de la finance qui s'est tenu le 16 novembre 2016, en marge de la COP 22 à Marrakech. Il a pour objectif de catalyser la transition de l'Afrique vers une économie verte. Par ailleurs, les deux fonds s'engagent, dans le cadre de cet accord, à explorer les opportunités d'investissement dans des secteurs stratégiques, notamment la sécurité alimentaire, les infrastructures et les énergies renouvelables au Maroc et au Nigeria, mais également plus largement dans tous les pays africains.