Anas Raissuni, Country manager pour Sener au Maroc, l'un des principaux contributeurs et développeurs de la centrale Noor, et dont la technologie équipe les trois centrales solaires (Noor I, II, et III), revient dans cet entretien sur la stratégie du groupe espagnol au Maroc, mais aussi en Afrique. Le groupe Sener a en effet positionné le Maroc comme l'un de ses objectifs stratégiques afin de se greffer à la dynamique énergétique africaine globale. Outre le solaire, Sener compte se positionner sur le gas-to-power, les infrastructures routières et les solutions de transport urbain. Entretien. Finances News Hebdo : Dans le cadre du consortium avec Acwa Group, Sener a remporté l'un des plus importants projets d'énergie solaire, aussi bien au Maroc que dans le monde. Que représente la centrale solaire Noor dans votre tracklist ? Anas Raissuni : En effet, Sener est aujourd'hui l'un des principaux contributeurs et développeurs de la centrale Noor, un des plus grands complexes thermo-solaires dans le monde. Le groupe est fier de participer à un projet qui répond à une vision nationale ambitieuse et qui s'inscrit dans la politique énergétique du Royaume assez inédite dans le monde. Expert dans les cuves paraboliques et les tours centrales avec des technologies de réception de sel fondu, Sener a utilisé les deux technologies dans le complexe Noor. Avec plus de 60 années d'expérience, Sener a travaillé dans la réalisation de la majorité des centrales thermiques solaires dans le monde, dont 50% sont actuellement en service. Les centrales solaires Noor I, II et III en font partie. Noor I est déjà opérationelle depuis février 2016, tandis que Noor II et III sont toujours en construction. Le projet Noor entre en parfaite cohérence avec notre stratégie de développement à l'international, à savoir faire du Maroc un hub stratégique régional. Dans ce sens, la vision de Sener au Maroc repose sur trois piliers : notre engagement d'investir dans des ressources locales, participer activement à l'intégration industrielle locale et contribuer au développement socioéconomique des régions dans lesquelles nous opérons. F.N.H. : Le choix de la technologie utilisée pour la construction de Noor I et II a porté sur la technologie thermo-solaire avec capteurs cylindro-paraboliques. Cette technologie ne risque-t-elle pas de devenir obsolète dans quelques années ? Qu'en est-il du photovoltaïque qui sera utilisé au niveau de Noor VI ? A. R. : Pour Noor I et Noor II, le Maroc a opté pour la technologie thermo-solaire avec capteurs cylindroparaboliques qui est l'une des plus performantes dans le monde actuellement. En revanche, Noor III sera dotée d ́une tour. Il est à noter que les trois centrales sont équipées de la technologie Sener. La technologie avec capteurs cylindro-paraboliques est la plus ancienne et, par conséquent, la plus connue. Selon les spécificités du pays, cette technologie est mieux adaptée pour certains endroits. Ces choix permettront d ́un côté, de développer des compétences dans les différentes technologies disponibles, et d'un autre, d'accroître dans les meilleures conditions les économies d'émissions de CO2, d'optimiser la desserte des ménages et rallonger les heures de stockage thermique. Dans ce sens, Sener dispose et déploie ses propres modules technologiques pour répondre efficacement et de manière durable aux objectifs de la centrale. Il est vrai que les évolutions technologiques sont aujourd'hui très rapides, et créent ce sentiment d'obsolescence continue. Justement, c'est là où réside notre valeur ajoutée : notre capacité à innover en permanence, et à proposer les meilleures technologies du moment pour répondre aux objectifs durables de nos clients. D'ailleurs, Sener consent à investir régulièrement dans la R&D, à hauteur de 6% de son chiffre d'affaires. Notre credo est d'apporter une approche nouvelle de gestion des projets énergétiques, basée sur l'efficacité technologique et l'optimisation financière, tout en assurant le transfert technologique afin d'accompagner le secteur énergétique dans sa modernisation et sa structuration. F.N.H. : Le développement des énergies renouvelables est considéré aujourd'hui comme l'une des solutions au changement climatique pour l'Afrique. Quel est le potentiel d'investissement ? Et quelles sont les perspectives de développement de Sener sur le continent ? A. R. : Le potentiel est énorme. Face aux enjeux socioéconomiques du changement climatique, et au vu de la situation énergétique du continent africain, il est aujourd'hui temps de concevoir un modèle de développement fondé sur la compétitivité des énergies renouvelables, et la mobilisation active des acteurs locaux. Sur le même modèle que le secteur des télécoms, l'Afrique peut aisément réaliser un bond technologique dans le domaine des énergies nouvelles. C'est dans cette perspective que le groupe Sener a positionné le Maroc comme l'un de ses objectifs stratégiques, afin de se greffer à la dynamique énergétique africaine globale. Sener capitalise sur une longue expérience dans les pays émergents, ce qui lui confère un savoir-faire dans la gestion des particularités et des diversités locales; et lui permet d'appréhender de manière transversale les enjeux des pays dans lesquels nous opérons. A cet effet, avec nos projets, Sener s'implique à dynamiser le tissu socioéconomique local, notamment à travers la création d'emplois et le soutien au développement d'une industrie locale. Entre autres composants, Sener construit le récepteur de sel fondu au Maroc. L ́expérience marocaine permet de tirer de nombreuses leçons : par exemple, il est absolument nécessaire de développer, au préalable, une infrastructure de transmission et de distribution de l'énergie qui permette l'intégration des énergies renouvelables. De la même manière, le lancement de projets énergétiques renouvelables se doit d'être accompagné par une vision cohérente et intégrée du développement socioéconomique et industriel. F.N.H. : Peut-on avoir une idée de l'état d'avancement de vos différents projets au Maroc (Noor I, II et III) ? A. R. : Sener opère dans trois des quatre centrales qui constituent le complexe (I, II et III). La première des centrales, Noor I, a été inaugurée début 2016 et fonctionne parfaitement bien, selon les objectifs et les normes prédéfinis. C'est une belle réussite qui nous a permis de consolider notre relation de confiance avec l'ensemble des parties prenantes du projet. Quant à Noor II et III, les deux projets avancent dans les meilleures conditions. Ils complèteront le complexe de Ouarzazate pour atteindre une puissance installée de 510 MW, ce qui en fera le plus grand complexe du monde. Viendra s'ajouter une quatrième et dernière phase, Noor IV, composée de technologies photovoltaïques. F.N.H. : Au regard de votre portefeuille d'activités très diversifié, avez-vous des ambitions au Maroc ou en Afrique autres que dans les énergies solaires ? Pouvez-vous nous en dire un mot ? A. R. : Notre groupe a réalisé avec succès des projets mondiaux à haute valeur ajoutée technologique, dans les domaines de l'ingénierie et de la construction, et plus précisément dans les secteurs de l'aérospatiale, de l'aéronautique, des infrastructures et du transport, du pétrole et du gaz, de l'énergie et de l'environnement. Notre ambition est de nous positionner sur l'ensemble des secteurs structurants, demandeurs d'innovation, et de valeur ajoutée technologique. A cet effet, et en marge du secteur des énergies renouvelables, Sener vise à jouer un rôle important dans le projet «gas-to-power» en capitalisant sur notre expérience et notre technologie dans ce domaine. Nous sommes aussi engagés à apporter notre expertise dans les infrastructures routières et les solutions de transport urbain dans lesquelles Sener est très reconnu à l'échelle mondiale.