Depuis l'élection de Donald Trump à la Maison Blanche, le Dollar a fortement progressé face aux autres monnaies de réserve. Hausse qui pourrait avoir un impact sur la balance commerciale du Maroc l'année prochaine. Globalement, l'économie mondiale est plongée dans une profonde incertitude face à un président américain plus qu'imprévisible. Donald Trump à la Maison Blanche : une quasi «incongruité», si l'on peut se permettre, qui plonge le monde entier dans une profonde incertitude. Personnage aussi imprévisible, provocateur que fantasque, le nouveau président des Etats-Unis est au centre de l'actualité, tant le discours qu'il a tenu lors de la campagne électorale américaine étonne et détonne, laissant entrevoir une nouvelle reconfiguration de l'économie mondiale. Entre sa promesse de renégocier les accords de libre-échange, notamment le traité de libre-échange nord-américain (Nafta), les annonces de construction d'un immense mur entre le Mexique et les Etats-Unis, la menace d'une interdiction des délocalisations d'entreprises américaines, le retrait des Etats-Unis du partenariat transpacifique, sa promesse d'annuler l'Accord de Paris sur le climat..., Trump cristallise toutes les attentions, autant qu'il inquiète. Et dans un contexte où les conséquences liées au Brexit restent encore à circonscrire, c'est peu de dire que le nouveau locataire de la Maison Blanche risque de provoquer un séisme planétaire. D'ailleurs, il s'est déjà invité à la COP22 qui se tient à Marrakech sans le vouloir. Son déni du réchauffement climatique place, en cela, les négociateurs américains en mauvaise posture et jette le doute sur le respect de Washington des engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris (voir page 6). D'ailleurs, au lendemain de son élection, les craintes que Trump s'affranchisse des obligations de ce texte ont poussé le président de la COP22, Salaheddine Mezouar, à se fendre d'un communiqué pour s'exprimer officiellement. Dans ce qui ressemble plus à un avertissement qu'autre chose, Mezouar, tout en félicitant Trump pour son élection, a fait savoir que «maintenant que l'Accord de Paris est entré en vigueur, tous les pays, conjointement avec les gouvernements sous-nationaux et les acteurs non-étatiques, ont la responsabilité partagée de poursuivre les grands progrès réalisés à ce jour». Et de préciser, comme pour faire référence aux déclarations tonitruantes de Donald Trump lors de la campagne électorale américaine, que «la question du changement climatique transcende la politique et concerne la préservation de nos moyens de subsistance, de notre dignité et de la planète unique dans laquelle nous vivons tous». Trump président, les conséquences sur le Maroc L'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche est suivie avec beaucoup d'intérêt et de circonspection au Maroc. Et ce n'est pas seulement sur le dossier climatique qu'il suscite des interrogations. Les questions économiques et politiques retiennent particulièrement l'attention aussi, au regard notamment des relations étroites qui existent entre les Etats-Unis et le Maroc, et vu aussi l'ouverture de l'économie du Royaume sur l'extérieur. Surtout que les prises de position sur les sujets de commerce extérieur risquent d'avoir des impacts considérables sur l'économie mondiale. Premier impact de l'effet Trump, dès sa nomination, les marchés financiers internationaux ont dévissé, face à l'incertitude qu'incarne le nouveau président américain. Sur ce registre, Omar Fassal, responsable du Développement de l'investissement à l'international à CDG Capital, se veut néanmoins rassurant. «Le marché financier marocain n'est pas encore totalement intégré aux marchés financiers mondiaux, on ne sera donc pas impacté d'un point de vue financier immédiatement», fait-il remarquer. Néanmoins, avertit-il, «on peut se poser la question de savoir où ira le Dollar sur l'année qui vient. La théorie prédit que pour un pays comme les Etats-Unis où la mobilité des capitaux est totale, la conjugaison d'une politique fiscale expansionniste et d'une politique monétaire restrictive conduira à une appréciation de la monnaie. Depuis l'élection, c'est le cas : on observe une forte progression du Dollar face aux autres monnaies de réserve». Dans ce cadre, souligne Fassal, «pour le cas du Maroc, si la hausse du Dollar - qui s'accompagne d'une baisse du Dirham - se poursuit et s'accélère début 2017, il faudra alors se poser la question de savoir quel impact cela aura sur notre balance commerciale l'année prochaine. Nos achats de produits énergétiques sont naturellement libellés en Dollar». «Tous ces scénarios vont dans le sens où Donald Trump tiendrait ses engagements; cela ne sera peut-être pas le cas. Après tout, ce ne sera ni le premier ni le dernier président à ne pas faire ce qu'il a dit », conclut-il. Sur un plan plus global, renchérit Jawad Kerdoudi, président de l'Institut marocain des relations internationales (IMRI), «l'élection de Trump ne devrait pas avoir d'impact sur les relations économiques entre le Maroc et les USA, les deux pays étant liés par un accord de libre-échange». Et même si le nouveau locataire de la Maison Blanche a signifié sa volonté de renégocier certains accords, voire de les annuler, «il lui sera difficile de le faire, d'autant qu'il doit avoir l'accord du Congrès», note Kerdoudi, tout en faisant remarquer que non seulement «les aides accordées par les Américains au Royaume ne sont pas énormes, mais en plus le Maroc et les USA ont déjà signé le Millenium Challenge Account», lequel est destiné à financer des initiatives visant à aider les pays en développement à améliorer leur économie ainsi qu'à relever le niveau de vie de leur population. A en croire le président de l'IMRI, c'est plutôt l'Organisation des Nations unies qui risque de faire les frais de l'élection de Trump en voyant l'aide accordée par Washington pour le climat diminuer. Sur le plan politique, Kerdoudi tient aussi à être rassurant. «Traditionnellement, les républicains, davantage intéressés par la géostratégie, sont plus favorables au Maroc que ne le sont les démocrates. Sur le Sahara, il faudra donc s'attendre à un soutien de l'administration Trump», conclut-il. D. William «Il faut vendre des actifs obligataires» L'élection de Donald Trump est assimilée à l'incertitude. Aujourd'hui, face à l'effondrement des cours obligataires, les experts craignent de plus en plus pour les finances publiques des Etats. Ce qu'en pense Omar Fassal. "Les marchés financiers, influencés sûrement par les médias, ont davantage anticipé l'élection de Clinton que celle de Trump. Du coup, le retournement fut quelque peu volatil pour intégrer les nouvelles perspectives. Le nouveau président américain promet de mettre en œuvre une politique fiscale expansionniste, axée d'une part sur des baisses d'impôts pour les particuliers et les entreprises, et d'autre part sur une hausse des dépenses d'infrastructure. Cela s'accompagnera par un creusement du déficit budgétaire, une stimulation de la croissance, et une hausse des anticipations d'inflation. Dans un contexte pareil, il sera normal pour la Réserve Fédérale d'augmenter son taux directeur plus tôt que prévu. Les investisseurs ont commencé à intégrer ce scénario en rehaussant les rendements obligataires, ce qui a eu pour conséquence de faire baisser les cours dans un mouvement de vente généralisé. Lorsque les marchés deviennent trop turbulents, la meilleure façon de se protéger est de suivre l'exemple des bambous qui ne cassent jamais, car ils sont suffisamment souples pour se plier et suivre le vent. Je pense que sur le dernier trimestre de cette année, et sur le premier de l'année prochaine, il faut suivre le mouvement en vendant des actifs obligataires et en les remplaçant par des actions. Les actions américaines ont déjà gagné 4% depuis le début du mois de novembre, et les actions européennes 3%".