Le Maroc consacre une part importante de son budget à l'investissement public, soit 30%. Et pourtant, le coefficient ICOR (nombre d'unités d'investissements pour un point supplémentaire de PIB) demeure élevé, de l'ordre de 7 points. Une chose est sûre : le Maroc n'est pas en mesure d'accumuler le capital physique sans une amélioration significative de sa productivité et de son épargne nationale. Après élaboration de chaque Loi de Finances, certains indicateurs sont scrutés minutieusement par les économistes, les analystes et la presse spécialisée à cause de leur importance dans la composition et la croissance du PIB. Parmi ces indicateurs, celui de l'investissement public occupe une place de choix dans les différentes analystes. Reste que malgré son importance en termes de chiffres et son pourcentage du PIB, il fait l'objet de critiques acerbes dans la mesure où son rendement demeure trop faible. Le Maroc figure parmi les pays en développement qui consacrent une part importante du PIB à l'accumulation du capital physique, avec un taux d'investissement dépassant sur plusieurs années 30% du PIB. L'ironie du sort est qu'il ne récolte pas les bénéfices attendus tant au plan de l'accélération du rythme de croissance que de sa régularité. Dans le PLF 2017, le gouvernement a prévu un Budget d'investissement global de 190 milliards de DH, dont 62 milliards de DH prélevés sur le Budget de l'administration et le reliquat correspond aux investissements des établissements et entreprises publics. Dans le détail, il a été réservé 8,9 Mds DH au Plan Maroc Vert, 3,7 Mds de DH au Plan d'accélération industrielle et 11,9 Mds de DH au développement des énergies renouvelables. Les grands chantiers seront à leur tour financés à raison de 1,2 Md DH pour le secteur des autoroutes, 6 Mds DH pour le développement du réseau ferroviaire et 1,5 Md DH consacré aux aéroports. Un budget de 20 milliards de DH est prévu pour le secteur portuaire. Force est de constater cependant que le redressement progressif de l'industrie, aussi palpable soitil, demeure insuffisant et notre économie reste dépendante du secteur primaire et, par ricochet, de la clémence du ciel. A l'occasion de la dixième édition du colloque international sur les finances publiques, le gouverneur de Bank Al-Maghrib avait fait un témoignage poignant sur la dépense publique qui, d'après ses propos, constitue la vraie gangrène du Budget de l'Etat. Il étaye ses propos par le coefficient ICOR (nombre d'unités d'investissements pour un point supplémentaire de PIB). Ce dernier ressort à 7,7 pour le Maroc, 3,5 pour la Malaisie et 2,9 pour la Corée du Sud. En matière d'investissements publics, il est souligné que la formation brute du capital fixe est tirée essentiellement par l'investissement public, orienté principalement vers les infrastructures dont les retombées dans l'immédiat sont très faibles. L'analyse de la structure de l'investissement montre que le bâtiment et travaux publics constitue la principale composante durant la période 2000-2014. A l'occasion d'un débat sur la nécessité de revoir le modèle économique, l'économiste Larabi Jaïdi a souligné avec force : «En matière d'investissement, le Maroc se trouve dans une situation «capitalivore» comparable à celle des dragons asiatiques, durant les années 70. Sauf que ces derniers affichaient à l'époque des taux de croissance de 7 à 8%». D'après lui, le maillon faible de la chaîne n'est autre que les gains de productivité. Ajoutons à cela des secteurs tels que l'éducation auquel il est consacré 7% du PIB, un taux supérieur à la moyenne mondiale, et dont les résultats sont médiocres. Le Maroc a donc intérêt à accumuler du capital physique au point de dégager des ressources financières à même de le financer. Comme il est exhorté à veiller sur l'efficacité de la dépense publique. S. Es-siari Zoom sur le capital physique entre 2000 et 2014 Dans une étude récente sur le rendement de l'investissement, le Haut-commissariat au Plan a rappelé que l'investissement a été inscrit dans un sentier soutenu depuis le début des années 2000, notamment sous l'effet des efforts consentis par le secteur public pour absorber le passif en matière d'infrastructures économiques et sociales. Les dépenses d'équipement du Budget de l'Etat sont passées de près de 15 Mds de DH par an durant la décennie 2000, avec une accélération pour atteindre près de 42 Mds de DH par an depuis 2007. De même, les dépenses des établissements et entreprises publics sont passées de 25 Mds de DH en moyenne durant 2014-2015. Dans ce cadre, l'investissement a été multiplié par trois fois entre 2000 et 2014 et le taux d'investissement global est passé de 24,8% en 1999 à 35,1% en 2010 et à 32% en 2014. Le taux de croissance économique en amélioration certes de 4,6% par an reste cependant en deçà du niveau escompté susceptible de rentabiliser les ressources financières mobilisées en faveur de l'investissement. Du coup, le pays n'est pas en mesure de continuer à accumuler le capital sans une amélioration significative de sa productivité et par conséquent de l'épargne nationale, susceptible de répondre aux besoins de l'économie. Cette situation soulève des interrogations sur la nature de l'accumulation du capital amorcée dans le pays depuis son indépendance.