* La médiation est un chantier lancé depuis deux ans par la SNRT et se concrétisera par le lancement de l'émission «La voix du médiateur». * Dans cette dynamique que connaît le secteur de la presse, la médiation est un enchaînement que les professionnels gagneraient à enclencher. * Le médiateur constitue le canal de communication entre le média et le public et c'est en quelque sorte le garde-fou du métier. Une importante table ronde organisée par l'ISIC et la SNRT, s'est tenue autour du rôle du médiateur dans les médias. Animée par la directrice de l'Institut, Latifa Akharbach, cette rencontre internationale a enregistré la participation d'intervenants de renommée notamment : Jean-Claude Allanic ancien médiateur de l'information sur France2, Loïc Hervouet médiateur de Radio France International (RFI), Marc-François Bernier, chercheur canadien spécialiste de l'éthique du journalisme et auteur d'un ouvrage de référence sur l'ombudsman de Radio Canada. Ainsi que notre médiateur national Jalil Laguilli, directeur de la communication et médiateur de la SNRT. Un thème de grande actualité ailleurs mais aussi au Maroc qui, depuis quelques années, enregistre une importante évolution des médias sur la scène médiatique. « La presse marocaine a milité pour sa liberté de prise de parole et d'expression, mais elle a moins développée la profession ou la responsabilité du journaliste. Actuellement, on soulève l'émergence d'un besoin public des usagers des médias de prendre la parole sur les médias», souligne Latifa Akharbach en guise d'introduction. C'est donc un service à rendre, ne serait-ce que du fait que les médias sont un secteur régi par une charte déontologique et qu'il y a intérêt à mettre en place un espace de dialogue pour être plus à l'écoute des critiques du public. Pour elle, la création de la médiation doit décliner une ambition de se distinguer. C'est également un signe de maturité du secteur. Les premiers jalons de ce métier au Maroc ont été posés par la SNRT. Puisque depuis quelque temps déjà, la société a mis en place un médiateur qui depuis réceptionne les courriers du grand public et les traite. Un grand chantier a accompagné la mise en place de cette fonction qui est appelée à se développer. On ne peut pas encore parler de médiation au Maroc, puisqu'il a fallu faire au sein de la SNRT un vrai séisme psychologique pour changer les mentalités et migrer d'un esprit de fonctionnariat vers un journalisme professionnel. « Cela fait deux ans que nous travaillons pour que le personnel se sépare de cet esprit de fonctionnariat. Dans ce sens, le médiateur a un grand rôle à jouer pour accélérer le processus avec tous les intervenants internes et externes», explique Jalil Laguili. Bien évidemment, une question légitime se pose : comment peut-on être médiateur et directeur de communication en même temps ? En fait, Laguili souligne qu'il se charge de la communication dans son sens propre c'est-à-dire communiquer avec l'administration, les auditeurs et les téléspectateurs et qu'il ne fait pas du marketing pour la SNRT. Cet point éclairé, Laguili a passé en revue les outils de la médiation mis en place par la SNRT. Il s'agit notamment de l'émission mensuelle « La Voix du médiateur » et plus tard une autre émission radio pour réceptionner et décortiquer les critiques du public. Le public peut également transmettre ses critiques via le site de la SNRT ou carrément par le biais du call center mis en place à cet effet. Laguilli qui a insisté sur le fait que la médiation est un chantier en construction, a appelé les professionnels à faire part de leurs idées et suggestions dans l'objectif d'une amélioration de la qualité des programmes de la SNRT. La France, une grande longueur d'avance La médiation dans les médias a fait son apparition en France vers la fin des années 90. Le recours à ce mécanisme d'autorégulation a été utilisé pour la première fois, aux dires de Jean-Claude Allanic ancien médiateur de l'information sur France2, à France 2. D'ailleurs il fut le premier médiateur de France en 1998. Pour lui, cette fonction répond à un besoin réel comme en témoigne son développement dans tout le bassin méditerranéen pour intervenir sur les problèmes du métier sur le plan purement professionnel. Et c'est d'autant plus en vogue dans la mesure où les médias courent derrière l'audimat dans un souci d'augmenter l'audience au détriment du travail journalistique propre qui est censé informer et dire la vérité. Tout organe de presse à besoin d'un médiateur sauf dans deux cas, soulignés par Allanic : quand le média est parfait ou quand c'est un média qui ne fait qu'inventer et faire fantasmer, comme c'est le cas de certaines publications comme Voici, Gala. Le médiateur rappelle constamment le but de chaque média. De même qu'il est à l'écoute du public. Il doit traiter l'information et la remonter auprès des professionnels pour que ceux-ci puissent répondre au mieux aux attentes de leurs téléspectateurs, auditeurs et lecteurs. Pour Loïc Hervouet, médiateur de Radio France International (RFI), le médiateur doit même mener des enquêtes pour maintenir la crédibilité du média avec la force de la parole et de la voix. Pour cela, selon Hervouet, le médiateur doit jouir de beaucoup d'indépendance. Dans ce sens, il souligne qu'à RFI il n'a pas de hiérarchie, il dépend directement du PDG du groupe. La tâche de médiation est loin d'être facile à RFI qui compte plus de 45 millions d'auditeurs à travers le monde et plus de 48 magazines d'information par jour et 19 langues d'édition. «Cela fait beaucoup de sensibilité à ne pas heurter», souligne Hervouet. Dans ce contexte, le médiateur doit faire un travail d'objectivation qu'il s'agisse de question de forme, de fond, de décalage horaire, appeler au pluralisme et surtout appeler les journalistes à avoir la modestie de se rectifier quand il le faut. Le public n'a pas toujours raison Dans son intervention, Marc-François Bernier, chercheur canadien spécialiste de l'éthique du journalisme et auteur d'un ouvrage de référence sur l'ombudsman de Radio Canada, était un peu en décalage par rapport à ses collègues. Il a beaucoup plus parlé de l'ombudsman. Pour lui, son rôle est non pas de faire plaisir au public, puisque ce dernier n'a pas forcément toujours raison et peut être motivé par des questions plus émotionnelles que professionnelles ou déontologiques. Dans ce sens, et pour préserver les bonnes règles du métier de part et d'autre, il doit faire preuve de beaucoup de rigueur. Ainsi, le journalisme a ses règles que le public ne connaît pas forcément et sur lesquelles il n'a pas à intervenir. Cela dit, l'ombudsman vielle à ce que le métier soit bien respecté tout en ayant la latitude d'accepter ou rejeter les demandes du public. Il peut émettre un jugement normatif contrairement au médiateur.