La presse s'emballe. Les réseaux sociaux s'enflamment. Le chef du gouvernement reste au-dessus de la mêlée. Et l'opinion publique reste globalement médusée, attendant le fin mot de l'histoire. Ou plutôt de l'«affaire». Car il s'agit bel et bien d'une «affaire» économico-politico-privée, arrosée d'un parfum nauséabond de scandale. Tout a commencé en fin de semaine dernière lorsqu'il a été porté sur la place publique que le wali de Rabat-Salé-Kénitra aurait acquis une parcelle de plus de 3.700 m2, sise route des Zaers, propriété du domaine public, pour la modique somme de 350 DH/m2. Information suivie immédiatement d'un communiqué conjoint des ministres de l'Intérieur et de l'Economie et des Finances visant à «éclairer l'opinion publique sur les allégations et les accusations tendancieuses contre le wali». «La parcelle, objet de cette campagne de diffamation, fait partie d'un lotissement destiné aux fonctionnaires et aux commis de l'Etat depuis le règne de feu SM le Roi Hassan II, que Dieu ait son âme. Le prix et les conditions d'acquisition de ces parcelles du domaine public sont fixés avec précision par un décret du premier ministre du 26 décembre 1995 et il aurait été plus correct de demander l'amendement de ce texte au lieu de diffamer un haut responsable reconnu par sa compétence et son dévouement pour l'intérêt général. L'amendement d'un décret ne peut s'opérer qu'à travers un autre décret selon la règle juridique. Il devient clair, si besoin est, qu'il s'agit d'une campagne électorale prématurée visant à engranger des gains électoralistes étriqués sous prétexte de mettre en oeuvre les règles de la bonne gouvernance et éviter l'incompatibilité entre les intérêts personnels et les responsabilités publiques», dixit le communiqué. Il n'en a pas fallu plus pour que les médias aiguisent leurs plumes braillardes et versent dans les révélations. Plusieurs autres personnalités auraient ainsi bénéficié de parcelles de terrain à des prix préférentiels, dont notamment les deux signataires du communiqué précité. Voilà pour les faits. Aujourd'hui, il ne s'agit pas de remettre en cause ou non la légalité de ces transactions. Mais cela pose plutôt une problématique d'ordre moral, face à un système de «distribution» des biens publics jugé un brin trop généreux vis-à-vis des «hauts commis et autres serviteurs de l'Etat». Il semble pour le moins logique que les contribuables, qui peinent à joindre les deux bouts et qui sont régulièrement sollicités lorsqu'il s'agit de combler les trous dans les caisses de l'Etat (ce fut le cas avec la contribution au Fonds de solidarité nationale), s'émeuvent de voir certains privilèges encore octroyés dans ce Maroc d'aujourd'hui. Par ailleurs, il convient de se poser une question : qui est «serviteur de l'Etat» ? Car cette expression est de plus en plus galvaudée, tant son usage abusif tend à en faire un fourre-tout afin de faire bénéficier à certaines personnes de largesses indues. Et, au final, tous ces contribuables qui permettent aux fonctionnaires de l'Etat de dérouler leur fiche de paie à la fin du mois ne sont-ils pas tous de vrais «serviteurs de l'Etat» ? Question à méditer.