Si le Venezuela et l'Uruguay, à l'instar d'autres pays de l'Amérique latine, sont fidèles à leur hostilité à notre intégrité territoriale, le temps est à la méfiance vis-à-vis de la Russie et des Etats-Unis. Au final, le Maroc a pu compter sur la France, le Sénégal, l'Egypte, l'Espagne, l'Ukraine, la Malaisie, la Grande Bretagne, la Chine, le Japon et ... les USA. Le Royaume a vécu deux mois terribles, depuis la visite du Secrétaire géné-ral de l'ONU à Tindouf jusqu'à l'adoption de la résolu-tion n°2285, relative au dossier du Sahara marocain, non pas à l'unanimité comme c'est devenu la coutume, mais à 10 voix pour, trois abstentions (Russie, Angola et Nouvelle-Zélande) et deux voix contre (Venezuela et Uruguay). Deux mois où les pions sur l'échi-quier mondial changeaient conti-nuellement de position, tenant en haleine le Maroc sur un éventuel soutien, ou pas, à son intégrité territoriale. En effet, depuis le bras de fer l'ayant opposé à Ban Ki-moon qui a brillé par sa partialité, son hostilité affichée au Maroc et son ignorance de ce conflit artificiel entretenu par l'Algérie et ses aco-lytes, la machine diplomatique, plus réactive qu'active, a com-mencé à courir dans tous les sens pour récolter l'appui nécessaire à la position marocaine. D'autant plus que cet incident intervenait à un mois de l'élaboration du rapport annuel sur le dossier du Sahara, et qui devait être présenté au vote au Conseil de Sécurité. Autant dire que nous avons eu bien chaud ! Dans cette guerre «des tranchées», SM le Roi a pris les devants lors du sommet Maroc-pays du Golfe, qui ont manifesté un soutien incondi-tionnel au Royaume, d'où il opère un revirement d'alliance à 180 degrés pour défendre l'intérêt suprême du Royaume, sans pour autant porter atteinte à ses enga-gements envers ses partenaires. Devant cette situation de crise sans précédent avec l'ONU, le Maroc a dû redéployer ses cartes et créer de nouvelles alliances, sans oublier le soutien infaillible de la France. Dans les coulisses de l'ONU, une course contre la montre est enga-gée avant le vote final du rapport de Ban Ki-moon, pour convaincre les 15 pays membres du Conseil de la légitimité de la cause maro-caine. En dépit de ce forcing, le pays va essuyer quelques sur-prises à l'image de la position ambiguë des USA. En effet, alors que le 23 mars le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, assurait à SM le Roi dans un entretien téléphonique que la position amé-ricaine sur le dossier du Sahara demeure inchangée, voilà que les USA font volte-face. La première mouture du projet de résolution du Conseil de sécurité élaborée par les Etats-Unis va dans le sens du rapport élaboré par Ban Ki-moon et vivement critiqué par le Maroc. «La position des Etats-Unis est tout à fait surprenante. Le premier draft (avant-projet) a été présenté par l'ambassadrice Samantha Power. Il participe d'une approche qui tourne le dos aux acquis actuels, tels que consacrés dans les précédentes résolutions du Conseil de sécurité. Or, que peut on y lire ? Que le Conseil «prend note» du plan marocain d'auto-nomie d'avril 2007 qualifié depuis neuf ans de «réaliste, crédible et sérieux»; que la Minurso doit retrouver la pleine capacité pour pouvoir surveiller le cessez-le-feu mais aussi pour organiser un réfé-rendum d'autodétermination; et qu'il est urgent, dans un délai de 60 jours, que la situation de cette mission soit normalisée, laissant même entendre que le dossier du Sahara pourrait passer, en cas d'échec, du domaine du chapitre VI de la Charte (règlement paci-fique des différends) au chapitre VII qui prévoit des mesures de sanctions et des contraintes», analyse le politologue Mustapha Sehimi. Pour ce dernier, «l'idée de contradiction entre les pouvoirs institutionnels américains (Maison Blanche, Congrès) n'est pas rece-vable, puisque l'ambassadrice US à l'ONU relève du Département d'Etat, et donc accrédite le «double langage» mis en cause par le Roi dans son discours du 20 avril dernier, à Riyad, devant le sommet Maroc/CCG». L'autre surprise, et non des moindres, est l'attitude surpre-nante de la Fédération de Russie qui s'est abstenue le 29 avril à New York de voter la résolution 2285. Pourtant, lors de la visite royale dans l'ex-URSS en mars dernier, de même qu'à la suite du long entretien entre SM le Roi Mohammed VI et le président Poutine, le 12 avril, l'on pouvait compter sur le soutien du géant russe. Pour Mustapha Sehimi, «c'est une forte interpellation que l'on doit adresser à ce pays. Il a voté pour l'abstention, ce qui est déjà une position en deçà de ce que l'on pouvait attendre. Son ambassa-deur a expliqué ce vote par des termes sévères, à savoir que le Maroc devait faire plus... Que devient dans ces conditions le communiqué maroco-russe publié à l'issue de la visite royale en mars dernier à Moscou ? Ce texte précisait que ce pays soutenait les paramètres de la négociation en vue d'un règlement politique négocié, tels que définis depuis 2009 par le Conseil de sécurité». Que retenir ? La question que le pays doit actuellement se poser est que faut-il retenir de ce difficile épi-sode ? Pour Mustapha Sehimi, «le Maroc doit évaluer toutes ces données et en tirer les conclu-sions qui s'imposent. Lesquelles ? Une clarification des positions des Etats-Unis et même de la Russie. Une mobilisation encore plus accentuée de sa diplomatie. Un lobbying continu, et le renfor-cement du front intérieur, sans oublier l'avancement de la régio-nalisation. Les textes d'application sont encore en instance, alors qu'il faut en accélérer la cadence. Plus la régionalisation sera confortée et consolidée, plus elle contribuera à démontrer l'argumentaire des pays et des réseaux hostiles au Maroc inopérant et pratiquement caduc et sans objet ni fonde-ment ». Si aujourd'hui le Royaume en a fini avec le mandat de Ban Ki-moon sans trop de dégâts, il n'en demeure pas moins vrai qu'en diplomatie, comme pour tout d'ail-leurs, la méfiance est mère de sûreté ! La France, un allié infaillible L'Hexagone a risqué gros en affichant son soutien historique et traditionnel au Maroc. En effet, malgré toutes les manoeuvres de l'Algérie pour faire basculer la position de la France vers la thèse séparatiste, le Premier ministre français, Manuel Valls, a réaffirmé à Alger lors la 3ème réunion du Comité intergouverne-mental de haut niveau, que la position de son pays sur la question du Sahara reste inchangée, soit pro-marocaine. C'est peu de dire que la campagne de critiques et de dénigrement orchestrée par la presse algérienne contre la France, a dépassé la limite du convenable. Mais faut-il s'étonner d'une presse à la solde d'un régime en déclin et d'une thèse séparatiste essoufflée qui ne convainc plus personne. Le Maroc a également pu compter sur le soutien manifeste de pays amis, comme le Sénégal et l'Egypte, lesquels, comme la France, se sont opposés à tout soutien du Conseil au SG des Nations unies dans son différend avec le Maroc, au risque de se mettre l'Union africaine sur le dos. Aussi, contre vents et marées, la position espagnole, surtout celle du Parti Populaire, a-t-elle également versé dans le soutien du Royaume, nonobstant la montée en puissance des partis espagnols de gauche au cré-neau pour inciter l'Espagne à défendre «un référendum d'autodétermination libre et démocratique pour le peuple sahraoui» et d'ajouter «la supervision des droits de l'Homme» à la mission de la Minurso.