Après 8 ans d'attente, la loi sur les OPCI vient d'être adoptée à l'unanimité par la Chambre des représentants. Pour les professionnels de l'immobilier, c'est une étape importante de franchie, qui doit redynamiser le secteur et le pourvoir en liquidité. Néanmoins, certains experts déplorent que les OPCI soient limités au locatif et qu'ils ne prennent pas en charge les ventes. En réalité, cette loi est un calque de la loi française, loin de s'adapter à la réalité du secteur marocain. Après des années de tergiversations, le projet de loi sur les OPCI (Organisme de placement collectif en immobilier) est finalement sorti des méandres du circuit législatif. La Chambre des représentants vient d'adopter à l'unanimité le projet de loi 70.14 relatif à ce nouvel instrument dont les opérateurs attendent beaucoup. Les professionnels du secteur ne cachent d'ailleurs pas leur satisfaction de voir aboutir ce projet de loi. «Nous nous réjouissons de la mise en place de cet instrument auquel nous sommes favorables et dont nous demandons la mise en place depuis longtemps. Nous espérons qu'il sera en mesure de redynamiser le secteur immobilier, surtout la demande», déclare Mohamed Iqbal Kettani, directeur délégué de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI), contacté par Finances News. «Il faut maintenant réaliser un travail important d'informations et d'explications pour mettre en valeur les avantages de ce produit», estime notre interlocuteur. Il est vrai que le législateur présente cet instrument comme une nouvelle solution de financement d'un secteur immobilier dont les liquidités se sont taries ces dernières années. Pour le gouvernement, cet outil a l'avantage de permettre aux entreprises, particulièrement les PME, de se consacrer au cycle de production au lieu de se focaliser sur l'acquisition d'immobilier. Pour le marché financier, les OPCI constituent également une aubaine, comme nous l'explique Farid Mezouar, directeur exécutif de FL Markets : «les OPCI offrent une opportunité de diversification dans une nouvelle classe d'actifs. Surtout, cette opportunité se ferait dans un cadre sécurisé (visa du CDVM et contrôle des opérations) et transparent, notamment en termes de valorisation». Ces arguments sont surtout valables pour les particuliers qui n'avaient d'autres alternatives que l'acquisition directe de biens immobiliers. Ils peuvent désormais investir dans la pierre avec de petits montants. Copier-coller ! Mais, si globalement la profession accueille d'un oeil bienveillant ce nouveau dispositif, certaines voix dissonantes se font entendre parmi les spécialistes du secteur. C'est le cas notamment de Driss Effina, économiste et expert en immobilier au Centre marocain de conjoncture (CMC). Il déplore que le long délai de préparation de la loi sur les OPCI (le projet de loi en question remonte à 2008) n'a pas été mis à profit pour peaufiner le texte, qui, dans ses grandes lignes, reste un calque de la loi française sur les OPCI sortie en 2002. «Le législateur marocain n'a pas essayé d'innover pour créer une loi sur mesure pour le marché marocain. Ceux qui ont développé cette loi, à savoir le ministère des Finances et la CDG, n'ont fait qu'imiter le modèle français. On a copié-collé la même loi, avec les mêmes erreurs et les mêmes limites. Le malheur est qu'on l'a limitée au locatif comme en France, alors qu'il fallait rester dans un esprit très large, et faire en sorte que les OPCI prennent en charge aussi les ventes», nous explique-t-il. Car, pour D. Effina, c'est bien là l'intérêt premier des OPCI : ils doivent normalement soulager le risque lié à la commercialisation. «Un promoteur qui veut vendre un produit totalement, aurait pu faire appel à cet instrument. Mais, en l'état actuel des choses, et tel que la loi a été votée, ce n'est pas encore possible», argue-t-il. Pour notre économiste, la notion de risque pour les promoteurs est différente selon que l'on soit en France ou au Maroc : «la majeure partie des projets au Maroc sont autorisés à travers la dérogation, ce qui n'est pas du tout le cas en France. Par ailleurs, en France, le promoteur ne prend que le risque lié à la promotion. Il n'assume pas, par conséquent, le risque lié au foncier, à l'autorisation, et à la commercialisation». Or, le problème majeur des promoteurs aujourd'hui, c'est précisément qu'ils assument tous les risques liés au processus de production. Plus explicitement, la chaîne de valeur des promoteurs immobiliers marocains est grande et pleine de risque, de la production à la commercialisation, en passant par l'acquisition de foncier et les autorisations. Le secteur, malgré des avancées, reste mal organisé en termes de législation et de règlementation. Ce qui signifie que l'on fait assumer aux promoteurs le risque lié à cette chaîne de valeur assez longue et assez complexe. «On se demande parfois pourquoi les marges des promoteurs sont très grandes. C'est parce qu'ils assument des risques très importants», argumente notre interlocuteur. On peut donc légitimement se demander quelle est la logique derrière la limitation de cet instrument au locatif ? Surtout que nous sommes un marché domestique où c'est la vente qui prime par rapport au locatif. Toujours est-il, que selon notre expert, «nous sommes devant un grand instrument qui est aujourd'hui handicapé. Les parlementaires, la CGEM n'ont pas jugé utile de remodeler cette loi et élargir son champ d'application. Pour ces raisons, je pense que la loi sur les OPCI au Maroc n'aura qu'un impact limité sur le marché immobilier». C'est la raison pour laquelle certains spécialistes appellent déjà à sa révision. D. Effina pense même que les grands promoteurs ne vont pas l'accepter telle qu'elle est, mais vont faire du forcing pour élargir son champ d'application. «C'est dans leur intérêt», conclut-il.