Le très attendu projet de loi sur les Organismes de placement collectif immobilier (OPCI) est enfin sur la table. Ce nouveau véhicule de financement est censé canaliser une partie de l'épargne à long terme et donner une nouvelle impulsion au secteur de l'immobilier locatif. Le texte, tel qu'il a été conçu par le ministère des Finances, se caractérise par la prudence et un grand niveau de sécurité. Ce qui aura un impact sur le niveau de liquidité attendu. Le secteur immobilier marocain, en mal de financement depuis quelques années en raison du tarissement des liquidités, bénéficiera bientôt d'un nouveau véhicule de financement. Un projet de loi sur les Organismes de placement collectif immobilier (OPCI) vient de voir le jour. Il est en consultation au niveau du Secrétariat général du gouvernement (SGG). Son objectif : booster le secteur locatif et assurer un rendement stable aux investisseurs. Un texte qui, par ailleurs, s'est longuement fait attendre, comme le souligne Driss Bentayeb, docteur en économie et finance internationale : «le texte vient un peu en retard, après la crise immobilière en Europe et aux Etats-Unis et dans un environnement fiscal marocain défavorable aux investissements locatifs». Toujours est-il que le projet de loi est désormais sur les rails, et c'est l'occasion de s'interroger sur sa portée et ses éventuelles limites. Les OPCI peuvent prendre soit la forme d'un FPI (Fonds de placement immobilier), soit d'une SPI (Société de placement immobilier). Ils ont pour principal objet la construction ou l'acquisition d'immeubles immatriculés en vue de leur location exclusivement. Le projet de loi précise que la vente d'immeubles détenus par un OPCI n'est possible qu'après un délai minimum fixé dans le règlement de gestion de l'organisme en question. Le texte stipule aussi que l'actif d'un OPCI doit être composé à hauteur de 60% au moins d'actifs immobiliers. Un outil réservé aux investisseurs qualifiés A la lecture de ce projet de loi, une première observation s'impose : tout a été fait pour garantir un grand niveau de sécurité aux investisseurs. Le premier garde-fou concerne le profil de ces derniers. «Le législateur marocain a réservé l'investissement dans les OPCI à des ‘‘investisseurs qualifiés'' disposant des compétences et de moyens nécessaires pour appréhender les risques inhérents aux opérations de ce type», explique D. Bentayeb. La liste desdits investisseurs qualifiés est fixée par l'AMMC (Autorité marocaine des marchés de capitaux). Il s'agit des banques, des OPCVM, des compagnies d'assurances, etc. Les particuliers en sont donc exclus. Toutefois, «ils peuvent souscrire à travers des OPCVM dans des produits à dominance immobilier», précise notre expert. Un deuxième garde-fou a été prévu avec la création de sociétés d'évaluation chargées de déterminer le prix des actifs immobiliers d'un OPCI. «Une première», selon D. Bentayeb. Ces sociétés, habilitées par le ministère des Finances après avis de l'AMMC, «sont responsables, à l'égard des OPCI, des conséquences dommageables, des fautes et négligences par eux commises dans l'accomplissement de leur mission», selon le texte de loi. Elles devront accompagner des OPCI pendant 4 ans et doivent disposer d'une expérience, d'une compétence et d'une organisation adaptées à l'exercice de leur fonction dans le domaine de l'évaluation des actifs immobiliers. En outre, elles seront tenues de souscrire un contrat d'assurance couvrant les conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile professionnelle. Toujours dans une optique de sécurité, le texte a consolidé la supervision, comme l'explique D. Bentayeb : «l'investissement dans sa réalisation jouit de plusieurs niveaux de supervision, à commencer par la société gestionnaire, puis par l'évaluateur et enfin par l'AMMC». «Cette dernière perçoit 0,5% de l'actif net de l'OPCI pour sa supervision», précise-t-il. Comment expliquer cette prudence ? D'aucuns diront ce manque d'audace ? Notre expert la relie au fait que «les fonds d'investissement immobiliers sont destinés généralement à des investisseurs conservateurs qui visent le long terme». Avant d'ajouter que c'est là précisément où réside le principal inconvénient de ce texte de loi, dans la mesure où «il s'agit d'un fonds moins liquide que ceux investissant dans des actifs financiers, pour ne pas avoir la possibilité d'être remboursés à n'importe quel moment. Il s'agit d'une solution alternative à un investissement immobilier direct avec tous ses risques». Prudence ou liquidité, le législateur a choisi. Il faut dire que la récente crise immobilière espagnole est encore dans tous les esprits. «A la fin de l'année 2007, il y avait plus de 9 fonds d'investissement en Espagne. Aujourd'hui, il n'y en a plus que 4», rappelle D. Bentayeb. «Le patrimoine collecté avant la crise était de 8.612 millions d'euros, soit le double du capital restant le mois d'août dernier (3.926 millions d'euros). Le rendement de ces fonds a baissé également de moitié et, à ce jour, leur purge continue», ajoute-t-il. Zones d'ombres Des zones d'ombre subsistent par ailleurs dans le texte. En effet, si la loi a bien défini les grandes lignes à respecter par les FPI et les SPI, le capital minimum et les règles de gestion pour mieux rentabiliser le fonds ne sont en revanche pas encore fixés ou validés par l'AMMC. En outre, précise notre interlocuteur, «nous ne savons pas si la SPI restera ouverte à tout nouveau souscripteur ou limitée par opération immobilière. Dans le deuxième, cas le fonds serait moins liquide pour les rachats». Enfin, aucune allusion n'est faite dans le texte au régime fiscal des OPCI. En l'état actuel des choses, «le secteur locatif au Maroc souffre de plusieurs maux et ne devrait pas permettre un développement conséquent des OPCI», déplore D. Bentayeb. Aussi, «la non-récupération de la TVA déboursée par le promoteur parce qu'il ne vend pas le bien à l'achèvement des travaux, renchérit le loyer final ainsi que les conditions de financement du secteur locatif. La durée des emprunts pour le secteur locatif est de 10 ans seulement, tandis que la capacité de remboursement maximale ne doit pas dépasser les 50% des revenus locatifs. De plus, il n'existe aucune exonération fiscale pour les revenus locatifs. Ce qui fait que le marché de la location en général reste cher au Maroc, d'où le recours des ménages aux acquisitions de leurs propres habitats», conclut-il.