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Entretien : CIH Bank, Immobilier, Tourisme, Retraite... Les confidences de Rahhou
Publié dans Finances news le 25 - 12 - 2015

CIH Bank dévoilera bientôt les détails de son plan de développement stratégique à horizon 2020. Résolument tournée vers les nouvelles technologies, la banque a joué un rôle-clé dans le processus de dématérialisation du paiement de la vignette et revendique le parc de cartes de paiement sans contact le plus important au Maroc. Partenariat avec QIIB dans la finance participative, stratégie de CIH Bank dans l'immobilier et le tou­risme, réforme du système des retraites, relations Maroc-Union européenne..., autant de sujets sur les­quels Ahmed Rahhou, avec sa double casquette de PDG de l'établissement bancaire et de membre du Conseil économique, social et environnemental, s'épanche sans langue de bois. Décryptage.
Finances News Hebdo : Au vu de la conjonc­ture actuelle, comment CIH Bank a-t-il pu consolider son positionnement au sein du système bancaire ?
Ahmed Rahhou : Nous avons eu un positionne­ment marketing qui n'est pas que conjoncturel. Notre offre sur les jeunes actifs, c'est-à-dire la gratuité de la banque pour les moins de 30 ans, traduit notre conviction que les tendances en matière de consom­mation des services bancaires vont changer, et sont déjà en train de changer. Actuellement, en dehors des crédits qui nécessitent des contacts, ces jeunes actifs utilisent de plus en plus les nouvelles technologies, l'Internet... La relation banque-client tend donc à évoluer et nous nous inscrivons dans cette optique en adaptant notre offre de services à ce nouveau mode de consommation.
C'est d'ailleurs sous cet angle qu'il faut apprécier l'initiative importante prise par CIH Bank de supprimer les dates de valeur. Dans le monde actuel où tout est instantané grâce à l'électronique, il nous semblait anachronique de conserver ce système de dates de valeur. Et l'avantage pour la clientèle est non négli­geable, surtout au niveau des comptes d'épargne, d'autant que les intérêts courent dès lors que le compte est crédité. Alors que chez nos confrères, la règle veut toujours que lorsque l'on crédite un compte, les intérêts ne sont comptabilisés qu'à la fin de la quinzaine.
La suppression des dates de valeur, qui concerne aussi les opérations avec les professionnels, nous a ainsi permis de lancer, courant 2015, le virement instantané entre deux comptes CIH Bank : lorsque vous créditez le compte d'une personne, elle le voit immédiatement et peut donc effectuer un retrait, sans attendre 24 ou 48 heures.
A côté de cela, nous avons été les premiers à lan­cer les cartes multiservices. Votre carte marocaine est utilisable librement, sans avoir à vous souvenir de 2 ou 3 codes, pour consommer votre dotation en devises dans les guichets automatiques ou en paiement à l'étranger. Et vous n'êtes débité que du montant de l'opération.
Ce sont autant de services innovants qui permettent à CIH Bank de séduire ces jeunes actifs.
F. N. H. : Pourquoi avoir choisi les moins de 30 ans et pas une tranche d'âge inférieure ?
A. R. : Nous avons choisi les moins de 30 ans parce que ce sont les premières périodes d'investissement et d'installation dans la vie. Nous les accompagnons donc et les incitons à consommer des services ban­caires en adéquation avec leurs besoins.
C'est notre nouvelle façon de faire la banque : elle est plus innovante, plus conviviale et moins coûteuse pour les clients.
F. N. H. : Et tout cela vous coûte combien en termes de PNB ?
A. R. : Bien évidemment, cela coûte cher à la banque (quelques millions de dirhams), mais nous assumons ce manque à gagner en termes de recettes et consi­dérons que cela vaut la peine.
F. N. H. : Comment comptez-vous justement récupérer ce manque à gagner ?
A. R. : Récupérer n'est pas le mot adéquat. Nous sommes dans une optique de partenariat durable avec le client, avec l'objectif d'être son principal ban­quier pour la vie en l'accompagnant dans la réalisa­tion de ses différents projets (crédit immobilier, crédits à la consommation...) et en le conseillant dans la gestion de son patrimoine.
F. N. H. : La concurrence vient de lancer le paiement sans contact. CIH Bank étant très versé dans les nouvelles technologies, est-ce que vous allez vous lancer dans ce créneau ?
A. R. : Je tiens d'abord à préciser que le paiement sans contact est un lancement de place. C'est-à-dire que le Centre monétique interbancaire a lancé l'acceptation dans les TPE (terminaux de paiement) des cartes sans contact. Aujourd'hui, nous avons quelques milliers de jeunes qui ont ouvert des comptes chez nous et toutes les cartes dont ils disposent sont sans contact. Donc, nous sommes déjà dedans. Je crois même que la première transaction sans contact qui s'est faite au Maroc est la nôtre. Le plus difficile n'est pas en soi la carte sans contact, mais plutôt là où vous pouvez payer sans contact. C'est pourquoi le CMI devait installer de nouveaux TPE qui acceptent les cartes sans contact. Et aujourd'hui, même si nous n'avons pas communiqué sur ce sujet, le parc de cartes de paiement sans contact le plus important au Maroc est celui de CIH Bank. Et je peux même dire que les seules cartes sans contact réellement opéra­tionnelles sont les nôtres.
F. N. H. : Dans le même sens, je crois savoir que CIH Bank a été au coeur du processus de dématérialisation du paiement de la vignette 2016...
A. R. : Effectivement, c'est un processus initié par la Direction générale des impôts, en partenariat avec CIH Bank et nos confrères de la Banque Populaire. L'objectif étant de faciliter la vie aux citoyens qui peuvent s'acquitter du paiement de la vignette de chez eux, via Internet, à travers un GAB..., mais éga­lement de faire faire des économies considérables à l'Etat. Donc, dans cette opération, la DGI a choisi CIH Bank et la BP comme banques pilotes. Nous avons mis en place ce mode de paiement et toutes les banques peuvent y adhérer, parce qu'il n'y a aucun monopole en la matière. Mais clairement, l'idée vient de nous (DGI, CIH Bank et BP). Et nous en sommes fiers.
D'ailleurs, sur le site Internet de CIH Bank, il y a actuellement moyen de s'acquitter directement d'autres impôts, comme la taxe d'habitation, la taxe professionnelle ou encore la taxe d'édilité. Nous sommes la seule banque de la place à offrir ce service. En sachant, bien évidemment, qu'on peut s'acquitter de ces impôts via le site de la Trésorerie générale du Royaume. Voilà le rôle de la banque tel que nous le concevons. Et je pense que nous pouvons travailler avec l'Etat afin que tous les services qui nécessitent un paiement soient réglés via le canal bancaire, plus rapide, plus efficace et assurant un vrai service de proximité.
Et tout cela est parfaitement en ligne avec notre devise : la banque de demain, dès aujourd'hui.
F. N. H. : Sur le plan commercial, CIH Bank avait prévu d'ouvrir 20 nouvelles agences cette année. Où en êtes-vous ?
A. R. : Nous sommes toujours dans cet objectif : 20 agences cette année et 20 autres en 2016. Celles de 2015 ne sont pas toutes ouvertes, certaines sont encore en travaux. Mais il est possible que l'on ralen­tisse en 2016 parce que nous avons une énorme transformation de notre système d'information dans les agences. Ce sera une pause de 3 ou 4 mois, le temps que ce système soit déployé.
Je rappelle que nous travaillons sur notre plan de développement stratégique à horizon 2020, avec un rythme d'ouverture de 15 à 20 agences par an.
F. N. H. : Quelles sont les grandes lignes de ce plan de développement ?
A. R. : Nous ne l'avons pas encore présenté au Conseil d'administration. Mais lors de la conférence de présentation des résultats annuels en mars pro­chain, nous reviendrons là-dessus. Mais nous avons pris un peu plus de temps cette année, parce que la conjoncture change et il y a aussi le lancement des banques participatives.
F. N. H. : Justement, où en êtes-vous par rap­port à votre projet de banque participative ?
A. R. : Nous avons déjà déposé une demande d'agrément auprès de Bank Al-Maghrib vers la mi-novembre et espérons recevoir une réponse en début d'année 2016. Nous sommes en partenariat avec le Qatar International Islamic Bank (QIIB), en vue de la création d'une filiale commune dédiée à l'activité de banque participative. Le tour de table comprend CIH Bank avec 40%, QIIB (40%) et la Caisse de dépôt et de gestion avec 20%. L'équipe est fortement mobili­sée pour que nous puissions démarrer en 2016.
F. N. H. : Avec quels produits comptez-vous démarrer ?
A. R. : Avec les produits de base : Mourabaha, Ijara... que nous allons lancer progressivement. En sachant que chaque produit doit être soumis au Conseil supérieur des oulémas (CSO). Nous sommes en train de préparer les fiches produit qui, dès que l'agrément nous sera donné, seront déposées auprès de Bank Al-Maghrib qui les transmettra au CSO.
F. N. H. : Avez-vous déjà choisi le nom de la filiale ?
A. R. : Effectivement. Mais nous l'annoncerons le moment opportun.
F. N. H. : Et en termes de businessplan, pour­rait-on avoir une idée sur vos projections ?
A. R. : Cela fait partie des éléments du dossier transmis à Bank Al-Maghrib. Il faut savoir que tous les candidats doivent donner leur businessplan. Et peut-être que nous avons une vision différente des autres; mais on verra.
En tout cas, les mutations que connaît l'environ­nement bancaire nous ont poussés à continuer la réflexion sur notre plan de développement moyen terme que nous dévoilerons, début 2016, en y inté­grant ces données concurrentielles.
F. N. H. : Sur le plan conjoncturel, il y a particulièrement deux secteurs actuelle­ment en souffrance au Maroc : l'immobilier et le tourisme. Dans une récente étude, Fitch Rating laisse entendre que le tourisme concentre près de 20% du total des créances en souffrance du système bancaire. Allez-vous réduire votre exposition sur ce secteur ?
A. R. : D'abord, notre engagement sur le secteur touristique est très faible. Pour rappel, CIH Bank a été la banque du tourisme et de l'hôtellerie pendant très longtemps, notamment dans les années 80 et 90. Ce secteur a connu des difficultés majeures qui ont conduit la banque à fortement provisionner. Nous avons toujours en ce moment des dossiers qui sont en cours de traitement (tribunal, amiable...)., même s'ils sont couverts par des provisions. Nous avons fini notre processus d'assainissement en 2012-2013 et nous n'avons pas de risques sur les dossiers histo­riques.
C'est un passé lourd, duquel nous avons tiré une leçon : le tourisme est un secteur cyclique, avec des cycles plus ou moins longs. Et dans un cycle, il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle est que cela se termine toujours un jour par une reprise, d'autant que le tourisme est une industrie renouvelable. Et dans une conjoncture difficile, il faut avoir la capacité de résistance pour ensuite profiter de la reprise. La mauvaise nouvelle est que ça coûte cher aux opérateurs qui, lorsqu'ils n'ont plus de business, ne peuvent pas faire face à leurs échéances. La pre­mière victime étant la banque qui n'est plus rembour­sée. Et le pire, c'est quand la banque n'est pas payée sur son crédit moyen terme qui a permis de financer une unité hôtelière, elle va couper les vivres sur le fonctionnement quotidien. Du coup, l'hôtelier n'a plus de trésorerie pour faire face à ses engagements.
Nous considérons que le tourisme, étant un secteur à cyclicité évidente, avec des cycles parfois très marqués, nécessite un mécanisme d'amortissement de crise susceptible d'y faire face. Cela peut prendre la forme d'une caisse de soutien aux entreprises du secteur, le temps que la conjoncture devienne favo­rable. Aujourd'hui, le problème est que quand la crise perdure, les unités hôtelières souffrent et certaines finissent même par fermer, provisoirement ou tota­lement. Dès lors, la réouverture devient complexe, puisqu'il faut pratiquement tout recommencer. Il faut donc des mécanismes qui permettent d'affronter les micro et macro-crises, qui vont respectivement de quelques semaines à quelques mois. Ces caisses de soutien peuvent être créées par les professionnels, avec une subvention de l'Etat en cas de besoin. Mais la première réponse face à ces phénomènes conjonc­turels doit venir des professionnels, surtout que les cycles deviennent plus courts, mais plus fréquents.
Aussi, tant que ces mécanismes ne seront pas mis en place, nous ne reviendrons pas sur ce secteur, ou alors de façon très timide, parce que les conditions permettant sa bonne gestion ne sont pas réunies.
Je reste néanmoins optimiste : le secteur touristique va reprendre. Mais est-ce que tout le monde a cette capacité de résistance pour traverser indemne cette crise ? C'est là toute la question.
F. N. H. : Qu'en est-il alors du secteur immo­bilier ?
A. R. : La situation de l'immobilier est un peu diffé­rente. Je pense aujourd'hui qu'il y a un ajustement qui est en train de se faire entre la demande et l'offre. Il y a du stock et, en face, la demande a baissé, en témoigne le nombre de demandes de crédits immo­biliers qui a baissé. Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu'en termes de crédits aux acquéreurs, il y a eu des programmes sur le social qui ont été très importants. Et il y a un moment où la demande solvable, celle capable de payer un crédit sur 20 ans, s'assèche. Donc, nous allons de plus en plus vers une clientèle moins pourvue en revenus et conséquemment plus risquée.
N'empêche que la baisse de la demande est bien réelle et elle provient, entre autres, des Marocains résidant à l'étranger qui achètent moins de biens immobiliers au Maroc.
Dans ce contexte, l'offre ne peut pas évoluer de la même façon, d'autant qu'il faut absorber les stocks. Les opérateurs du secteur l'ont d'ailleurs compris.
Néanmoins, je ne pense pas que l'immobilier soit en crise. D'abord, parce que le déficit en logements se chiffre en plusieurs centaines de milliers avec, en face, une demande potentielle très forte. La question est plutôt de savoir comment rendre cette demande potentielle solvable.
Maintenant, comme pour le tourisme, il faut trouver des mécanismes pour faire face à ce genre de situa­tions. Les gens qui ne peuvent acheter, doivent pou­voir louer. Or, au Maroc, les promoteurs ont tendance à construire pour vendre à des acquéreurs directs. On devrait, à ce titre, réfléchir un peu plus pour trouver des mécanismes qui permettent de faire en sorte que l'acquéreur d'un logement ne soit pas forcément celui qui va y habiter, mais va plutôt le mettre en location. Sauf que la location a souffert pendant longtemps au Maroc d'un rapport locataire – propriétaire très largement en défaveur de ce dernier (difficulté à récupérer son bien, bien dégradé...). Ce déséquilibre vient d'ailleurs d'être en partie réglé par la dernière loi sur le locatif. En partie seulement, parce que j'estime qu'il faut qu'on ait des procédures d'urgence pour qu'un propriétaire, face à un mauvais payeur, puisse rapidement récupérer son bien. Cela encouragerait beaucoup de gens à investir dans l'immobilier pour louer, ce qui engendrerait une autre demande sur le marché, solvable celle-là, qui permettra d'écouler les stocks. C'est déjà une bonne chose qu'on ait autorisé les possibilités d'investissement dans l'immobilier via les organismes de placement collectif immobilier (OPCI). Cela va permettre de générer un peu de chiffres, sauf que, dans les conditions actuelles, les OPCI ne seront pas orientés vers le résidentiel, mais plutôt vers le locatif professionnel.
En résumé, il faut donner plus de droits aux proprié­taires, mais aussi aider à développer des sociétés de gestion (pour notamment gérer les immeubles résidentiels).
En tout cas, l'exposition de CIH Bank sur la promo­tion immobilière est très correcte par rapport à nos engagements : c'est un peu plus de 10% de notre total bilan. Et sur ces 10%, nos risques sont bons et diversifiés et nous travaillons sur des programmes bien précis.
F. N. H. : Une banque concurrente vient d'ini­tier un taux de crédit immobilier à moins de 5%. Pensez-vous que le système bancaire va suivre ?
A. R. : Vous savez, un taux à moins de 5%, c'est un peu la pratique maintenant pour certains crédits. Cela s'inscrit dans la tendance baissière des taux directeurs, mais aussi de celle des taux des bons du Trésor, lequel a beaucoup baissé sa rémunération ces derniers temps. Les crédits bancaires suivent donc en général cette mouvance, avec, certes, un petit temps de retard : ces baisses se répercutent sur les taux des crédits, même les plus longs (20 et 25 ans).
Retraites
«Si ce problème n'est pas traité, c'est la loi qui s'en chargera»
Finances News Hebdo : En tant que membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE), vous aviez for­mulé un certain nombre de recommanda­tions concernant la réforme du système des retraites. Pensez-vous, vu le bras de fer qui oppose le gouvernement aux syndicats, que cette réforme a des chances d'aboutir ?
Ahmed Rahhou : Ce qui était prévu il y a mainte­nant un an et demi est en train d'arriver. Au niveau de la Caisse marocaine des retraites, il y a déjà un retournement de tendance : les cotisations sont inférieures aux pensions versées. Autrement dit, on ponctionne sur les réserves, lesquelles vont fatale­ment s'épuiser dans quelques années (4 ou 5 ans). A partir de là, on ne pourra plus payer les retraites; c'est aussi simple que ça.
Cela dit, il faut savoir que pour rétablir l'équilibre des caisses de retraite, la loi prévoit que les cotisations augmentent de façon mécanique. Le débat consiste aujourd'hui à jouer sur trois principaux paramètres : l'âge de départ à la retraite, les modalités de calcul de la pension et les modalités de cotisation. Mais, si on ne fait rien, il n'y aura plus qu'un levier à activer : la cotisation, c'est-à-dire que les actifs vont payer pour les inactifs.
Le débat a eu lieu au sein du CESE avec les diffé­rentes parties concernées. Et le Conseil a fait des propositions qui, d'ailleurs, ne règlent pas défini­tivement les problèmes. Elles permettent, tout au plus, de gagner une vingtaine d'années, période au cours de laquelle il faut penser à une réforme plus en profondeur qui tienne compte de la démogra­phie, puisque nous sommes dans un système de solidarité, les actifs d'une génération payant pour les inactifs de la génération qui les précède.
Parmi ce qu'a proposé le Conseil, il y a la retraite à 63 ans, autrement dit une retraite à taux plein (totalité de la retraite). Ce qui veut dire que les gens peuvent faire le choix de partir avant, mais avec une décote sur leur retraite. Le Conseil a aussi proposé que la pension soit calculée sur la base des 8 meil­leures années, en tenant compte, par exemple, du fait que certaines personnes peuvent avoir connu des interruptions de carrière. Aussi, les cotisations doivent être ajustées, avec une partie de l'augmen­tation supportée par l'Etat et l'autre par les salariés.
F. N. H. : Mais les syndicats ne semblent pas souscrire à cette réforme...
A. R. : Je ne connais pas la position des syndicats. Ce que j'ai compris, c'est qu'ils veulent que ce soit dans un cadre de discussion plus global. C'est un point de vue que l'on peut respecter. Mais la vérité est que l'on ne peut pas se permettre d'entamer un cycle de négociations qui va durer plusieurs mois ou des années, alors que la réforme des retraites est urgente. De toute façon, si ce problème n'est pas traité, c'est la loi qui s'en chargera, avec une hausse mécanique des cotisations. Et ce serait dommage d'en arriver là, puisque les taux de coti­sation vont augmenter de l'ordre de 50% pour réta­blir l'équilibre, ce qui est insoutenable pour un actif.
Signalons par ailleurs que ce n'est pas un problème spécifique au Maroc : aucun pays qui a une couver­ture sociale large (et encore le Maroc n'est pas tout à fait dans ce cas de figure !) n'a réglé ce problème de façon simple, surtout qu'il faut tenir compte des principaux paramètres cités plus haut.
Annulation de l'accord Maroc-UE
«Il faut être vigilant pour défendre la cause nationale»
Ahmed Rahhou : «Nous ne pouvons qu'être choqués par une telle décision. A mon sens, ce n'est pas une décision définitive, car ce ne sont pas trois juges dans leur bureau qui vont faire la politique étrangère de l'UE. Dire que la population des pro­vinces du Sud ne profite pas des accords avec l'UE, c'est soit méconnaître profon­dément la réalité de ce qui se passe là-bas, soit cette décision a des soubassements politiques.
C'est d'ailleurs l'occasion de rappeler que le CESE a déjà mené une étude dans cette région. On a tendance à l'oublier, mais il en est ressorti que le niveau de vie dans les provinces du Sud est supérieur à celui de toutes les régions du Maroc, en dehors de la région de Casablanca. L'effort consenti dans ces provinces (infrastructures, écoles, connectivité...) est tellement colossal qu'il faut juste un peu de lucidité et d'objectivité pour admettre que la population profite beaucoup plus que ce que ces territoires génèrent comme richesses.
Mais je n'ai pas de doutes que les choses vont rentrer dans l'ordre, vu l'importance des enjeux. Ceci montre, en tout cas, qu'il faut être vigilant pour défendre la cause nationale. Et c'est l'affaire de tout le monde».


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