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Entretien : «Les cours des matières premières devraient augmenter modérément en 2015»
Publié dans Finances news le 22 - 11 - 2014

Président du cabinet ACDEFI, auteur de plusieurs best-sellers, dont «Le dictionnaire terrifiant de la dette» (2014), et conférencier de renom, Marc Touati nous emmène dans un tour du monde des matières premières en mettant en exergue les corrélations entre les tendances de l'économie mondiale et celles des matières premières. Des corrélations pas toujours évidentes à relever, mais que notre invité tente tout de même de déchiffrer.
Finances News Hebdo : Marc Touati, que s'est-il passé sur les marchés des matières premières cette année ?
Marc Touati : Le fait déterminant de l'année 2014 réside évidemment dans la baisse des cours du pétrole et son corollaire le repli de l'indice CRB qui synthétise l'évolution de l'ensemble des matières premières pondérées par leur poids dans la consommation mondiale. Le cours du brent a ainsi retrouvé des plus bas depuis juin 2012, lorsque la zone Euro replongeait dans la récession. Cette baisse s'explique principalement par les craintes (excessives) d'un ralentissement de la croissance mondiale et aussi par l'augmentation de la production de matières énergétiques, en particulier liée au développement des gaz de schistes aux Etats-Unis.
Sur le front des matières premières alimentaires, l'embargo russe a créé des situations d'excès d'offre en Europe de l'Ouest, suscitant un mouvement de déflation (c'est-à-dire de baisse des prix) qui s'est répercuté sur l'ensemble de la planète.
F.N.H. : Et Maintenant, à quoi faut-il s'attendre ?
M. T. : En 2015, la baisse devrait être stoppée par la confirmation d'une croissance mondiale toujours solide. Comme cette année, elle oscillera entre 3,5% et 4%. Or, avec un tel rythme, l'augmentation normale des cours du pétrole et des matières premières est de l'ordre de 7%. Il ne faut donc pas s'attendre non plus à une flambée des cours, pour la simple raison que la production demeurera élevée.
Bien entendu, des facteurs géopolitiques pourraient venir contrarier temporairement ces prévisions, mais la tendance de fond est là : les cours des matières premières devraient rester sages et augmenter modérément.
Par ailleurs, et comme je viens de le spécifier, la variable explicative fondamentale de l'évolution des cours des matières premières réside dans la croissance du PIB mondial. Dans la mesure où celle-ci reste appréciable, les prix des matières premières progressent, mais sans flamber. Lorsque le baril de brut valait plus de 100 dollars et a fortiori lorsqu'il atteignait des sommets de 150 dollars, les «spécialistes» de l'or noir hurlaient que les conséquences de ce pétrole cher allaient être catastrophiques et, surtout, que cette flambée ne faisait que commencer, soutenant que le prix normal du baril était aux alentours des 250 dollars...
Aujourd'hui, alors que le baril fluctue autour des 90 dollars, les mêmes «analystes», rejoints d'ailleurs par beaucoup d'autres, soulignent que la baisse de ce cours est dangereuse et annoncent un effondrement de la croissance mondiale, ainsi que la poursuite de la dégringolade du prix du pétrole... D'où une question : où est la vérité dans tout cela ? Elle n'est déjà certainement pas dans les déclarations et prévisions de ces soi-disant «spécialistes du pétrole» qui disent tout et n'importe quoi depuis des années et qui ont quasiment toujours tort.
Très humblement, je ne fais pas partie de ces «spécialistes». J'essaie simplement d'analyser et de faire mes prévisions en fonction des réalités économiques, avec indépendance et pragmatisme. C'est notamment ce qui m'a permis d'annoncer, lorsque le baril valait 150 dollars en juillet 2008, que ce niveau de prix n'avait aucun sens et qu'il allait fortement chuter les mois suivants. Il tomba d'ailleurs à 34 dollars six mois plus tard. De même, c'est ce qui m'a permis d'annoncer depuis 2010, que, grâce à une croissance mondiale stabilisée entre 3% et 4% et à l'augmentation de la production énergétique mondiale, l'augmentation du prix du baril serait modérée, amenant ce dernier autour d'un prix d'équilibre autour des 100 dollars, avec une fourchette comprise entre 80 et 110 dollars.
Cette baisse est une bonne nouvelle. En effet, il ne faut pas se tromper sur le sens de la causalité : le repli du prix du baril est principalement une conséquence du ralentissement économique passé, alors que la production pétrolière et énergétique a continué de progresser. Il n'est donc absolument pas annonciateur d'un écroulement de l'activité économique de la planète.
Bien au contraire. Et pour cause : lorsque le prix du baril augmente de 10 dollars, la croissance mondiale se retrouve amputée de 0,4 point. Réciproquement, lorsqu'il baisse de 10 dollars, le gain de croissance planétaire atteint 0,4 point. Autrement dit, grâce à la baisse du prix du baril et à son corollaire, le repli des cours des principales matières premières, la croissance mondiale pourra se stabiliser durablement entre 3,5 % et 4 %.
F.N.H. : Le soutien artificiel aux économies développées semble se poursuivre ? Cela fausse-t-il les prix des matières premières ?
M. T. : Pas du tout. N'oublions pas que le prix normal du baril produit en Arabie Saoudite est d'environ 12 dollars. Même avec un niveau actuel de 100 dollars, nous sommes donc toujours très au-dessus du juste prix.
La baisse récente des cours des matières premières va d'ailleurs permettre de se passer du «soutien artificiel» évoqué dans la question. En effet, lorsque ces derniers baissent, le pouvoir d'achat des ménages est amélioré, permettant à ces derniers de consommer davantage. De plus, les coûts de production des entreprises sont réduits, assurant à ces dernières une meilleure rentabilité, les incitant par là-même à investir et à embaucher davantage. Enfin, compte tenu de ces deux premiers avantages, l'horizon global s'améliore, alimentant un cercle vertueux revenu-consommation-investissement-emploi. Le repli récent des cours des matières premières va donc permettre de soutenir la croissance, ce qui relancera ensuite les prix à la hausse. Il ne faut pas raisonner en statique. L'économie est une matière dynamique. Les baisses actuelles peuvent porter en elles les hausses de demain.
F.N.H. : Donc, il ne faut pas craindre un éventuel arrêt de la politique accommodante américaine...
M. T. : La «planche à billets» américaine (dite QE pour Quantitative Easing) a pris fin le 29 octobre dernier. Après six ans de fonctionnement et trois phases d'activation (2008, 2010 et 2012), soit un volume total d'environ 3.600 milliards de dollars, il était tout à fait normal que ce soutien artificiel prenne fin. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'une surprise, puisque dès le début 2014, Janet Yellen, alors fraîchement nommée à la tête de la Fed, avait averti que cette politique ultra-accommodante se terminerait fin octobre. De plus, la Réserve fédérale américaine devrait remonter ses taux directeurs courant 2015. Mais, pas de panique, ce resserrement limité sera à la fois insuffisant pour casser la reprise, mais déterminant pour montrer aux investisseurs que la Fed a confiance dans la résistance de l'économie américaine. Aussi étonnant que cela pourrait paraître à certains, la remontée des taux directeurs de la Fed pourrait donc renforcer l'embellie boursière internationale, tout en permettant aux cours des matières premières d'augmenter modérément.
F.N.H. : Il devient, semble-t-il, difficile de dissocier l'évolution des cours des matières premières de l'économie chinoise. Devient-elle plus prépondérante que celles de l'Ouest ?
M. T. : La Chine est certainement l'une des grandes gagnantes des dernières crises, depuis celle des subprimes jusqu'à celle de la dette publique, en passant par celle de la zone Euro. En effet, alors que tous les pays développés et une partie de ceux du monde émergent ont sombré dans la récession en 2008-2009, la Chine n'a cessé de croître. De même, lors de la reprise de 2010, elle est restée la locomotive de la croissance mondiale. Enfin, alors que la plupart des soi-disant experts de la Chine lui prédisent un effondrement depuis 2011, l'Empire du Milieu continue de dominer la planète économique. Aujourd'hui, son PIB représente 16 % du PIB mondial (en parités de pouvoir d'achat), contre 2% au début des années 1980. Ils sont les premiers consommateurs de matières premières dans le monde.
Pour faire simple, les Chinois peuvent aujourd'hui compter sur une croissance solide de 7 à 8% par an, basée sur une demande intérieure dynamique et sur une inflation maîtrisée. Mieux, en cas d'éventuel coup dur dans les prochaines années, ils pourront s'appuyer sur deux armes implacables pour éviter la récession. D'une part, le contrôle de leur taux de change. D'autre part, des réserves de change pléthoriques de plus de 4.000 milliards de dollars, c'est-à-dire 500 milliards de plus que le PIB allemand, qui se retrouve donc en stock à la Banque centrale chinoise. Un record mondial, jamais approché dans l'Histoire contemporaine !
Après avoir dépassé le Japon en 2011 (en termes de niveau de PIB en valeur) et la zone euro d'ici 2016, la Chine est donc toujours bien partie pour remplacer les Etats-Unis à la tête de l'économie mondiale d'ici une douzaine d'années. Mieux, ou plutôt pire, les Chinois sont en train d'acheter massivement des terres arables, des champs et mines de matières premières et enfin des obligations des Etats des pays développés. Ils deviennent ainsi des leaders, et même des créanciers du reste du monde.
F.N.H. : Pour revenir au comportement des matières premières, on remarque que les corrélations disparaissent petit à petit entre matières premières et marchés actions. Est-ce une nouvelle tendance lourde ou les choses vont-elles revenir tôt ou tard à la normale ?
M. T. : Ce type de corrélations parfaites n'a jamais existé. La variable clé reste la croissance mondiale: si cette dernière est forte, les bourses augmentent et les matières premières avec. Cependant, un évènement exogène (par exemple la crise des subprimes, la faillite de Lehman Brothers, une guerre avec la Russie...) peut venir casser cette belle mécanique. Aujourd'hui, les marchés boursiers sont surtout soutenus par l'excès de liquidités dans le monde. Dans la mesure où ce dernier va progressivement se tarir, les bourses mondiales connaîtront une correction en 2015. Cette dernière restera néanmoins modérée, dans la mesure où la croissance mondiale demeurera soutenue.
F.N.H. : Concernant les matières premières agricoles et fossiles, que faut-il prévoir au regard de la géopolitique actuelle ? Surtout en Europe de l'Est...
M. T. : Restons optimistes : la population mondiale augmentera tendanciellement d'environ 1 % par an au cours des deux prochaines décennies. Elle devrait ainsi atteindre 9 milliards d'habitants d'ici 2030. Dans le même temps, le niveau de vie de plus en plus de personnes progresse à travers le monde. On estime par exemple que le nombre de Chinois vivant correctement (c'est-à-dire selon des standards occidentaux) dépasse actuellement les 450 millions, contre 100 millions en 2000 et ils seront au moins 600 millions en 2020. Dans ce cadre, les habitudes de consommation changent et réclament de plus en plus de matières premières énergétiques et alimentaires : plus de pétrole, plus de viandes, plus de blé...
Autrement dit, il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que, sauf en cas de guerre nucléaire ou de pandémie planétaire, la demande mondiale de produits énergétiques et, plus globalement, de matières premières va continuer de croître significativement dans les prochaines années. Et ce, indépendamment de la situation en Europe de l'Est. Dès lors, dans la mesure où les matières premières mondiales sont physiquement limitées, il est inévitable que leurs prix continueront de progresser. Le véritable moyen de freiner la flambée des cours des matières premières réside donc toujours dans la capacité à innover et à engager le monde dans une double révolution technologique : celle des NTE (Nouvelles technologies de l'énergie) et celle des NTA (Nouvelles technologies de l'agroalimentaire). Cette double mutation permettra tout d'abord d'optimiser les ressources naturelles et d'accompagner le développement de la planète en réduisant les risques de pénuries. Ensuite, elle assurera une période durable de croissance forte, créatrice d'emplois et de revenus. Enfin, elle se traduira aussi par une réduction des tensions sociales et par un monde moins belliqueux.
F.N.H. : Pour un opérateur soucieux de se protéger des variations des matières premières, surtout agricoles pour une économie comme le Maroc, quels sont les indicateurs macroéconomiques, géopolitiques, monétaires et autres qu'il doit surveiller afin de se faire des idées sur les tendances futures ?
M. T. : Il ne faut pas se voiler la face : dans la mesure où il n'est pas possible de maîtriser les soubresauts géopolitiques internationaux et les évolutions climatiques mondiales, la volatilité des prix des matières premières, notamment agricoles, va rester forte. En fait, la seule vraie force de rappel réside dans la croissance mondiale qui reste la variable déterminante pour prévoir les cours des matières premières. C'est elle que j'utilise depuis des années et, généralement, mes clients n'ont pas été déçus (notamment en 2008, cf. plus haut). En revanche, pour éviter les mauvaises surprises (qui demeurent inévitables), il faut éviter de spéculer en achetant et vendant à terme, mais plutôt figer les prix, en recourant à des produits de couverture, c'est-à-dire des options. Si la volatilité ne peut être évitée, elle peut donc être «apprivoisée».
F.N.H. : Enfin, en ce qui vous concerne, est-ce plus simple ou plus difficile d'anticiper les futurs mouvements d'avant la crise de 2008 ?
M. T. : Ni l'un, ni l'autre. Il faut simplement faire ses prévisions en toute honnêteté et indépendance. Bien souvent, certaines prévisions de certains «experts» obéissent à des objectifs partisans ou sont «commandées» pour répondre à un besoin. Pour éviter de tomber dans ce piège, il est donc indispensable de faire ses prévisions en fonction des fondamentaux économiques. De la sorte, nous savons où nous allons. Si ensuite un évènement impromptu vient contrarier cette réalité économique, nous saurons alors d'où vient l'erreur de prévision. Mais il n'y a rien de pire que de faire ses prévisions en voulant suivre le consensus. A ce petit jeu, on est quasiment sûr de perdre. Tous les ans, depuis une vingtaine d'années, je fais chaque mois de janvier le bilan de mes prévisions de l'année écoulée. Un bilan que je publie et envoie à mes clients. Et généralement, ce bilan est très satisfaisant. Rassurez-vous : je n'ai pas de boule de cristal, je fais simplement mes prévisions sur la base des réalités économiques. C'est la seule «matière première» efficace pour établir des anticipations. Et cela ne changera pas de sitôt.


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