En Afrique, les marchés de capitaux ne sont pas encore suffisamment mâtures pour permettre de mobiliser des ressources internes et externes dormantes au profit d'investissements productifs. Il s'agit d'un vrai sujet de préoccupation. La neuvième édition du Forum pour le développement de l'Afrique est pleine de promesses. E ngagement, détermination, persévérance, volonté, ce sont les mots-clés qui se dégagent des discours prononcés par les Chefs de gouvernements des pays africains durant la neuvième édition du Forum pour le développement de l'Afrique. Que ce soit Macky Sall, Président de la République du Sénégal, Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d'Ivoire ou Carlos Lopes, Secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA), ils sont tous unanimes sur la nécessité de développer davantage le partenariat Sud-Sud. Ils mettent en bandoulière des stratégies volontaristes à même de rendre l'Afrique, un continent fier de son identité, un continent moderne et débarrassé des idéologies et des archaïsmes, un continent audacieux et entreprenant. Ils lancent un appel à la communauté internationale pour qu'elle développe à l'égard de l'Afrique un regard novateur qui se base d'emblée sur une coopération mutuellement bénéfique et qui rompt avec les schémas classiques d'assistance. Bref, ils sont déterminés à faire de l'Afrique un pays de choix dans le nouvel échiquier mondial. «Les modes de financement novateurs pour l'Afrique» telle est la thématique de cette neuvième édition qui s'est tenue à la ville ocre du 12 au 16 du mois courant. Le choix du thème n'est pas le fruit du hasard, il fait ressortir l'actualité brûlante d'une Afrique qui aspire à relever le défi de l'intégration financière mondiale, mais qui manque encore de moyens financiers. Comme l'a si bien souligné le Souverain dans la lettre lue par le Chef du gouvernement, A. Benkirane lors de la séance d'ouverture : «Le problème de développement en Afrique n'est pas lié à la nature de la terre ni au climat, mais il est plutôt imputable à une dépendance économique enracinée, et à la faiblesse des soutiens et des sources de financement, ainsi qu'à l'absence de développement durable». Et de poursuivre : «Il est de plus en plus admis qu'après les indépendances dans les années 60, les pays africains forgent aujourd'hui leur indépendance économique. Tout comme il est désormais acquis que la nouvelle Afrique constitue la nouvelle frontière de la croissance mondiale». Pour un changement de paradigmes Les ambitions sont très grandes, mais les défis à relever restent de taille. L'Afrique souffre d'un handicap sérieux à savoir les inégalités sociales. A défaut d'une croissance inclusive, le continent ne pourrait améliorer son développement économique et réussir favorablement son intégration à la finance internationale. D'où la nécessité de réfléchir à un nouveau modèle empreint d'un secteur financier au service de l'économie réelle. Carlos Lopes, Secrétaire exécutif de la CEA se félicite tant soit peu des réalisations effectuées au cours des dernières années par le continent africain. Entre autres, il fait allusion aux politiques mises en place par les pays africains eux-mêmes et non par le Fonds monétaire international, au lendemain de la crise financière de 2008. Une ébauche d'une autonomie qui prouve que les pays en question sont prêts à prendre des responsabilités communes, mais différenciées. D'après lui, il faut essentiellement penser aux perspectives d'avenir, changer de paradigmes notamment en matière d'investissement et de gestion d'argent. Il faut également un système de réglementation à même de répondre aux besoins du pays. 1/3 des échanges commerciaux se fait actuellement avec les pays du Sud et dans une dizaine d'années, ils atteindront 60%. «Les relations interafricaines changent à la vitesse de l'éclair» se réjouit Carlos Lopez. Une chose est sûre : l'Afrique est en train d'émerger comme un nouveau pôle mondial de croissance du fait des potentialités dont elle dispose. Toujours est-il que ce processus ne saurait être consolidé sans une transformation structurelle des économies africaines et leur mutation vers des activités à haute valeur ajoutée et à fort contenu technologique. La mobilisation des ressources financières domestiques constitue ainsi le vecteur essentiel pour pérenniser le financement des grands projets d'investissement, particulièrement les infrastructures, et mieux se préparer pour réaliser les objectifs de développement post-2015. D'après le FMI, l'Afrique dans son ensemble devrait enregistrer un taux de croissance de 5% en 2014. Mais cela ne doit pas occulter le fait que durant la même année, la valeur ajoutée dans le secteur manufacturier devrait diminuer (alors qu'elle se trouvait déjà à un niveau très bas). C'est ce qui exhorte les pays en question à la transformation structurelle, à l'amélioration de la productivité agricole, à une meilleure utilisation des ressources naturelles et bien entendu à l'industrialisation. La débâcle financière de 2008 a été riche en enseignements pour l'Afrique. Elle a compris l'importance de prendre appui sur une base solide. «Il faut pour cela un changement de paradigme dans l'esprit des gestionnaires de fonds, en particulier la façon dont est perçue l'Afrique sur les marchés de capitaux» confirme le Secrétaire exécutif de la CEA. A titre d'exemple, le capital-investissement est une source de capitaux qui peut s'appliquer aux infrastructures, aux services de santé, à l'agriculture et aux secteurs mal desservis, mais à haute valeur ajoutée. L'activité économique ne peut prospérer que grâce à la multiplicité des sources de capitaux. Dans les prochains jours, les organismes de réglementation africains doivent instaurer un véritable dialogue avec les fonds d'investissement pour promouvoir un écosystème dynamique. Endiguer les flux financiers illicites, créer des capacités institutionnelles permettant de tirer davantage parti des sources de financement novatrices, tels sont les principaux crédos d'une Afrique en quête d'un nouveau positionnement sur l'échiquier mondial.