En 2004, le Maroc adoptait un nouveau code du travail dont le principal défi était de permettre le développement économique et de faciliter les avancées sociales. Dix ans plus tard, l'économie nationale a fait sa mue et les exigences sociales ne sont plus les mêmes. Ce qui pose légitimement le débat sur l'adoption d'un nouveau code du travail. Sous divers cieux, le dialogue social demeure fortement ponctué par les luttes entre l'entreprise et ses salariés représentés par les organisations syndicales pour le partage de la valeur ajoutée, l'amélioration des conditions de travail ou encore pour plus de sécurité sociale. Cette constante avait induit l'Etat marocain à adopter un code du travail en 2004 dans l'optique d'opérer un arbitrage idoine entre le progrès économique et l'avancée sociale, la face et le revers d'une même médaille. Sauf que le code du travail marocain souffle cette année ses 10 bougies et que depuis 2004, la mondialisation s'est accrue, avec l'exacerbation de la concurrence aussi bien nationale qu'internationale. D'où la nécessité de réadapter cet arsenal juridique aux nouvelles réalités économiques et sociales du Maroc et au contexte international. C'est dans cette optique, et à l'occasion de ce dixième anniversaire, que la Commission emploi et relations sociales de la CGEM a récemment organisé une rencontre intitulée : «Code du travail : passage du dogme au pragmatisme». A en croire Jamal Belahrach, président de cette commission, le patronat marocain s'érige, par le truchement de propositions concrètes faites au gouvernement, en une véritable force de proposition pour une nouvelle réglementation du travail. Lors de son allocution, il s'est ostensiblement refusé d'user de la langue de bois. «En adoptant le code du travail de 2004, la CGEM s'est fait avoir», martèle-t-il. Et d'ajouter que : «Cet instrument juridique, gage de compétitivité, prend en otage l'entreprise marocaine en raison de son manque de souplesse et du flou qu'il jette sur les indemnités de licenciement». Toutefois, cette assertion est à tempérer, car le code de 2004 a aussi permis la barémisation des indemnités de licenciement, ce qui est quelque part un réel progrès. Pour sa part, Abdeslam Seddiki, ministre de l'Emploi et des Affaires sociales, principal invité à cette occasion, a rappelé l'impératif de poursuivre le dialogue social qui doit atteindre sa maturité, et ce pour l'intérêt général. Le ministre a aussi concédé le fait que l'amélioration de l'actuelle réglementation afférente au travail soit une nécessité absolue. Ce qui est d'autant plus vrai si l'on sait que 66% de la main-d'oeuvre au Maroc sont est proie à la précarité. Cela dit, sur la tribune de la CGEM, Abdeslam Seddiki s'est livré au jeu de questions-réponses qui a par ailleurs révélé, le principe du juste milieu qui devrait guider l'action de l'Etat pour la mise en place du nouveau dispositif juridique qui devra réglementer le travail au Maroc. L'équité, principal leitmotiv Si le ministre de l'Emploi et des Affaires sociales a reconnu la pertinence de certaines recommandations du patronat, il n'en demeure pas moins que celui-ci a aussi admis son devoir de prendre en considération les requêtes syndicales. «Je me dois d'être juste», martèle-t-il. A ce titre, tout l'enjeu d'un nouveau dispositif juridique au Maroc est de ne pas obérer les droits des salariés, ni l'agilité des entreprises. Quant au timing d'un nouveau code du travail, la réponse du ministre est sans équivoque. «Pour l'heure, difficile de donner une date car le code doit être le fruit d'un large consensus avec des tractations qui vont trainer en longueur», confie-t-il. Toutefois, de nouvelles mesures, pour ne citer que celles concernant le droit de grève, sont imminentes et seront prises par décret. Ce dont se réjouit Jamal Belahrach puisque les dispositifs sur le droit de grève revêtent une importance capitale pour la visibilité des investisseurs étrangers. A en croire Abdeslam Seddiki, la recherche de l'équité présidera aussi aux nouvelles mesures concernant le droit de grève consacré par la Constitution de 2011. Ainsi, 1 an d'emprisonnement est prévu pour tout dirigeant d'entreprise empêchant illégalement ce droit. La même peine est aussi valable pour les syndicats et les salariés entravant illégalement la liberté de travail. En définitive, la Commission emploi et Relations sociales de la CGEM a fait au gouvernement une batterie de recommandations dans l'otique d'assouplir la réglementation du travail et de permettre à certaines entreprises de sortir de l'informel. Ces propositions portent entre autres, sur le contrat de travail à temps partiel, sur le décret d'application relatif au contrat à durée déterminée (CDD) et sur les entreprises de travail temporaire. Pour autant, le tout est de savoir si ces propositions s'attireront les faveurs du gouvernement qui, de toute façon, aura le dernier mot pour les contours à donner au futur code du travail.